« Tanger est ouverte » ? - Calculs politiques le long des routes vers l’Espagne

Bienvenue en Europe. Source : AP Maroc

 

Table des matières

Introduction

1 Une promotion de la migration – les traversées de mai 2021

2 Traversées maritimes et statistiques

3 Nouvelles des régions

3.1 La route de l’Atlantique
3.2 Tanger et le détroit de Gibraltar
3.3 Les enclaves : Ceuta et Melilla
3.4 Nador et les forêts
3.5 Oujda et la zone frontalière algérienne
3.6 Algérie
3.7 Région du Rif

4 Naufrages et personnes disparues

 

Introduction

Du moins pour les médias internationaux, les trois derniers mois sur les routes vers l’Espagne ont été remarquables en raison du grand nombre de traversées autour du 18 mai. En quelques jours seulement, plus de 10 000 personnes ont franchi la frontière vers les enclaves de Ceuta et Melilla. Nous décrirons ces événements de manière plus détaillée dans la première partie de ce rapport. Comme toutes les parties du rapport, elle est basée sur le travail constant des militant.e.s d’Alarm Phone dans la région de la Méditerranée occidentale et au-delà. Le rapport documente la poursuite de la violence et de la répression à l’encontre des voyageur.se.s, ainsi que leur résistance permanente. Les traversées de frontières du mois de mai ne font pas exception à cette dynamique. Les personnes en déplacement sont toujours instrumentalisées dans des jeux de pouvoir (politiques). Quelle que soit la rhétorique déployée au niveau de l’État, la réalité est que les personnes en déplacement sont trompées, détenues, déportées et privées d’accès à un logement correct. Les infrastructures auto-organisées sont détruites (voir par exemple les parties 3.4 et 3.6).

La répression au Maroc est toujours accrue et s’intensifie même après les traversées de mai (voir 3.2). C’est pourquoi, en dehors de ces quelques jours de mai, de nombreuses personnes abandonnent les points de départ traditionnels comme Nador (voir 3.3). D’autres, comme les harraga du Rif, sont confrontées à des interceptions en mer par la Marine Royale, la marine marocaine (voir 3.7).

La route atlantique vers les îles Canaries (voir 3.1) reste le passage le plus fréquenté vers l’Espagne. Et ce, malgré l’expansion continue des appareils répressifs dans les pays d’Afrique du Nord-Ouest financés par des États européens. Le résultat meurtrier de ces politiques est visible dans le nombre choquant de personnes mortes et disparues (voir partie 4). Au mépris de cette politique, les personnes continuent de bouger (voir partie 2) et de protester. Nous soutenons avec enthousiasme leur campagne pour l’abolition de Frontex (voir partie 3.5).

1 Une promotion de la migration – les traversées de mai 2021

À la mi-mai, la rumeur s’est répandue comme une traînée de poudre que le Royaume du Maroc avait demandé à ses gardes-frontières de se retirer et qu’il existait une « fenêtre » dans le contrôle habituellement strict des frontières. Une telle fenêtre est appelée « promotion » par les voyageur.se.s subsaharien.ne.s. Des « promotions » ont déjà eu lieu et font partie de la mémoire collective de la frontière maroco-espagnole. Dans un contexte d’escalade des tensions diplomatiques entre l’Espagne et le Maroc dans la semaine du 1er mai, jusqu’à 10.000 personnes, dont de nombreux mineurs, ont atteint Ceuta à la nage, sur de petites embarcations ou en franchissant la barrière frontalière. Elles sont arrivées dans les zones de Benzú et de Tarajal ou ont franchi les clôtures frontalières, aidées par l’absence (ou l’inaction) des forces marocaines. Certaines rumeurs de la promotion ont laissé croire aux personnes que leurs papiers seraient réglés dans les enclaves afin qu’elles puissent se rendre sur le continent espagnol. Comme cela s’est avéré faux, certaines personnes ont essayé de retourner volontairement au Maroc, tandis que la plupart ont souhaité poursuivre leur voyage. Avant 22 heures, le 17 mai, 300 personnes avaient déjà été renvoyées au Maroc. Malgré l’attention exceptionnellement forte des médias internationaux, le gouvernement marocain est resté silencieux tout au long de la journée.

Dans les quelques jours ayant précédé le 17 mai, de nombreuses personnes s’étaient déjà déplacées vers Tanger car elles avaient entendu parler de la « promotion ». Le 17 mai, beaucoup d’entre elles sont venues sur les plages autour de Tanger à bord de petits canots. Certaines ont essayé de traverser vers la péninsule ibérique, mais en raison des mauvaises conditions climatiques, la majorité a continué le long de la côte en direction de Ceuta.

Le 18 mai, les autorités espagnoles ont déployé l’armée pour soutenir la police. Elles ont déployé des chars sur les plages afin d’empêcher les gens de traverser. Elles ont également mis en œuvre par la force leur politique de « déportations à chaud » à la frontière. Lorsque les forces de sécurité marocaines ont recommencé à empêcher les gens de traverser la frontière, des émeutes ont éclaté du côté marocain de la frontière. Elles ont été réprimées par des tirs en l’air et des bombes fumigènes de la Guardia Civil. Une vidéo a circulé sur les médias sociaux. Elle donne des preuves graphiques de la violence policière contre les mineurs et des refoulements de Ceuta vers le Maroc dans les jours du 17 au 19 mai.

Selon la branche locale de l’Association Marocaine des Droits Humains (AMDH), les tentatives extraordinaires de franchissement de la frontière de Melilla ont commencé le 18 mai. Des dizaines de harraga marocains se sont rassemblés dans les quartiers de Beni Ansar, Barrio Chino, Mariouari et Farkhana afin de tenter de franchir la barrière frontalière vers Melilla.

Nos contacts locaux à Nador rapportent que ce jour-là, environ 200 à 300 voyageur.se.s subsaharien.ne.s ont tenté d’atteindre Melilla en passant par la clôture frontalière. Environ 85 ont réussi, tandis que les autres ont été bloqués par les gardes-frontières. Le lendemain, 15 à 40 voyageur.se.s subsaharien.ne.s (des chiffres différents sont rapportés) ont été renvoyé.e.s directement au Maroc dans le cadre d’une « déportation à chaud ». Cette action a été critiquée par l’AMDH, entre autres. L’expulsion a eu lieu en collaboration avec les forces marocaines, malgré les rumeurs de « promotion ».

Le 21 mai, plusieurs autres tentatives de franchissement de la clôture ont eu lieu, cette fois par de jeunes ressortissant.e.s marocain.ne.s et syrien.ne.s, notamment à Mariouari et Barrio Chino. Selon les rapports, certaines personnes ont atteint Melilla, même si la Guardia Civil a utilisé des gaz lacrymogènes sur elles. Le nombre exact de traversées réussies n’est pas connu. L’agence de presse Deutsche Welle parle de 6 groupes qui ont tenté de franchir la clôture, 30 individus ayant réussi. Plus tard dans la journée, 40 autres personnes ont réussi à franchir la clôture frontalière. Elles étaient toutes de nationalité marocaine.

L’absence de contrôle aux frontières par les autorités marocaines est intervenue après que l’Espagne ait permis au leader sahraoui du Front Polisario, Brahim Ghali, d’être traité contre le Covid-19 en Espagne fin avril. Dans un communiqué du 8 mai, Rabat a déclaré qu’il s’agissait d’un « acte prémédité » qui aurait des répercussions. Le gouvernement espagnol, cependant, a affirmé par la suite qu’il n’était pas au courant de l’assouplissement des contrôles aux frontières par le Maroc. Cet exemple montre comment le Maroc utilise sa position à la frontière extérieure de l’UE pour forcer l’UE à accepter son occupation du Sahara Occidental. Le conflit entre l’Espagne et le Maroc s’est aggravé depuis que l’ancien président américain Trump a reconnu la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental fin 2020. Cette affirmation va à l’encontre de la reconnaissance par l’ONU de l’État du Sahara occidental. Le Maroc emploie des tactiques similaires, jouant avec la vie des migrant.e.s pour des raisons diplomatiques stratégiques, comme l’a fait la Turquie en 2020. En outre, le royaume marocain tire parti de la haine de l’UE envers les « étrangers » pour couvrir sa répression politique et sociale et la pauvreté généralisée dans le pays. En conséquence, nombre de ses résident.e.s, Marocain.e.s comme ressortissant.e.s subsaharien.ne.s, n’ont aucune porte d’issue et le Maroc peut acheter le silence et le soutien de ses homologues européens.

Le 19 mai, les gouvernements espagnol et marocain ont conclu un accord pour renvoyer les Marocain.e.s adultes dans leur pays d’origine par groupes de 40 toutes les deux heures. Le 22 mai, 7000 personnes avaient déjà été expulsées ou « renvoyées volontairement » de Ceuta. En outre, les forces de police ont intensifié leurs recherches et leurs interceptions, notamment autour du port de Ceuta, où de nombreuses personnes se cachaient pour tenter de se faufiler sur les ferries ou de sauter dans, sur ou sous les camions en partance pour Algésiras.

La Commission espagnole d’aide aux réfugiés (Comisión Española de Ayuda al Refugiado, CEAR) a condamné la pratique répandue et bien établie qui consiste à renvoyer des personnes sans suivre les procédures établies par la loi, c’est-à-dire en vérifiant correctement leur identité ou en leur permettant de déposer une demande d’asile. Il s’agit de graves violations des droits de l’homme.

Bien qu’ayant mis en pause le contrôle des frontières qu’il applique habituellement de manière très violente, le Maroc a accepté les refoulements de l’Espagne. En retour, le 18 mai, en pleine crise, l’Espagne a promis au Maroc une nouvelle aide financière de 30 millions d’euros afin d’empêcher la migration vers l’Espagne. Les personnes qui luttent pour un avenir meilleur sont prises en otage dans le jeu des relations internationales.

Un autre effet des traversées massives de la mi-mai dans les enclaves espagnoles est que, dans le cadre d’un plan annoncé le 16 juin par le ministre espagnol des affaires étrangères, M. Gonzalez, l’Espagne envisage désormais d’inclure pleinement Ceuta et Melilla dans l’espace Schengen. Cela rendra obligatoire un visa Schengen pour tous les ressortissant.e.s marocain.e.s souhaitant entrer dans les enclaves. En conséquence, les habitant.e.s des villes marocaines voisines de Nador et de Tétouan devront obtenir un visa Schengen pour entrer à Ceuta ou Melilla. Si ce plan est mis à exécution, il serait désastreux pour le commerce transfrontalier et affecterait gravement l’économie locale. Jusqu’en octobre 2019, la frontière extérieure de Ceuta était ouverte à la population voisine pour de courtes visites. Elle n’a été fermée que pour tenter d’enrayer la propagation du Covid-19. La population locale a organisé un certain nombre de manifestations à Fnideq pour demander la réouverture de la frontière, en soulignant les difficultés économiques qu’une fermeture entraîne.

2 Traversées maritimes et statistiques

De fin mars à juin, Alarm Phone a été contacté dans un total de 66 cas impliquant environ 1443 personnes en détresse en mer. C’est plus de cas qu’Alarm Phone n’en a traité durant l’hiver 2020 (60 cas) ou durant les trois premiers mois de 2021 (31 cas).

Sur ces 66 cas, 40 bateaux transportant 801 personnes sont arrivés en Espagne. L’ONU fait état d’environ 7000 nouvelles arrivées en Espagne en avril, mai et juin. Ces chiffres montrent qu’Alarm Phone a aidé environ une personne sur neuf à passer en Espagne. Il s’agit d’une augmentation par rapport aux années précédentes et cela pourrait montrer la présence croissante du réseau dans la région.

Parmi les bateaux qui n’ont pas atteint l’Espagne, 18 sont retournés au Maroc, dont 9 ont été interceptés et repoussés vers le Maroc, 8 ont été secourus en détresse et un est rentré de manière autonome. Quatre bateaux transportant un total de 205 personnes ont été portés disparus, et l’issue de deux cas n’était pas claire. Malgré les efforts de sauvetage des navires marchands, des bateaux de pêche et des garde-côtes, 60 personnes sont mortes au cours des missions de sauvetage. Nos pensées et notre rage vont vers celles et ceux qui ont perdu la vie en mer alors que la lutte pour la libre circulation continue.

Il n’en reste pas moins vrai que de nombreux cas ne sont pas signalés. Des personnes arrivent en Espagne ou sont portées disparues en mer sans qu’aucune organisation n’en soit informée. Il n’y a tout simplement aucun moyen de savoir si nos chiffres dépeignent la véritable réalité des traversées en Méditerranée occidentale et dans l’Atlantique.

3 Nouvelles des régions

3.1 La route de l’Atlantique

Trajets en bateau et cas Alarm Phone

La route de l’Atlantique reste la route la plus fréquentée vers l’Espagne. Elle a représenté la moitié des arrivées en Espagne au cours des six premiers mois de 2021, à savoir 6855 sur 13 176 arrivées (données au 27 juin 2021). C’est déjà beaucoup plus qu’au cours de la même période en 2020. Comme le montre le graphique suivant des arrivées par semaine, les traversées ont augmenté au cours du deuxième trimestre de l’année, avec plusieurs pics. Par exemple, sept bateaux transportant 263 personnes sont arrivés aux Canaries le 30 avril, et sept autres bateaux avec 298 personnes ont atteint les Canaries entre le 26 et le 27 juin.

Source : compilation propre, données du HCR Espagne

De manière générale, le nombre de femmes qui empruntent cet itinéraire a diminué. Elles représentent aujourd’hui environ 15 % des voyageur.se.s. En revanche, le nombre de voyageur.se.s marocain.e.s a augmenté, constituant désormais un quart de l’ensemble des arrivées. D’une manière générale, on constate une augmentation de l’éventail des pays d’origine des personnes qui empruntent cet itinéraire. Si la plupart des voyageur.se.s viennent toujours de la région immédiate, de pays comme le Sénégal, la Gambie, la Guinée-Bissau et les États du Mahgreb, il y a maintenant beaucoup d’arrivées de pays plus éloignés comme la Côte d’Ivoire ou même la RDC. Fin mai, il y avait même des voyageurs du Yémen et de l’Irak parmi les arrivées.

La route reste plus meurtrière que jamais. Les estimations officielles suggèrent que les personnes meurent ou disparaissent au rythme d’environ un décès par jour. Si cela est exact, cela signifie qu’environ 180 personnes sont mortes cette année. Nous pensons que ce chiffre est beaucoup plus élevé. Grâce à son travail méticuleux et au contact permanent avec les proches, le collectif Caminando Fronteras a établi que 57 bateaux ont été perdus au cours des six derniers mois sur la seule route des Canaries, ce qui donne le chiffre horrible de 1922 morts et disparus.

Chez Alarm Phone, nous avons été alerté.e.s de la disparition de plusieurs bateaux, dont certains au moins ne peuvent pas avoir été inclus dans les statistiques officielles. AP127 était un bateau transportant 50 personnes. Il a quitté les environs de Laayoune à la fin du mois de mars et a été porté disparu. Nous n’avons aucune information sur plusieurs bateaux qui sont partis fin mai et début juin : AP271 (32 personnes de Laayoune), AP300 (52 personnes de Laayoune), AP307 (62 personnes de Laayoune) et AP308 (36 personnes de Dakhla). Nous espérons vivement que ces 232 voyageur.se.s sont tou.te.s arrivé.e.s sain.e.s et sauf.ve.s quelque part et ne partagent pas le sort du bateau qui a été retrouvé dans les Caraïbes à la mi-mai. Il avait dérivé pendant 4500 km, toutes les personnes à bord étant mortes.

Les équipes d’Alarm Phone ont également été suivi certains des horribles naufrages qui se sont produits sur la route des Canaries au cours des derniers mois. Fin mai, l’AP301 a fait naufrage au large des côtes du Sahara occidental. La Marine Royale, la marine marocaine, n’a pu sauver que 30 survivant.e.s. 15 autres voyageur.se.s sont mort.e.s au cours de l’opération de sauvetage mal menée. Notre source ici est le membre d’Alarm Phone A., de Laayoune, qui a parlé aux survivant.e.s.

Le récent naufrage au large des côtes nord de Lanzarote (Órzola), qui a fait plusieurs mort.e.s, était également accompagné par Alarm Phone. Il en va de même pour l’horrible naufrage survenu il y a quelques jours (AP359), qui a fait 40 mort.e.s et seulement 22 survivant.e.s. Les personnes survivantes ont été recueillies par un bateau de pêche.

Une autre tragédie s’est produite fin avril, lorsque trois personnes ont été retrouvées, tout à fait par hasard, à près de 500 km au sud d’El Hierro, l’île du sud-ouest de l’archipel des Canaries. À bord, il y avait 24 mort.e.s. Les membres de la famille pensent que le bateau était initialement parti avec 57 personnes le 5 avril de Mauritanie. Outre les 24 corps retrouvés sur le bateau, cela ajoute 30 autres vies perdues à notre triste bilan.

La pure chance a également permis le sauvetage de plusieurs autres bateaux. Quelques bateaux ont été repérés par des navires marchands, parfois à des centaines de kilomètres des îles, et les passagers ont été mis en sécurité. Un navire marchand britannique a sauvé 25 personnes à plus de 400 km au sud de Gran Canaria (AP296) le 8 juin. Un autre cargo a repéré une personne morte et 35 survivantes à près de 500 km au sud de Gran Canaria. Une passagère, une jeune fille, est décédée peu après le sauvetage. Un autre bateau, à 65 km au large des côtes du Sahara occidental, a été repéré par un navire marchand le 1er juin. Il est particulièrement inquiétant de constater qu’il s’agissait d’un canot pneumatique. Les voyageur.se.s qui empruntent cette route le font généralement dans des embarcations en bois, plus robustes.

Un autre grand naufrage n’a jamais eu d’attention dans les médias européens. Dans la première semaine de juin, un bateau qui avait quitté le Sénégal avec 150 voyageur.se.s a été recueilli par la Marine Royale. Il n’y avait que 79 survivant.e.s. Toutes les personnes ont ensuite été déportées au Sénégal.

En plus d’être témoins de ces voyages dangereux et mortels, nous avons également assisté à l’intensification de la répression. Depuis que les arrivées aux Canaries ont explosé à l’automne dernier, les hommes et femmes politiques tentent de freiner les départs. Nous savons tous que d’énormes sommes d’argent sont mises à disposition pour « arrêter l’immigration illégale » (par exemple, l’Espagne a donné à elle seule 90 millions d’euros au Maroc au cours des trois dernières années). Cela ne s’applique pas seulement aux niveaux européen et espagnol. Il y a quelques semaines, l‘Allemagne a promis 5 millions d’euros pour « renforcer » le contrôle des frontières maritimes en Mauritanie. En Mauritanie, les niveaux de répression sont extrêmement élevés, comme le rapporte F., membre d’Alarm Phone, sur le terrain :

« La situation est trop compliquée ici en Mauritanie. Parce qu’ici, tu risques l’emprisonnement, tu risques le refoulement. Les organisateurs des voyages, on les met directement en prison, tu peux avoir une peine de deux ans jusqu’à cinq ans. Les candidats, on les refoule, de leur territoire. C’est plus compliqué qu’au Maroc parce que là-bas, tu ne risques pas le refoulement au pays. »

Par exemple, 25 voyageur.se.s ont été arrêté.e.s le 27 avril près de Nouhadhibou et, après un certain temps de détention, expulsé.e.s vers leur pays d’origine.

Toutefois, des peines d’emprisonnement sont également prononcées aux îles Canaries, notamment lorsque la mort de passager.ère.s a attiré l’attention des médias. Par exemple, en juin dernier, le « capitaine d’un bateau » a été condamné à huit ans de prison pour la mort d’un bébé à bord. Plusieurs autres accusations d’homicide ont également été portées contre des « capitaines » présumés. Si nous, Alarm Phone, condamnons bien sûr tout.e agent.e de voyage qui prépare mal le voyage ou exploite et néglige les client.e.s pour son propre profit, nous maintenons que la mort massive à la frontière de l’UE n’est pas la faute de quelques individus (ou des soi-disant « passeurs ») qui peuvent être enfermés en prison. C’est l’Union européenne qui crée la base du trafic d’êtres humains par le biais de son régime frontalier meurtrier et devrait donc être accusée d’homicide de masse – les frontières tuent !

Nous sommes solidaires de chaque voyageur.se qui défie ce système mortel de contrôle des frontières et nous exprimons notre gratitude à tou.te.s celles et ceux qui dénoncent ce système inhumain et crient haut et fort « Abolissons Frontex » – comme l’ont fait nos camarades aux Canaries, à Oujda (Maroc), voir partie 3.5, et dans de nombreux autres endroits en Europe et en Afrique.

Situation aux îles Canaries

L’un des plus gros problèmes de ces derniers mois a été l’interdiction de poursuivre le voyage vers le continent pour celles et ceux qui sont arrivé.e.s aux Canaries par des moyens irréguliers. À la mi-avril, deux révisions judiciaires à Las Palmas ont remis en question la légalité d’empêcher les personnes de quitter l’archipel. Selon les révisions, les passeports et les documents des demandeurs d’asile en cours de validité doivent être reconnus comme suffisants pour prendre l’avion. Ainsi, il existe désormais deux façons de se rendre sur le continent, soit par transfert d’ONG ou de gouvernement, soit par voyage auto-organisé en avion. Dans ce dernier cas, il faut avoir des parents sur le continent ou un réseau de soutien qui puisse payer le voyage. Depuis avril, le gouvernement a accéléré les transferts vers le continent, de sorte que le plus grand camp, Las Raices à Tenerifa, s’est vidé de la moitié de sa taille. Début avril, des émeutes ont éclaté à la suite de bagarres pour les ressources et l’espace très restreints. La situation catastrophique qui prévalait dans les camps jusqu’en avril a également été récemment étudiée et critiquée par l’ONG Médecins du Monde. La réduction du nombre d’habitant.e.s a également permis de libérer des ressources pour accélérer les procédures d’enregistrement. Les nouvelles personnes qui arrivent sont désormais enregistrées, leurs empreintes digitales sont relevées, elles sont ensuite testées pour le Covid-19, isolées et transférées dans les camps en quatre jours, au lieu des semaines d’enfermement forcé que les personnes ont dû endurer pendant la majeure partie des 18 derniers mois. Cependant, des milliers de personnes sont toujours bloquées sur les îles Canaries. Si le nombre d’arrivées continue d’augmenter, comme ce fut le cas ces dernières semaines, la situation deviendra à nouveau chaotique assez rapidement.

Les relations tendues entre le Maroc et l’Espagne ont cependant eu un effet positif. En avril, les vols d’expulsion vers le Maroc/Sahara occidental à partir des Canaries ont été suspendus. Jusqu’alors, il était en fait beaucoup plus difficile pour les voyageur.se.s marocain.e.s de rester, car, contrairement à l’expérience de nombre de leurs partenaires de voyage subsaharien.ne.s, ils se voyaient souvent refuser l’accès à des conseils juridiques appropriés ou à la procédure d’asile et étaient expulsé.e.s rapidement.

Situation au Sahara occidental et au Maroc

Lorsque des personnes sont détenues par le Maroc, elles doivent toujours passer un temps arbitraire en détention et finissent par être déplacées de force par la suite. Elles passent souvent des jours dans des centres de détention surpeuplés et mal équipés, sans avoir accès à suffisamment de nourriture, d’eau, de couvertures, d’installations d’hygiène, etc. Même pendant le mois du Ramadan, ces pratiques discriminatoires n’ont pas cessé. Des vidéos prises par un groupe de personnes détenues le 7 mai près de Laayoune en témoignent :

Photo de l’intérieur d’un centre de détention près de Laayoune, avec des personnes se serrant les unes contre les autres à l’ombre d’une cour, en l’absence de chambres et de lits appropriés. Source : AP Maroc

Les conditions de logement sont exécrables à Laayoune et dans d’autres régions où de nombreuses personnes attendent leur départ. En raison de l’arrivée de nombreux.ses voyageur.se.s du Nord au Sahara Occidental, les personnes ont très peu d’espace à leur disposition. Ceci est ensuite utilisé comme une excuse par la police quand ils effectuent leurs raids, un argument plutôt cynique comme le membre d’Alarm Phone A. de Laayoune le souligne :

« Les autorités disent qu’ils sont nombreux dans les appartements comme justificatifs, effectivement ils sont nombreux car les autorités menaces les bailleurs de ne pas donner les locations aux migrants. »

Ce surpeuplement des espaces de vie a également un effet délétère sur la santé des personnes. La tuberculose sévit dans de nombreux quartiers d’habitation, faute d’une ventilation suffisante. En outre, une grande partie des logements habités par les voyageur.se.s potentiel.le.s sont vieux et en très mauvais état.

3.2 Tanger et le détroit de Gibraltar

Situation générale

Nos contacts locaux rapportent que la situation des personnes en déplacement à Tanger et dans ses environs reste précaire. Ceci est dû aux contrôles de police, aux arrestations et à la surveillance constante, en particulier dans les zones urbaines de Boukhalef, Misnana et Braness, où vivent la plupart des voyageur.se.s des communautés subsahariennes. Les renvois vers le Sud sont toujours une pratique courante (par exemple vers Tiznit, Marrakech, Casablanca, Agadir) et se produisent quotidiennement.

Cette situation a entraîné un abandon généralisé de cette route par les personnes en déplacement. La plupart des gens ont choisi de rejoindre d’autres villes (par exemple Rabat et Casablanca) afin d’échapper aux contrôles constants de la police. Récemment, la ville de Tanger a même installé une sorte de poste de contrôle sur les routes menant à la ville. À ces barrières, la police effectue des inspections pour empêcher les personnes qui agissent directement pour leur liberté de mouvement d’entrer dans la ville et pour faciliter leur retour vers les villes de départ.

Traversées

En mai, Tanger et ses environs ont vu les effets des rumeurs selon lesquelles le Maroc avait abandonné ses contrôles aux frontières (voir partie 1). Ces rumeurs ont créé un mouvement massif de voyageur.se.s vers Tanger. Les personnes sont venues de tout le Maroc, principalement dans l’espoir de passer à Ceuta, bien que ce ne soit pas la seule destination. Nos contacts locaux à Tanger rapportent que, pendant cette brève période, de nombreux groupes de personnes subsahariennes ont couru vers les plages et ont sauté sur des bateaux en caoutchouc en direction de Tarifa. Des vidéos ont circulé au sein des communautés montrant plusieurs groupes de quatre à six personnes, chaque groupe avec un bateau qu’il traînait le long des dunes des plages de Tanger, en criant « Tanger est ouverte ». Cela n’a pas duré longtemps. En quelques jours, le Maroc a repris le contrôle des frontières. Cette situation exceptionnelle a toutefois perturbé le trafic régulier et a entraîné une augmentation des contrôles de police, des descentes de police et des renvois forcés vers le Sud.

Hormis cette situation exceptionnelle en mai, les traversées de la région de Tanger vers l’Espagne restent rares. En général, les gens ne parviennent pas à traverser à partir de Tanger. On entend très rarement « Bozas » (« victoire », mot désignant les arrivées réussies en bambara) en raison de la sécurité renforcée appliquée par les autorités marocaines dans la ville de Tanger, dans les forêts voisines où les personnes ont l’habitude de séjourner, et le long des rivages à partir desquels les personnes tentent de commencer leur voyage. Le ciblage des réseaux clandestins est rigoureux et, surtout depuis 2018, figure en bonne place dans l’agenda des responsables nationaux et régionaux. Selon les militants d’AP, les traversées réussies sont de plus en plus souvent le fait de petites initiatives auto-organisées, alors que par le passé, ce sont les grandes organisations de trafiquant.e.s qui géraient les tentatives de traversée depuis Tanger.

Cas Alarm Phone de Tanger

Alarm Phone a traité six cas autour de Tanger dans la période d’avril à juillet.

Le 16 mai, nous avons été alerté.e.s par un bateau de onze personnes, dont deux femmes, partant d’Ashakar. Nous avons informé les autorités, mais elles ont été ramenées par la marine marocaine près de dix heures après que nous ayons transmis leur position exacte aux autorités – dix heures pendant lesquelles elles auraient pu se noyer.

Un jour plus tard, Alarm Phone a été alerté par quatre bateaux partant de Tanger. Trois personnes dans un kayak ont quitté Tanger et ont alerté Alarm Phone en raison de très forts courants. Après avoir informé Salvamento Marítimo, nous avons appris qu’elles avaient été secourues près de Tarifa et amenées à Algeciras.

Le même jour, cinq personnes, dont une femme, sont parties de Tanger. La situation est devenue dangereuse en raison des conditions météorologiques, mais heureusement, elles ont réussi à rentrer au Maroc par leurs propres moyens et sont arrivées à bon port.

Le troisième bateau du 17 mai avait un nombre inconnu de personnes à bord. Nous avons été alerté.e.s par des parents de personnes se trouvant sur le bateau car elles étaient à la dérive entre Tanger et Tarifa. Plus tard, nous avons été informé.e.s par des proches qu’elles avaient été secourues en Espagne et placées en détention.

Le dernier bateau en détresse ce jour-là avait quatre personnes à bord. Il a été ramené au Maroc par la Marine Royale.

Le 18 mai, notre ligne d’urgence a été informée qu’un bateau avec sept personnes en détresse avait quitté Tanger. Elles ont finalement été ramenées au Maroc.

Au sein des communautés, il y a l’espoir que les conflits entre le Maroc et l’Espagne au sujet du Sahara occidental se poursuivent et conduisent à une autre crise, car alors l’été pourrait offrir la possibilité tant espérée de pouvoir enfin quitter le Maroc.

3.3 Les enclaves : Ceuta et Melilla

En raison de l’entrée de plus de 10 000 personnes dans les enclaves à la mi-mai, le ministère de l’Intérieur espagnol retarde la publication des chiffres des entrées irrégulières dans la première partie de 2021. Cependant, comme nous l’avons déjà signalé, les traversées maritimes, notamment vers Ceuta, ont augmenté depuis le début de l’année. Cette tendance s’est poursuivie tout au long du mois d’avril. De nombreux individus ou petits groupes ont tenté de se rendre à Ceuta à la nage ou de contourner les clôtures frontalières de Tarajal et Benzú avec des kayaks, des planches de surf ou des canots pneumatiques. Le 25 avril, environ 159 voyageur.se.s ont tenté simultanément d’entrer dans l’enclave à la nage. Les autorités marocaines n’ont pratiquement rien fait pour sauver les personnes en détresse. Au moins deux personnes sont mortes lors de cette tentative. Le lendemain, un autre groupe important a fait face à une forte répression du côté marocain lors d’une tentative similaire. Malgré la reconstruction (et le renforcement) de la clôture de la plage de Tarajal et le renforcement des contrôles frontaliers, de petits groupes continuent de réussir à traverser la frontière.

Lors du passage sans précédent de la frontière vers les enclaves, Alarm Phone a reçu plusieurs appels de détresse. Étant donné que de nombreuses personnes sont maintenant piégées à Ceuta et Melilla, encore plus de voyageur.se.s tentent de traverser vers la péninsule depuis les enclaves. Ces tentatives ont lieu quotidiennement et par différents moyens. Le 28 mai, Alarm Phone a été alerté par le frère d’un homme qui avait tenté de passer à la nage d’un village proche de Ceuta à Gibraltar. Contre toute attente, la famille a déclaré plus tard à AP qu’il s’était réveillé d’un coma dans un hôpital de la péninsule espagnole et qu’il se trouve maintenant quelque part dans un camp.

Malgré les arrêts de la Cour suprême, selon lesquels l’expulsion directe de personnes arrivées en situation irrégulière est légale uniquement sur preuve d’un casier judiciaire, et de la Chambre administrative de la Haute Cour de justice qui a confirmé le droit à la libre circulation dans tout le pays pour les demandeur.se.s d’asile à Ceuta et Melilla, les pratiques d’expulsion continuent.

Les 27 et 28 avril, des groupes de jeunes Marocain.e.s qui étaient entrés à la nage à Ceuta ont été expulsés vers le Maroc alors que la frontière était toujours fermée. Cette pratique s’est poursuivie après les traversées des 17, 18 et 19 mai, le gouvernement marocain ayant autorisé le rapatriement de 30 ressortissant.e.s marocain.e.s par jour. C’est d’autant plus cynique que ces expulsions ont lieu alors que des centaines de Marocain.e.s sont piégé.e.s à Ceuta par la fermeture continue de la frontière et sont contraint.e.s de la traverser, si possible, par des voies irrégulières. 40 personnes originaires du Yémen ont également été expulsées de Ceuta. L’AMDH de Nador a condamné cette déportation illégale.

À Melilla, 700 Tunisien.ne.s risquent d’être expulsé.e.s, ou sont poussé.e.s au retour « volontaire » par leur internement continu et inhumain, au CETI (Centro de Estancia Temporal de Inmigrantes, centre de rétention « temporaire » pour les arrivées irrégulières) de Melilla. Comme nous l’avons déjà signalé, ces personnes sont détenues depuis la fin de l’année 2019 malgré les protestations et la grève de la faim.

La situation dans le CETI et les centres pour mineurs non accompagnés, déjà surchargés, peu sûrs et peu hygiéniques, s’est détériorée après le grand nombre de traversées du mois de mai. Les infrastructures sont désormais complètement dépassées. Les ONG ont publié un rapport dénonçant les nombreux problèmes et les violations permanentes des droits de l’homme, notamment celles que les mineurs sont obligés de subir à Ceuta. Mais au lieu de construire de nouvelles structures, le gouvernement détruit les abris qu’il a lui-même créés et ferme les alternatives possibles, par exemple en expulsant la Plaza de Toros à Melilla. Les fonds espagnol et européen sont utilisés pour sécuriser et contrôler plutôt que pour répondre aux besoins fondamentaux des personnes vivant à la rue. 5 millions d’euros seront fournis par l’État espagnol ces deux prochaines années pour la surveillance des foyers pour mineurs à Ceuta. Cette surveillance a été déléguée à des entreprises de sécurité privées depuis 2019. À compter du 16 juin, Frontex a recommencé son soutien aux forces de frontière espagnoles. La collaboration a été nommée « Operation Minerva 2021 » et continuera durant les mois d’été.

3.4 Nador et les forêts

Nos contacts locaux rapportent que de nombreux.ses voyageur.se.s subsaharien.ne.s ont quitté la région de Nador pour Dakhla ou Laayoune afin d’essayer de traverser vers les îles Canaries. Le passage maritime de Nador vers l’Espagne continentale reste bloqué pour plusieurs raisons, dont le confinement en cours et le prix élevé d’une place dans un bateau. Alarm Phone a traité six cas dans la région de Nador au cours de la période couverte par ce rapport. Trois bateaux ont finalement été secourus vers l’Espagne, deux bateaux ont été interceptés par la Marine Royale marocaine et, le 1er juin, un bateau, transportant 13 personnes, a été secouru par des pêcheurs et ramené au Maroc.

Un nombre sans précédent de tentatives de passage a eu lieu à la mi-mai à la clôture frontalière avec Melilla (voir chapitre 1). Mais en dehors de cette « fenêtre » extraordinaire, cette zone frontalière était étroitement sécurisée. Dans un communiqué publié le 24 mai, l’AMDH de Nador décrit une mobilisation sans précédent des forces espagnoles et marocaines des deux côtés de la frontière, y compris des unités de l’armée espagnole, des hélicoptères, de la Guardia Civil et de la police du côté espagnol, et un grand nombre de forces de police, de gendarmes et de forces auxiliaires du côté marocain.

Pour les voyageur.se.s qui restent encore dans la région de Nador, dont de nombreuses femmes et enfants, la situation est difficile dans tous les campements de la forêt. Nos contacts rapportent que même pendant le mois de Ramadan, les raids sont fréquents. Pratiquement tous les jours, les autorités détruisent et brûlent les campements de fortune des gens du voyage. La violence fait de nombreux.ses blessé.e.s. La photo suivante provient d’une attaque à Bouyafar, documentée par l’Association marocaine des droits humains, AMDH – branche de Nador :

Source : AMDH Nador

Comme le rapporte le groupe local Alarm Phone, presque aucun.e des voyageur.se.s de la région ne dispose d’une source de revenus pour se nourrir et se loger, et la prolongation du confinement risque d’affamer des milliers de personnes qui, en temps normal, dépendraient de l’aide sociale dans les villes de Nador, Berkane, Oujda et leurs environs. Parmi les communautés subsahariennes, régularisées ou non, beaucoup sont en détresse et déjà sous-alimentées avec un seul repas tous les deux jours. Dans la seule région de Nador et de Berkane, on estime à plus de 4000 le nombre de personnes qui n’ont plus accès à l’aide alimentaire.

Hermann Mbatch, membre de l’AP Berkane et membre fondateur et ancien président de l’association Aides aux Migrants en Situation Vulnérable (AMSV), estime que, rien que début juin, il y a eu jusqu’à 200 nouvelles arrivées, principalement en provenance des forêts, dans la ville de Berkane. Il nous dit que seules les personnes qui disposent d’un réseau social de famille ou d’ami.e.s marocain.e.s sont en mesure de subvenir à leurs besoins essentiels. Les plus vulnérables se débrouillaient, pour la plupart, avec l’aide d’associations ou en mendiant sur les ronds-points de la ville. Ne pouvant plus se déplacer librement en raison du confinement, leur situation est devenue critique. À Berkane, l’association locale Homme et Environnement a déjà tiré la sonnette d’alarme dans un communiqué publié en juin. Elle prédisait une catastrophe humanitaire imminente pour les voyageur.se.s les plus vulnérables de Berkane.

Les voyageur.se.s subsaharien.ne.s sont menacés non seulement par la violence policière dans et autour de Nador, mais aussi par des groupes de « clochards », des voyous qui, de temps à autre, attaquent les Subsaharien.ne.s et volent leurs biens. Ces attaques ont lieu avec la permission tacite de la police. Le 29 avril, comme le rapporte l’AMDH de Nador, un homme a été gravement blessé par un tel groupe à Lakhmis Akdim. La victime a dû être hospitalisée. L’AMDH Nador a exigé que le commandant de la gendarmerie poursuive en justice cette attaque et d’autres. Cependant, ces attaques font partie d’une pratique bien connue et répandue qui dure depuis des années sans que les autorités ne manifestent le moindre intérêt pour la protection des voyageur.se.s subsaharien.ne.s, il y a donc peu d’espoir que les autorités répondent à cette demande.

Au contraire, les voyageur.se.s subsaharien.ne.s ainsi que les ressortissant.e.s yéménites et syrien.ne.s et les mineurs marocains font toujours l’objet d’une arrestation arbitraire dans les rues de la ville de Nador, puis d’un renvoi à l’intérieur du Maroc.

Le 20 mai, l’AMDH a signalé que 28 jeunes ressortissant.e.s marocain.e.s avaient été arrêté.e.s à Farkhana et Barrio Chino/Nador après avoir jeté des pierres. Selon l’avocat de l’AMDH, ces personnes seront jugées au tribunal, mais on ne sait pas encore quelles charges elles devront assumer.

Nous sommes conscients que des ressortissant.e.s marocain.e.s continuent d’organiser des passages de frontière à partir de Nador. La région souffre de difficultés économiques, de nombreux.ses jeunes sont au chômage et leurs perspectives d’avenir sont sombres. Comme nos contacts sont plus conscients de la situation des voyageur.se.s subsaharien.ne.s, nos rapports de la région couvrent principalement les tentatives de migration subsahariennes. Nous essaierons de rendre compte de manière plus exhaustive des mouvements des harraga dans les prochains rapports.

3.5 Oujda et la zone frontalière algérienne

Dans la région d’Oujda et dans la zone frontalière entre le Maroc et l’Algérie, la situation des voyageur.se.s reste extrêmement précaire. De plus, les aides publiques liées au Covid-19 ne sont accessibles qu’aux personnes ayant un passeport marocain, tandis que les personnes qui demandent de l’argent dans la rue font l’objet d’une répression policière.

L’équipe d’Alarm Phone à Oujda rapporte une déportation depuis Nador le 6 avril. 15 personnes ont été repoussées vers la zone frontalière. Les personnes déportées sont arrivées à Oujda le lendemain et deux personnes mineures ont rapporté ce qui s’était passé.

Une tragédie s’est produite au large des côtes d’Oran dans la nuit du 18 au 19 février. 13 personnes sont mortes et deux ont survécu lorsque le bateau dans lequel elles se trouvaient a chaviré. AP Oujda est resté en contact étroit avec les familles. Le bateau transportait des voyageur.se.s en provenance du Maroc et d’Algérie. Il a chaviré au large d’Oran, et les corps se sont échoués des deux côtés de la frontière fermée. Après des négociations avec les autorités gouvernementales compétentes concernant la restitution des corps à leurs proches, les compagnies aériennes Royal Air Maroc et Air Algérie ont proposé un rapatriement d’Oran, via Casablanca, à Oujda pour la somme de 4900 € par corps. Ce prix est totalement inabordable pour des familles à revenu moyen. Compte tenu du fait que les deux villes ne sont même pas à 300 km l’une de l’autre, il est scandaleux et absurde. Suite à des pressions politiques, la frontière terrestre a effectivement été ouverte le 14 avril pour permettre le retour d’un cadavre à sa famille à Oujda. On ne sait pas encore ce qu’il adviendra des autres mort.e.s. Trois personnes sont toujours portées disparues. AP Oujda continuera à soutenir les proches.

AP Oujda, ainsi qu’autres groupes activistes de la région, travaille en continu pour soutenir les personnes en déplacement et pour défier le régime mortel aux frontières auxquelles elles sont confrontées lorsqu’elles voyagent à travers le Sahel et l’Afrique du Nord.

Abolir l’action de Frontex à Oujda 09.06.2021, source : AP Oujda

Les habitant.e.s d’Oujda ont également rejoint la campagne transnationale « Abolir Frontex ». Une action a été organisée le 9 juin pour attirer l’attention sur la politique inhumaine de l’Agence européenne pour la sécurité des frontières et pour demander son abolition.

3.6 Algérie

Malgré la criminalisation et les morts, les Algérien.ne.s continuent de se déplacer

Bien qu’au cours des premiers mois de 2021, les citoyen.ne.s algérien.ne.s constituaient le deuxième groupe par nationalité parmi les arrivées méditerranéennes dans l’UE (après la Tunisie), au 31 mai 2021, l’Algérie avait quitté la liste des 10 nationalités les plus courantes atteignant l’UE par la mer. Néanmoins, les voyageur.se.s algérien.ne.s constituent le plus grand groupe par nationalité (devant les Tunisien.ne.s) parmi les arrivées en Espagne.

En effet, « El Corredor » (nom donné au couloir méditerranéen entre l’Ouest algérien et la péninsule ibérique) reste la deuxième route maritime vers l’UE la plus fréquentée par les harraga, après la traversée vers les îles Canaries. Cependant, les voyageur.se.s sont limité.e.s par une pénalisation importante (ces personnes risquent de deux à six mois de prison et une amende de 20 000 DA pour « sortie illégale du territoire ») et des opérations d’interception sont régulièrement menées par les autorités algériennes.

En avril, plusieurs tragédies ont eu lieu. Elles ont été rapportées par les médias algériens. Le 4 avril, le cadavre du jeune chanteur de raï Souhil Sghir a été retrouvé près de la plage de Terga, près d’Oran.

Le 5 avril, deux femmes et leurs filles se sont noyées en tentant la traversée.

Nous savons que ces tragédies ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres, et nous sommes toujours profondément ému.e.s et en colère d’apprendre la perte de ces vies. Nos cœurs et nos pensées vont aux personnes défuntes et à leurs familles. En guise de petit hommage à sa mémoire, voici une vidéo de Souhil Sghir chantant :

De nombreux.ses voyageur.se.s ont atteint les côtes espagnoles ou italiennes, et nous leur souhaitons la bienvenue. Près de 10 000 citoyen.ne.s algérien.ne.s ont atteint l’Espagne et l’Italie entre janvier et avril 2021. Début mai, plus de 30 bateaux transportant des voyageur.se.s d’Algérie ont été secourus par le Salvamento Marítimo Almería.

Cas Alarm Phone

Alarm Phone a été impliqué dans trois cas où des bateaux ont quitté l’Algérie. Deux d’entre eux (3 avril et 26 juin) concernaient des bateaux empruntant la route de la Méditerranée centrale vers l’Italie. En Méditerranée occidentale, Alarm Phone s’est occupé d’un bateau le 7 mai transportant au moins trois personnes syriennes. Le bateau a atteint l’Espagne sans encombre.

Par ailleurs, les équipes d’AP reçoivent encore des appels de sœurs, de frères ou d’autres parents qui cherchent des nouvelles de leurs proches qui ont tenté leur chance via « El Corredor ».

Abus systématiques contre les communautés subsahariennes et déportations massives : des voix s’élèvent

Depuis le début de l’année, plus de 4000 personnes ont été emmenées par la police algérienne à la frontière avec le Niger, qui se trouve en plein désert, à un endroit appelé « point zéro ». Le processus d’expulsion est généralement le même. Vous êtes d’abord arrêté.e, alors que vous vivez peut-être en Algérie depuis plusieurs années ; ensuite, vous êtes envoyé.e dans un centre de détention pour quelques jours ou semaines ; enfin, vous êtes entassé.e, avec d’autres détenu.e.s, dans des bus et emmené.e dans le désert. Abandonné.e là-bas, vous risquez de vous perdre. De nombreuses personnes ne sont jamais retrouvées et meurent dans les vastes étendues du Sahara. À titre d’exemple récent, Alarm Phone Sahara rapporte que le 10 mai, 1218 personnes ont été repoussées vers la zone frontalière entre l’Algérie et le Niger. Le groupe comprenait 61 enfants non accompagnés, dont beaucoup présentaient des signes d’abus.

Le 21 avril, l’ONG française Médecins Sans Frontières (MSF) a publié un rapport. Elle y conclut que « ces politiques, mises en œuvre pour endiguer le flux de migrants, ne les ont pas empêchés de chercher un endroit sûr ou une vie meilleure. Au contraire, elles n’ont fait qu’entraîner davantage de criminalisation et de violence à l’encontre des migrants. »

Alarm Phone Sahara, le projet frère d’Alarm Phone actif dans la zone sahélo-saharienne, Pateras de Vida (Larache, Maroc), Alarm Phone Maroc, Afrique-Europe-Interact et huit autres organisations du Mali, du Maroc, d’Allemagne, du Togo, d’Italie, d’Algérie et de Tunisie ont signé une déclaration commune le 25 avril pour condamner ces violations répétées des droits de l’homme.

« La situation est tellement alarmante et critique que nous sommes appelés, en tant que défenseurs des droits de l’homme en général et des droits des migrants en particulier, (…) à sensibiliser l’opinion publique au niveau régional et international sur les différents abus et les multiples violations commises à l’encontre des migrants, ainsi qu’à prendre position pour défendre et protéger les droits et libertés des migrants. » (source : AP Sahara)

En réponse à des années de témoignages et de rapports d’ONG sur la violence et la torture, l’Algérie a annoncé en avril l’ouverture d’un soi-disant centre d’accueil à Djanet (Bordj El Haouès, à la frontière avec le Niger et la Libye). Il semblerait que l’État algérien ait tiré les leçons de ses homologues européens. Il souhaite désormais renforcer la sécurité et dissimuler les abus systématiques derrière la façade de processus bureaucratiques et un langage insipide et quasi-humanitaire.

L’État algérien a également été poussé à prendre cette mesure en raison du coût énorme de sa gestion migratoire désastreuse. L’ancien président du Conseil national des droits de l’homme (CNDH) d’Algérie a déclaré qu’« entre 2014 et 2016, l’Algérie a dépensé 800 millions de dinars [5 millions d’euros] pour rapatrier 18 000 femmes et 6000 enfants subsahariens. » Dans un rapport publié le 31 mai, le CNDH nigérien a précisé qu’entre 500 et 600 migrants sont repoussés chaque semaine de l’Algérie vers le Niger.

Alarm Phone Sahara et le réseau transnational Afrique Europe Interact ont organisé, le 21 mai, une journée d’action transnationale « Liberté de mouvement, pas d’expulsions ! » à Kindia (Guinée), Bamako (Mali), Agadez (Niger), Sokodé (Togo), Mbanza Ngungu (Congo RDC) et Berlin (Allemagne). Les militant.e.s ont protesté contre les expulsions de ressortissant.e.s de pays d’Afrique subsaharienne de l’Algérie vers le Niger, mais aussi contre l’imposition de contrôles frontaliers européens en Afrique et contre les expulsions de pays européens vers des pays africains. Voir la vidéo de la déclaration finale ici :

3.7 Région du Rif

La situation actuelle dans la région du Rif est sensiblement la même qu’au début de l’année. Alors que la répression du régime marocain se poursuit, les jeunes rifain.e.s s’organisent entre eux pour faire la traversée vers le sud de l’Espagne.

Cependant, au cours des trois derniers mois, le contrôle en mer a augmenté. Le nombre d’interceptions effectuées par la Marine Royale a augmenté. Cette augmentation du contrôle a provoqué une diminution du nombre de canots pneumatiques quittant la région du Rif. Néanmoins, d’après nos enquêtes, le nombre d’arrivées durant cette période est similaire à celui des 3 premiers mois de l’année. Nous avons compté 179 personnes qui ont rejoint la péninsule espagnole depuis le Rif en avril, 151 en mai et 93 en juin. Nous estimons que 400 à 500 personnes ont réussi leur voyage.

En ce qui concerne Alarm Phone, entre le 1er avril et le 1er juin, le réseau a suivi 17 cas. Il s’agissait tous de bateaux qui partaient d’Al Hoceima pour se rendre en Espagne. Les 17 cas sont enregistrés comme impliquant environ 180 personnes. Selon les données d’Alarm Phone, la plupart de ces personnes étaient des hommes et de nationalité marocaine. Trois de ces bateaux ont été interceptés par la Marine Royale, et le sort des personnes dans l’un des cas est encore inconnu. Les autres, en revanche, ont été secourues par le Salvamento Marítimo vers Almería et Malaga. Voici deux exemples de ces cas :

  • Le 6 avril, Alarm Phone est alerté pour un bateau de 20 personnes qui a quitté Al Hoceima et qui a eu des problèmes. Le 7 avril, elles sont secourues par Salvamento Marítimo et emmenées à Motril.
  • Le 9 juin, Alarm Phone est alerté de la présence de 28 personnes sur un bateau pneumatique en détresse en mer. Le bateau est parti d’Al Hoceima. Salvamento Marítimo a déjà été informé, mais le 10 juin, il est confirmé qu’elles ont été interceptées par la Marine Royale et emmenées au Maroc.

4 Naufrages et personnes disparues

Au cours des trois derniers mois, nous avons compté plus de 150 décès et plusieurs centaines de disparitions dans la région de la Méditerranée occidentale. Malgré tous les efforts déployés pour recenser les personnes mortes et disparues, nous pouvons être sûr.e.s que le nombre réel d’êtres humains qui sont morts en mer en tentant de rejoindre l’UE est bien plus élevé. Nous voulons nous souvenir de chacun.e d’entre elles et eux et commémorer chaque victime inconnue afin de vaincre le système politique qui les a tués.

Le 1er avril 2021, un cadavre est retrouvé sur la plage de Vera, dans la province d’Almería, après un naufrage à Mazzarón.

Le 3 avril, le corps sans vie d’un jeune homme non identifié est retrouvé sur la plage d’Orales, à Oran, en Algérie. Il s’agirait d’un harraga.

Le 3 avril, le corps d’un jeune homme qui s’est noyé est repêché sur la plage de Bider, en Algérie.

Le 4 avril, les parents du jeune chanteur connu sous le nom de Souhil Sghir identifient le corps de leur fils. Il a été retrouvé sur la plage de Terga, en Algérie. Plus d’infos : [1]

Le 4 avril, un sexagénaire qui a probablement tenté de nager vers l’Espagne ou le Maroc est retrouvé mort sur la plage de Benzú, à Ceuta. Plus d’informations : [1], [2], [3]

Le 5 avril, le corps sans vie d’une femme est repêché par le bateau de pêche La Mairena au large de la côte de Fuerteventura, dans les îles Canaries, en Espagne.

Le 7 avril, un corps est retrouvé sur la plage de Melilla à côté du Rio de Oro. Le cadavre est celui d’un jeune homme qui s’est vu signifier un ordre d’expulsion à l’âge de 18 ans. Il s’est noyé lors de sa dernière tentative de rejoindre le continent caché sur un ferry. Plus d’informations : [1], [2]

Le 7 avril, un cadavre, identifié comme celui d’une femme d’origine subsaharienne, est retrouvé flottant dans la mer à quelque 37 kilomètres de la côte de Fuerteventura. Il n’y a pas de trace de naufrage, mais le 24 mars, un bateau est perdu et non retrouvé.

Le 11 avril, un bateau est secouru à 220 km au sud d’El Hierro, dans les îles Canaries, en Espagne. Il était parti de Nouakchott, en Mauritanie. À bord se trouvent au moins quatre personnes décédées. Plusieurs autres doivent être hospitalisées. Plus d’informations : [1], [2], [3], [4]

Le 11 avril, le corps sans vie d’une personne d’origine subsaharienne est retrouvé à huit milles au large du port d’Al Hoceima, au Maroc.

Le 13 avril, trois jeunes voyageurs, Souliman, Achraf et Ayoub, quittent Tanger tôt le matin à bord d’un kayak. Plus tard, le corps de Souliman sera retrouvé mort sur la plage de Tres Piedras à Castillejos. Les deux autres jeunes hommes sont toujours portés disparus.

Le 13 avril, un bateau chavire au large de la plage de Porto Rico, au sud de Dakhla, au Sahara occidental. 15 personnes survivent mais une personne meurt.

Le 14 avril, le corps sans vie d’un jeune homme d’origine subsaharienne est retrouvé flottant dans les environs d’Aguadú, à Melilla.

Le 14 avril, un cadavre est retrouvé sur la plage de Tarajal, à Ceuta. On suppose que la mort du jeune homme, d’origine marocaine et âgé d’environ 20 ou 25 ans, a été causée par une noyade.

Le 20 avril, un naufrage est enregistré au large des côtes de Mostaganem, en Algérie. Seules trois personnes survivent, quatre personnes meurent et cinq sont toujours portées disparues.

Le 24 avril, les restes d’un jeune homme, identifié plus tard comme étant Suleiman al-Halimi, sont rejetés sur la plage de Fnideq, au Maroc. Plus d’informations : [1], [2], [3]

Le 24 avril, trois nageurs atteignent la plage de Tarajal, mais un cadavre a déjà été rejeté sur le rivage. Le corps est celui d’un jeune homme qui, malgré son aide à la flottaison, semble être mort en tentant de nager de Castillejos à Ceuta.

Le 25 avril, deux cadavres sont repêchés au large des côtes de Fnideq, au Maroc. Les morts sont identifiés comme étant Murad Al-Sakhwani et Youssef Al-Abbas. Ils avaient entre 11 et 14 ans. Selon les médias, en l’espace de deux jours autour de cette date, 70 autres personnes ont réussi à rejoindre l’enclave de Ceuta à la nage. Plus d’informations : [1], [2], [3]

Le 26 avril, 24 cadavres sont récupérés sur un bateau qui avait quitté Nouakchott trois semaines auparavant. Il a été retrouvé par hasard à 500 kilomètres au large d’El Hierro. Sur les 59 occupant.e.s, seul.e.s trois survivent, 32 sont toujours portés disparu.e.s. Plus d’informations : [1], [2], [3], [4], [5]

Le 29 avril, une personne meurt et 20 personnes survivent après l’explosion d’un canot pneumatique au large de la côte d’Achakkar, à Tanger, au Maroc.

Le 30 avril, un bateau parti d’Agadir et en mer depuis trois jours est intercepté près des côtes de Lanzarote. Trois personnes survivent mais 12 autres sont portées disparues.

Le 2 mai, un cadavre est retrouvé sur la plage dans la région de Ben Azzouz, en Algérie. On suppose qu’il s’agit d’un harraga.

Le 4 mai, on recherche deux bateaux avec plus de 80 Africain.e.s subsaharien.ne.s à bord. Les bateaux se dirigeaient vers les îles Canaries.

Le 12 mai, on ne trouve aucune trace de deux bateaux avec 61 personnes à bord.

Le 15 mai, les restes d’un homme originaire du sud du Sahara sont rejetés sur le rivage à Tanger, au Maroc. Il est probable qu’il se soit noyé après que le bateau dans lequel il se trouvait ait chaviré.

Le 17 mai, le corps sans vie d’un mineur est retrouvé sur la plage de Tarajal, en Espagne. L’adolescent a tenté de rejoindre Ceuta à la nage.

Le 19 mai, un corps non identifié, qui serait celui d’un harraga marocain, est retrouvé près de l’île d’Habibas, en Algérie.

Le 19 mai, trois cadavres sont retrouvés sur une plage près d’El Jadida, au Maroc. 17 personnes sont toujours portées disparues. Plus d’informations : [1], [2], [3]

Le 20 mai, en plus du mineur décédé le 17 mai, un autre corps de mineur est retrouvé sur la plage de Tarajal. Tous deux ont été enterrés au cimetière de Sidi Embarek.

Le 20 mai, un bateau avec 32-34 personnes parti de Dakhla est déclaré disparu après qu’une opération de recherche et de sauvetage au sud de Gran Canaria s’avère infructueuse.

Le 21 mai, un autre bateau avec 32 personnes parti de Laayoune est porté disparu (source : Alarm Phone).

Le 22 mai, un jeune homme meurt après être tombé d’une hauteur de 10 mètres en essayant d’accéder au port de Ceuta. Deux autres cadavres sont découverts. Les victimes semblent s’être noyées. Plus d’informations : [1], [2], [3]

Le 29 mai, un bateau chavire et des personnes tombent à l’eau lors d’une opération d’interception par la marine marocaine. Dix personnes sont secourues mais une personne est abandonnée au milieu de l’océan.

Le 31 mai, au moins 495 personnes sont portées disparues. Il s’agit de personnes à bord d’une dizaine d’embarcations qui ont quitté le Sénégal, le Sahara occidental et le Maroc au cours des dix jours précédents.

Le 2 juin, un bateau avec 62 personnes à bord est porté disparu. Il avait quitté Laayoune (source : Alarm Phone).

Le 3 juin, 30 personnes sont secourues au Maroc et 15 personnes meurent lors d’une opération de sauvetage par la marine marocaine. Selon les survivant.e.s, le sauvetage a été un désastre et les personnes sont passées par-dessus bord et se sont noyées.

Le 4 juin, un bateau mauritanien avec 14 cadavres arrive sur l’île de Tobago dans les Caraïbes.

Le 9 juin, une personne meurt après être tombée dans la mer depuis un canot pneumatique au sud de Fuerteventura.

Le 15 juin, un cadavre est retrouvé au large des côtes de Ceuta. Le jeune homme portait une combinaison de plongée, on déduit donc qu’il tentait de rejoindre la côte de Ceuta à la nage.

Le 17 juin, au moins quatre personnes meurent, dont une femme enceinte et un enfant, après le naufrage d’un canot pneumatique au large d’Órzola, à Lanzarote, en Espagne. Le bateau était parti de Tan-Tan, au Maroc. 41 personnes ont survécu, mais au moins trois personnes sont portées disparues. Plus d’informations : [1], [2], [3], [4]

Le 20 juin, une opération de recherche et de sauvetage est menée au sud de Gran Canaria, mais un bateau avec entre 32 et 34 personnes à bord ne peut être retrouvé.

Le 20 juin, une personne est portée disparue après être tombée dans la mer. 42 personnes voyageant sur un canot pneumatique sont secourues près de Fuerteventura.

Le 24 juin, un mort est retrouvé parmi un groupe de 23 hommes subsahariens secourus par Salvamento Marítimo au sud de Gran Canaria.

Le 27 juin, une personne meurt après être tombée à l’eau lors de l’opération de sauvetage menée par la marine marocaine. Une autre personne flottant dans la mer au sud de Gran Canaria est sauvée plus tard par Salvamento Marítimo.

Le 27 juin, un bateau avec une soixantaine de personnes, dont 15 femmes et deux enfants, chavire au large des côtes du Sahara occidental. 40 personnes meurent. Parmi les morts, on compte 10 femmes et deux enfants. Un bateau de pêche sauve vingt-deux survivant.e.s.

Le 28 juin, deux cadavres sont retrouvés dans un bateau au large de Gran Canaria. 35 personnes survivent, sept hommes sont hospitalisés. Un jour plus tard, Alarm Phone est informé qu’une troisième personne n’a pas pu surmonter l’état critique dans lequel elle est arrivée après avoir dérivé dans un bateau pendant plusieurs jours et est décédée à l’hôpital de Gran Canaria.

Le 29 juin, un bateau est porté disparu le long de la route des Canaries. Alarm Phone avait été alerté de la présence du bateau, qui avait quitté Dakhla le 25 juin avec 46 personnes à bord, dont 22 femmes, dont une enceinte, et cinq enfants.

Le 29 juin, un homme est retrouvé mort après qu’un bateau est repéré par un navire marchand. Le bateau avait passé 17 jours en mer. 35 personnes (six enfants, 16 femmes et 13 hommes) ont été sauvées par le navire marchand. Un hélicoptère de SM emmène trois personnes du navire marchand, une femme et un homme dans des conditions critiques vers l’hôpital, et une petite fille qui meurt lors du vol.