Agence de sauvetage ou police aux frontières? Les dérives de la politique des garde-côtes britanniques

Les garde-côtes britanniques semblent avoir enfreint leur propre procédure opérationnelle, orchestrant le “refoulement passif” d’une embarcation de migrants

Il y a un an, la Border Force britannique a annoncé qu’elle ne procèderait à aucun refoulement d’embarcations tentant de traverser la Manche. Cependant, le 2 janvier 2023, les garde-côtes britanniques ont orchestré le retour de personnes migrantes depuis les eaux britanniques vers la France par des moyens plus subtils; pensant n’attirer aucun soupçon, une embarcation a été laissée à la dérive.

Des documents obtenus auprès de la Maritime and Coastguard Agency par le Groupe Manche de l’Alarm Phone montre que les garde-côtes de Douvres et la Border Force ont délibérément refusé de venir en aide à une embarcation, alors que cette dernière n’était pas en état de naviguer, surchargée avec un moteur en panne dans les eaux britanniques. Au lieu de procéder à un sauvetage, ils se sont placés en spectateurs de la dérive de l’embarcation, poussée par le vent et les marées jusque dans la zone de recherche et de sauvetage (ZRS) française, où il n’y avait aucun navire français pour leur porter secours. Moins d’un mois plus tôt, quatre personnes avaient perdu la vie, et un nombre inconnu de personnes restent portées disparues en mer, lorsqu’un autre canot pneumatique a coulé dans les eaux britanniques à proximité d’un chalutier de pêche.

Dans ce rapport, nous expliquons comment ce “refoulement passif” par la dérive a été organisé et comment, ce faisant, les garde-côtes britanniques ont enfreint leurs propres procédures opérationnelles standard (POS). Des questions subsistent quant à savoir si le travail de cette agence de sauvetage a été compromis par la rhétorique anti-migrants du gouvernement et instrumentalisé dans le but du maintien du contrôle des frontières.

Résumé des principaux événements du 2 janvier 2023:

  1. Un canot pneumatique de migrants, qui avait été escorté auparavant par un navire français, entre dans la dans la zone de sauvetage britannique malgré les disfonctionnements de leur moteur ;
  2. Le TYPHOON arrive sur les lieux et l’équipe à bord déclare être “partante pour entreprendre le sauvetage”, mais les garde-côtes de Douvres leur disent d’attendre un autre navire britannique ;
  3. Les garde-côtes de Douvres sont conscients que le canot pneumatique, qui a un moteur en panne, dérive vers les eaux françaises et que le navire français qui l’avait accompagné est maintenant reparti ;
  4. Le POS des garde-côtes britanniques stipule que tous les bateaux de migrants doivent être considérés comme des situations de “détresse”, nécessitant donc une assistance immédiate lorsqu’ils entrent dans les eaux britanniques ;
  5. Les garde-côtes de Douvres ne font pas passer l’incident du niveau “alerte” au niveau “détresse”, et au contraire demandent au TYPHOON de se mettre en “STANDBY” et appellent les garde-côtes français pour demander le retour du navire français ;
  6. Le vent et la marée repoussent l’embarcation dans les eaux françaises, à partir desquelles les personnes à bord redémarrent le moteur et luttent pendant plusieurs heures contre le vent pour atteindre à nouveau les eaux britanniques ;
  7. Après le “refoulement passif” par la dérive, les garde-côtes de Douvres déclarent “‘SHOULD VESSEL ENTER SRR UPGRADE TO DISTRESS'” (“si l’embarcation entre dans la ZRS, faire passer l’incident du niveau alerte au niveau détresse“) et gardent les navires de la Border Force sur la ligne de démarcation pour secourir immédiatement si l’embarcation traverse une deuxième fois ;
  8. Les voyageurs ne réussissent jamais à repasser la ligne et sont finalement secourus par le navire français et emmenés au port de Calais.

Positions de l’embarcation, rapportées par les voyageurs tout au long de leur voyage et lors du refoulement passif le 2 janvier. Carte réalisée avec data.shom.fr.

Le voyage commence

Au petit matin le 2 janvier 2023, Utopia56, une de nos associations partenaires, informe Alarm Phone qu’ils ont reçu sept appels telephoniques différents. Ceux-ci proviennent de personnes en mer à destination du Royaume-Uni qui demandent de l’aide. L’un des appels provient d’une personne à bord d’un canot pneumatique, nommé ‘ECHO’ dans le registre des garde-côtes britanniques de l’incident 500130. Lors de cet appel, l’un des voyageurs explique que son embarcation se trouve à environ quatre milles nautiques au nord de Grand-Fort-Philippe. Cette position est immédiatement relayée par Utopia 56 aux garde-côtes français et britanniques, par le biais d’un e-mail à 05:51UTC qui comprend la déclaration suivante : “la situation répond aux critères requis par SAR 1979 pour déclarer une situation ‘Phase de Détresse'”.

Après le premier contact, ni Alarm Phone ni Utopia 56 ne réussissent à recontacter les personnes à bord de cette embarcation. D’après le registre des incidents des garde-côtes britanniques, il semble que ‘ECHO’ n’ait pas été immédiatement localisé, et six heures plus tard, à 12:49, les garde-côtes français du CROSS Gris-Nez signalent qu’ils n’ont aucune nouvelle information sur la position de cette embarcation.

Environ une heure plus tard, à 13:35, Gris-Nez signale aux garde-côtes de Douvres qu’une embarcation de migrants a été repérée à 10 milles nautiques au nord de la position envoyée le matin même. Le KERMORVAN, patrouilleur des Garde-Côtes des douanes françaises, est envoyé par Gris-Nez pour trouver le bateau, et les garde-côtes de Dover chargent l’hélicoptère Wildcat INFERNO 17 de la Royal Navy de se rendre sur place afin d’obtenir un visuel. Dix minutes plus tard, les garde-côtes de Douvres commencent à s’organiser pour un sauvetage, demandant au navire de la Border Force TYPHOON de se diriger vers le Sandettie Light Vessel, où ils anticipent que l’embarcation va passer dans la ZRS britannique.

À 14:00 le KERMORVAN arrive à proximité de l’embarcation et commence à la suivre alors qu’elle poursuit sa route vers le Royaume-Uni. Quelques minutes plus tard, l’INFERNO 17 appelle avec un visuel et signale que l’embarcation prendra encore entre 30 minutes et une heure avant d’arriver à la ligne de démarcation. Le navire de la Border Force TYPHOON accuse réception de cette information et se déplace pour intercepter.

À 14:48, l’avion de repérage COASTGUARD 28 repère également l’embarcation et signale que les personnes se dirigent vers le Royaume-Uni à une vitesse de trois nœuds. Quelques minutes plus tard, le TYPHOON accuse réception de la mise à jour et déclare “WERE [sic] HAPPY TO UNDERTAKE RESCUE” (‘nous sommes partants pour entreprendre un sauvetage‘). Un ‘message d’Officier’ expurgé est enregistré dans le journal de bord des garde-côtes de Douvres moins de dix minutes plus tard. Nous ne pouvons pas connaître le contenu de cette discussion, ni l’identité de ses auteurs, mais il est possible qu’elle ait été déterminante pour la non-réalisation d’un sauvetage par le TYPHOON.

À 15:29, le COASTGUARD 28 signale que l’embarcation est “DEAD IN THE WATER” (‘morte dans l’eau‘), mais que les personnes à bord ont réussi à redémarrer leur moteur et poursuivent leur route. Environ un quart d’heure plus tard, l’avion les place à 1,15 milles nautiques des eaux britanniques, soit à 20 minutes de distance à sa vitesse de trois nœuds.

Pour des raisons non elucidées dans le journal de bord, avant que ‘ECHO’ ne franchisse la ligne de démarcation vers la ZRS britannique, les garde-côtes de Douvres semblent avoir modifié l’organisation du sauvetage. À 16:12, le HURRICANE, un autre bateau de la Border Force, est envoyé du port de Douvres pour rejoindre le TYPHOON. Les consignes de travail pour les deux navires sont mises à jour à 16:28 : pour le HURRICANE, “LOCATE AND RECOVER ALL PERSONS TO PLACE OF SAFETY” (‘localiser et rapatrier toutes les personnes jusqu’à un lieu sûr’), alors que pour le TYPHOON, “PROVIDE SAFETY COVER AND SHADOW VESSEL PROGRESS IN UK SRR” (‘assurer la sécurité et suivre la progression du navire dans la ZRS britannique‘) seulement.

Pourquoi le HURRICANE a-t-il été chargé du sauvetage alors qu’il était à environ une heure de cette embarcation entrant imménament dans la ZRS britannique, tandis que le TYPHOON était déjà sur place et “partant pour entreprendre le sauvetage” ? Un message expurgé du TYPHOON de 16:14 peut apporter des éléments de réponse. Une explication possible est que le TYPHOON était actif depuis 07:10 ce matin-là (et que l’équipage pourrait être contraint d’effectuer des heures supplémentaires s’il devenait responsable du sauvetage), alors que HURRICANE avait commencé sa journée à 09:43. Bien que nous ne puissions pas savoir pourquoi la décision d’effectuer le sauvetage par HURRICANE a été prise, nous savons qu’elle a eu des conséquences dramatiques pour les personnes à bord de l’embarcation.

De l’autre côté de la ligne : les mensonges et la dissimulation commencent

À 16:29, le TYPHOON signale aux garde-côtes de Douvres qu’il est sur place avec une embarcation de migrants à la position 51° 14,45′ N, 001° 56,98′ E, à l’intérieur de la ZRS du Royaume-Uni. Ils ont communiqué “ALL IS WELL ON BOARD AND NO LIFEJACKEST [sic] BEING WORN” (‘tout va bien à bord et aucun gilet de sauvetage n’est porté ‘). Cette déclaration semble non seulement fausse – comment serait il possible que “tout aille bien” pour des personnes ne portant pas de gilet de sauvetage à l’intérieur d’un canot pneumatique surchargé ayant des problèmes de moteur au milieu du couloir de navigation le plus fréquenté du monde – mais elle révèle surtout le manque de compassion avec lequel les forces frontalières et les garde-côtes britanniques considèrent les personnes à bord de ces embarcations qu’ils ont le devoir d’aider. Le TYPHOON, au lieu d’aider directement les personnes, a suivi les instructions des garde-côtes de Douvres d’attendre l’arrivée de l’HURRICANE.

Un officier à bord du KERMORVAN a décrit avoir communiqué avec le TYPHOON, expliquant qu’on lui a dit “qu’ils allaient secourir les personnes à bord de l’embarcation“. Le navire français, supposant que les personnes se trouvant dans les eaux britanniques seraient rapidement secourues et emmenées en lieu sûr au Royaume-Uni, a quitté les lieux avec l’approbation du CROSS Gris-Nez. Dans un autre article, le même officier raconte que le TYPHOON lui a dit plus tard qu’il ne pouvait pas prendre les personnes à bord parce qu’il n’y avait pas de place ; une déclaration qui, comme le prouve le journal, était fausse car ils avaient de la place mais attendaient l’HURRICANE.

A 16:53, TYPHOON rappelle les garde-côtes de Douvres pour informer que le moteur de l’embarcation est à nouveau en panne. Le bateau de la Border Force a déclaré que les personnes étaient en train de ‘DRIFTING BACK INTO FRENCH WATERS’ (‘dériver vers les eaux françaises‘), là où ”THERE IS NO FRENCH ASSET IN THE AREA’ (‘il n’y a pas de vaisseau actif français dans la zone‘), et que le canot pneumatique avait en effet réussi à entrer dans la ZRC britannique. Ces faits entrent en contradiction directe avec les déclarations au sujet de l’incident faites par le ministère de la défense, qui “conteste que le canot pneumatique soit entré dans les eaux britanniques”, et d’autres “sources britanniques” qui affirment que “le bateau n’a jamais pénétré dans les eaux britanniques et qu’il n’y avait pas de risque pour la vie puisqu’il était suivi par un bateau garde-côtes français, le Kermorvan”.

Le “retour à la dérive”

À ce moment-là, les garde-côtes de Douvres savent qu’il y a une embarcation à la dérive, qui est surchargée de personnes qui sont en mer depuis plus de 10 heures. Non seulement sont-ils responsables de leur sécurité, mais ils disposent également d’un bateau sur place qui était “partant pour entreprendre le sauvetage”. Comme nous le verrons dans la partie suivante, cet incident aurait dû être considéré comme étant en “phase de détresse” à ce moment-là, et le TYPHOON aurait dû être chargé d’effectuer le sauvetage. En vertu du droit international maritime, rien n’empêchait légalement le TYPHOON de secourir ces personnes, même si l’embarcation était re-rentrée dans les eaux françaises. A la place, les garde-côtes de Douvres demandent au TYPHOON de se tenir en ‘stand-by’ et d’être spectateur de la dérive de l’embarcation vers la France.

Moins de trois minutes plus tard, les garde-côtes de Douvres appellent Gris-Nez pour leur demander de renvoyer le KERMORVAN sur les lieux. Selon le douanier à bord, il aura fallu encore une heure de recherche dans l’obscurité (le soleil s’est couché à 15:59 ce jour-là) avant de retrouver l’embarcation vers 18:00.

Malgré le fait qu’on leur refuse toute assistance dans les eaux britanniques et qu’ils se retrouvent abandonnés à la mer pendant cette dernière heure, les 38 personnes n’abandonnent pas. Elles luttent contre les problèmes de moteur, le vent et les marées, déterminées à poursuivre leur voyage et à atteindre le Royaume-Uni. À 18:38, Griz-Nez informe les garde-côtes de Douvres que le bateau sera de retour dans la ZRS britannique environ 30 minutes plus tard, mais que l’embarcation a toujours des problèmes de moteur. Les garde-côtes de Douvres répondent : “HURRICANE IS IN THE VICINITY OF THE LINE TO RECOVER WHEN THEY CROSS THE LINE (‘l’Hurricane se tient à proximité de la ligne pour les récuperer quand ils traverseront la ligne’).

Les passagers n’y parviendront pas. Incapables de continuer plus longtemps, ils sont secourus à 20h00, selon une déclaration de l’officier du KERMORVAN.

“Les personnes qui se trouvaient sur le canot pneumatique étaient épuisées, effrayées et gelées. Nous les avons pris à bord et leur avons donné des couvertures, de la nourriture et des boissons chaudes. Tout le monde a survécu. Le Royaume-Uni ne les a pas repoussés mais les a laissés dériver”.

Les personnes sont arrivées au port de Calais deux heures plus tard, où les ont accueilli la police aux frontières et les pompiers, ainsi que des bénévoles d’Utopia 56 qui avaient aidé à lancer l’alerte plus de 15 heures auparavant. Selon Utopia 56, tous les passagers du bateau étaient trempés et souffraient du froid, et au moins une personne a été hospitalisée pour hypothermie.

Non-respect de la procédure opérationnelle standard

A la fin du journal de bord, une saisie partiellement expurgée soulève des questions urgentes sur la coordination des garde-côtes de Douvres lors de cet incident. Lorsque l’embarcation est entrée dans la ZRS britannique, les garde-côtes de Dover ont classé l’incident “ECHO” dans la catégorie des situations de “phase d’alerte”, lors desquelles “on craint pour la sécurité d’un aéronef ou d’un navire et des personnes à bord”, ceci malgré l’e-mail d’Utopia 56 qui recommandait de le considérer comme une embarcation en “phase de détresse”. Cependant, à 20:54, le journal de bord indique : “SHOULD VESSEL ENTER [UK] SRR UPGRADE TO DISTRESS” (‘si le navire entre dans la ZRS [du Royaume-Uni], faites-le passez en ‘phase de détresse”).

Rien n’indiquait que la situation de l’embarcation ait changé entre le moment où il se trouvait à l’intérieur de la ZRS britannique et celui où il a été déclaré qu’il devrait passer en “phase de détresse” s’il entrait à nouveau dans la ZRS. Les conditions météorologiques n’avaient pas fortement changé, le même nombre de personnes se trouvait à bord, il y avait les mêmes problèmes intermittents de moteur, le KERMORVAN était proche les deux fois et la visibilité était réduite en raison de l’obscurité. En l’absence d’autres éléments permettant de justifier un surclassement plus tard dans la journée, l’incident aurait-il dû être considéré comme étant en “phase de détresse” et faire l’objet d’un sauvetage immédiat par le TYPHOON plus tôt dans la journée ? La réponse, à en juger par les POS des garde-côtes britanniques, semble être “OUI”.

Dans l’édition 2023 du POS des garde-côtes britanniques – obtenue dans le cadre d’une demande d’accès à l’information (requête “Freedom of Information”), et lue pour ce rapport – concernant les “incidents impliquant des traversées de petites embarcations” des informations cruciales sur la manière dont ces incidents devraient être traités ont été expurgées. Cependant, en 2021, la MCA a publié une version antérieure de leur POS dans laquelle les expurgations n’ont pas été effectuées correctement. Bien que le document soit rempli de cases noires, le fichier PDF n’a pas été débarrassé de sa police “invisible” sous-jacente créée par la reconnaissance optique de caractères (OCR). Le texte expurgé peut facilement être selectionné et lu, révélant des détails importants.

À la page 1, le POS stipule que “Tous les navires de migrants entrant dans la ZRS britannique seront considérés comme étant dans un état de danger grave et imminent, nécessitant une assistance immédiate” (accentuations présentes dans l’original).

Cette insistance à qualifier tous les navires de migrants d’incidents de détresse, “susceptibles de requérir une assistance immédiate”, est répétée à la page 3, ainsi que la directive selon laquelle les garde-côtes doivent “maintenir la coordination de l’incident jusqu’à ce que les migrants atteignent un lieu sûr”. Sur la base de ces directives, nous pouvons supposer que les garde-côtes britanniques auraient dû systématiquement déclarer que “ECHO” était en “phase de détresse” et l’embarcation aurait dû être secourue par TYPHOON la première fois qu’il est entré dans la ZRS britannique.Toutefois, le POS prévoit également la possibilité de “déclasser” un incident de la phase de détresse, et la page 5 énumère les critères que le coordinateur de la mission de sauvetage (le “SAR Mission Coordinator”) doit remplir pour ce faire.

Les informations contenues dans le journal de bord des garde-côtes concernant l’incident 500130 montrent que “ECHO” n’a pas satisfait la quasi-totalité des critères permettant d’être déclassé de la phase de détresse après avoir atteint la ZRC britannique :

  • L’incident concernait 38 personnes dans un petit canot pneumatique en caoutchouc.
  • Aucune expérience maritime à bord n’a été confirmée, et il n’y avait aucune raison de supposer qu’il y en ait.
  • Les canots pneumatiques en caoutchouc utilisés pour ces voyages ne sont pas en état de naviguer et se brisent souvent, entraînant des décès. Leurs moteurs sont sous-puissants et de mauvaise qualité.
  • Il n’y avait pas de feux de navigation sur le canot pneumatique en question. Le KERMORVAN a signalé qu’il avait du mal à le voir avec ses feux de recherche à une distance de 200 mètres.
  • Le bateau avait manifestement des difficultés à poursuivre son voyage et n’était clairement pas en mesure d’en arriver au bout.
  • 14 des personnes à bord étaient des femmes, des enfants ou des bébés.
  • Toutes les personnes à bord étaient exposées au mauvais temps, en plein hiver. L’une d’entre elles a été hospitalisée plus tard pour hypothermie.
  • Les vêtements des personnes à bord étaient mouillés et peu susceptibles d’être “appropriés” pour un voyage en mer.
  • Il était impossible d’évaluer les besoins médicaux à bord par simple surveillance aérienne. Des évaluations individuelles auraient été nécessaires.
  • Il n’y avait pas suffisament d’équipement de sauvetage à bord; le TYPHOON avait signalé qu’aucun gilet de sauvetage n’était porté et le COASTGUARD 28 avait signalé que de nombreuses personnes n’en portaient pas. Il n’y avait pas d’autres radeaux de sauvetage, de balises de localisation, de fusées éclairantes, etc.
  • Etant donné la trajectoire incorrecte empruntée par l’embarcation le matin même (le bateau était parti plein nord), il est peu probable que les personnes à bord aient pu s’assurer de leur position et de la trajectoire à prendre pour atteindre le Royaume-Uni.
  • La quantité inconnue de carburant à bord, ainsi que les problèmes de moteur et la difficulté à avancer laissent tous penser que l’embarcation n’aurait pas pu atteindre la terre ferme.

Les garde-côtes de Douvres pourraient faire valoir que les réponses aux deux dernières questions, à savoir si les personnes à bord indiquent qu’elles sont en danger et les “conditions générales de la mer et de la météo dans la Manche”, pourraient avoir été favorables au déclassement de cet incident. Cependant, cela implique néanmoins que les personnes auraient dû être immédiatement secourues si elles avaient demandé de l’aide au TYPHOON. Le journal de bord des garde-côtes ne nous permet pas de savoir si cela a été le cas. Nous ne pouvons pas non plus être sûrs que les garde-côtes auraient alors ordonné le sauvetage si la Border Force avait signalé que les voyageurs demandaient en effet de l’aide.

Les garde-côtes britanniques dans le rôle de police aux frontières

Les “refoulements passifs” par la dérive sont régulièrement utilisées par les soi-disant garde-côtes dans d’autres régions, en particulier dans la mer Égée, contre les bateaux de migrants. Le fait de déléguer à la mer et au vent la violence qui consiste à forcer les gens à repasser la frontière permet aux auteurs de ces actes de se dédouaner un tant soit peu de leurs actes, par contraste avec des refoulements ou ‘pull-backs’ directs.

Cependant, malgré toutes les similitudes qui existent entre la Manche et les contextes égéen ou méditerranéen, le comportement des garde-côtes n’est, du moins pour l’instant, pas le même. Alarm Phone rapporte régulièrement que les autorités publiques des régions du sud attaquent activement des bateaux, désactivant leurs moteurs et volant leur carburant,  les laissant au gré des éléments pour s’assurer que les passagers ne puissent pas arriver en Europe. Ce type d’attaques par la police est exceptionnel (bien qu’il se produise) dans la Manche, où la plupart des violences frontalières trouvent lieu dans les “environnements hostiles” que sont les côtes françaises et l’arrière-pays britannique.

Dans le cas de “ECHO”, il semble que les garde-côtes de Douvres aient profité d’une opportunité créée par un moteur en panne, la direction du vent et de la marée pour amener le retour d’une embarcation de migrants en France, chose qu’ils n’auraient pas pu faire par la force. Ce n’est pas la première fois que nous assistons à une non-assistance aussi calculée de la part des autorités britanniques de recherche et de sauvetage. Cette pratique pourrait avoir joué un rôle dans la mort d’au moins 30 personnes lors du naufrage du 24 novembre 2021.

L’objectif déclaré des garde-côtes britanniques est de “prévenir la perte de vie humaines sur la côte et en mer”. Cependant, par une préoccupation croissante autour de la dissuasion et la déshumanisation des migrants, le gouvernement britannique a plongé l’agence au cœur d’une tempête politique d’extrême droite qu’il a lui-même créée afin de diaboliser et de punir celles et ceux qui traversent la Manche à bord de canots pneumatiques qui ne sont pas en état de naviguer.

La conséquence de cette politisation est que les garde-côtes britanniques ont commencé à travailler main dans la main avec Border Force (et, jusqu’à récemment, avec la Royal Navy) pour surveiller les frontières du Royaume-Uni et coordonner la surveillance et l’interception des “petits bateaux”. Ce faisant, l’agence est devenue un acteur clé dans la transformation de la Manche en un enclos de contrôle de l’immigration. En interceptant les canots pneumatiques en mer pour empêcher les arrivées autonomes au Royaume-Uni et en recueillant des données dont le but est de criminaliser ceux qui conduisent les bateaux ou de faciliter les futures expulsions potentielles de demandeurs d’asile, les garde-côtes se révèlent être un acteur consentant dans le spectacle de contrôle de l’État sur la soi-disant “invasion par les migrants”. L’incident du 2 janvier nous montre également que les garde-côtes sont tout aussi heureux d’employer l’inaction tactique aux mêmes fins. Dans tous les cas, la mission de l’agence consistant à “sauver des vies ” semble avoir été subordonnée à la priorité politique de “maintenir l’ordre à la frontière”.

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  • FOI 4156 - Redacted Incident Log

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