La criminalisation des personnes en exil

1 Introduction

Ce rapport décrit et dénonce les multiples formes de criminalisation des personnes en mouvement dans la région de la Méditerranée occidentale et de l’Atlantique, et les effets néfastes de cette criminalisation sur la vie de ces personnes. Nous devons cependant commencer par exprimer notre chagrin et notre colère face aux événements du 24 juin, lorsque des dizaines de personnes – bien que les premières estimations faisaient état de 29 mort·es, le nombre estimé de mort·es et/ou disparu·es s’élève désormais à plus de 100 – ont été tuées par les forces marocaines et espagnoles à la barrière frontalière de Melilla. Alarm Phone, parmi de nombreux autres collectifs et organisations, s’est joint à la déclaration de l’AMDH (voir section 3.1).

Le massacre du 24 juin montre clairement ce qui se cache derrière toutes les formes de criminalisation décrites par le rapport : la légitimation déshumanisante d’une violence brutale qui met fin à des vies de manière cruelle et délibérée. Les événements du 24 juin font partie, comme les personnes en exil l’ont compris depuis longtemps, d’une guerre totale contre celles et ceux qui exercent leur droit de se déplacer librement dans les régions de la Méditerranée occidentale et de l’Atlantique. Ainsi, si vous êtes une personne noire exilée, vous devez faire face à la discrimination imposée par l’État, à l’illégalisation, à la déportation, à la détention, à l’emprisonnement et à la violence. Ce rapport montre que la mise en œuvre de ces pratiques s’est accélérée après que le gouvernement espagnol a soutenu l’occupation marocaine du Sahara occidental en mars.

Nous relevons une diversité de moyens et de stratégies utilisés pour instrumentaliser, exploiter et brutaliser les personnes en exil, désignées comme des criminel·les. Pour mentionner certaines de ces pratiques :

Premièrement, il y a les lois qui servent à punir toute entrée ou sortie d’un pays sans enregistrement, comme l’article 25 de la loi espagnole sur les étrangers qui définit les conditions d’entrée « régulière » sur le territoire espagnol ou la loi algérienne de 2009 qui punit la « sortie illégale » du territoire algérien d’une peine de deux à six mois de prison et d’une amende de 20 000 à 60 000 dinars (voir section 3.5). Ensuite, il y a les procès et l’emprisonnement de personnes considérées comme les capitaines qui ne reposent sur aucune preuve valable. Dans tous les cas, un·e capitaine n’est rien d’autre que l’âme courageuse qui a pris la responsabilité de faire naviguer le bateau après le départ. Ces poursuites fallacieuses ont pour but de servir d’exemples et d’avertissements. Les personnes qui pilotent les bateaux sont rendues responsables des voyages dangereux qu’elles sont forcées d’effectuer par les mêmes États qui portent la responsabilité de la mise en danger de ces vies (voir section 3.2).

Troisièmement, il existe à l’intérieur de la juridiction d’un État des stratégies pour refuser ou autoriser l’accès aux infrastructures publiques, pour considérer une personne comme « légale » ou « illégale ». La carte de séjour marocaine en est un exemple (voir section 3.3).

Ces pratiques servent à donner une légitimité apparente aux actions violentes de l’État, comme le massacre du 24 juin, ou les assassinats de personnes qui auraient été impliquées dans l’organisation de voyages en Algérie (voir section 3.5), les déplacements forcés au Maroc vers la zone frontalière algérienne (voir section 3.4), ou l’emprisonnement au Maroc où les personnes sont complètement coupées du monde extérieur et privées de visites, même de leurs proches (voir section 3.1). De telles pratiques privent ces exilé·es de leurs droits fondamentaux. Elles maintiennent ces personnes dans des situations précaires où elles sont encore davantage brutalisées ou exploitées par des acteurs non étatiques (voir par exemple la section 3.3).

Ces catégories de criminalisation et la manière dont elles sont mises en œuvre par les acteurs étatiques sont arbitraires. Elles sont également instrumentalisées dans le cadre de négociations politiques visant des objectifs totalement différents. Le lien entre la volte-face de la politique espagnole concernant le Sahara occidental et les politiques « migratoires » marocaines et algériennes le montre clairement. Leur mise en œuvre arbitraire est au cœur de l’instrumentalisation des personnes en exil dans l’espoir d’atteindre des objectifs géopolitiques sans rapport avec la réalité de la migration. L’une des façons d’y parvenir est d’utiliser le désir de se déplacer pour exercer une « pression » sur les États voisins en autorisant, pour une courte période, ou en empêchant, si possible, le passage des frontières. Les personnes en exil sont présentées comme une « arme », ce qui déshumanise plus encore des personnes qui ont la volonté, humaine, de reconstruire leur vie ailleurs.

Nous continuerons de documenter, dénoncer et de nous organiser contre toutes ces formes inutiles et meurtrières de criminalisation.

Notre rapport s’appuie sur différentes sources. Nous recueillons des informations lorsqu’on nous contacte via le numéro d’Alarm Phone (AP). Différents groupes locaux d’Alarm Phone documentent ces observations et informations sur notre site. Nous sommes conscient·es que nous n’avons pas une vision exhaustive de ce qui se passe sur les routes de la Méditerranée occidentale et de l’Atlantique. Chaque fois que nous le pouvons, nous croisons les sources avec différents médias. Mais tout ce que nous observons n’est pas toujours documenté dans les médias. Les informations qui ne sont pas référencées proviennent de militant·es de différentes régions.

2 Traversées maritimes et statistiques

Entre mars et juin 2022, Alarm Phone a été en contact avec au moins 1 675 personnes à bord de 43 bateaux sur la route de la Méditerranée occidentale et de l’Atlantique. Étant donné que le UNHCR a enregistré 6 666 arrivées en Espagne pour la même période, cela signifie qu’environ 25 % des personnes passant par cette route ont été en contact avec Alarm Phone.

Dans l’ensemble, il y a eu beaucoup de bozas (« boza » est un mot bambara qui signifie « victoire » ; il est passé dans le langage des communautés migrantev de la Méditerranée occidentale). Cependant, au total, il y a eu 1 329 traversées en moins cette année par rapport à la période mars-juin de l’année dernière. Cela représente une réduction de 17% des traversées pour cette période (voir tableau).

Source: Alarm Phone, sur la base des statistiques de l’UNHCR

 

Entre mars et avril, Alarm Phone a été impliqué dans 14 situations de détresse. En mai, 20 bateaux (dont 5 le 31 mai) ont contacté Alarm Phone, et 9 bateaux en juin. Cette augmentation des cas suivis par Alarm Phone reflète une augmentation générale des traversées en mai (voir graphique).

                Total des arrivées en Espagne. Source : Alarm Phone, sur la base des statistiques de l’UNHCR

 

Comme le montre le graphique, la majorité des traversées ont eu lieu par la route de l’Afrique du Nord-Ouest vers les îles Canaries. Cela reflète un changement général vers cette route plus dangereuse avec l’intensification de la police des frontières dans le nord du pays. Il s’agit d’une évolution que nous avons déjà analysée dans plusieurs rapports précédents. Il y a cependant eu trois semaines pendant lesquelles l’Atlantique a été plus calme que les autres routes.

La traversée de la Méditerranée occidentale a été le moyen le plus fréquenté pour entrer en Europe au cours de la dernière semaine d’avril, avec 421 arrivées. Cette semaine-là, il y a eu davantage de bozas enregistrés pour cette route (421), et un peu moins que d’habitude sur la traversée de l’Afrique du Nord-Ouest (235).

Sur les 11 bateaux qui nous ont appelé depuis le détroit de Gibraltar et la mer d’Alboran, sept ont atteint l’Espagne péninsulaire, la plupart arrivant à Motril et Tarifa. Un autre bateau qui était parti d’Algérie est également arrivé sain et sauf sur le sol espagnol.

La plupart des appels que nous avons reçus provenaient de la région Atlantique, ce qui reflète à la fois l’utilisation plus fréquente de cette route et sa nature plus dangereuse. Sur les 31 bateaux qui nous ont appelé·es, 17 ont atteint les îles Canaries. Toutefois, neuf bateaux ont été interceptés, tandis que deux autres sont revenus par leurs propres moyens. Très tristement, nous avons aussi été informé·es de trois naufrages tragiques. Parmi eux, au moins 100 personnes sont mortes ou ont disparu (voir aussi le chapitre 4 : Naufrages et personnes disparues). Nous sommes non seulement attristé·es, mais aussi en colère. Nous voulons exprimer nos condoléances et notre solidarité avec tous les membres des familles et les ami·es de celles et ceux qui ne sont plus parmi nous à cause du régime frontalier incessant et meurtrier.

La première semaine de mars 2022 a vu le franchissement collectif des barrières frontalières de Melilla le plus important avec 871 entrées réussies.

Au cours de la dernière semaine de juin, 133 personnes en exil, dont beaucoup venaient du Soudan ou du Sud-Soudan, ont également réussi à franchir les barrières frontalières de Melilla. Cette tentative a été reçue par une violence policière extrême qui, selon les statistiques officielles marocaines, a fait au moins 23 morts. Caminando Fronteras calcule qu’au moins 37 personnes ont perdu la vie, mais étant donné le nombre considérable de personnes disparues, ce nombre pourrait bien se chiffrer en centaines (voir section 3.1).

3 Nouvelles de la région

3.1 Nador

La dernière semaine couverte par ce rapport sur les évolutions dans la région de Nador a été marquée par une violence sans précédent dans la zone frontalière et dans les forêts environnantes. À partir du 20 juin, les forces marocaines ont intensifié leurs attaques contre les communautés de personnes en exil dans les forêts, et ont laissé un grand nombre de blessé·es dans ces camps. Les raids dans les forêts de la montagne Gourougou s’étendent à des camps très éloignés de la barrière frontalière. Il semble que la stratégie marocaine soit d’essayer de dégager la zone une fois pour toutes afin de contrer les passages de la frontière. Les exilé·es ont non seulement été pourchassé·es, ont dû endurer de nombreux jours sans sommeil, mais elles et ils ont également été contraint·es de se défendre.

Le 24 juin, une nouvelle tentative de franchissement en nombre de la frontière s’est soldée par des attaques extrêmement violentes à l’encontre de celles et ceux qui y avaient pris part – violence d’un niveau sans précédent, même pour cette région. Au cours de la tentative, un nombre inconnu de personnes en exil ainsi que deux agents marocains ont trouvé la mort. Les chiffres communiqués officiellement ont d’abord fait état de 18 mort·es, mais les estimations faites par nos contacts dans les camps suggèrent qu’environ 130 personnes sont mortes pendant les affrontements.

Environ 2 500 exilé·es ont essayé d’atteindre la barrière, luttant contre les forces marocaines qui elles tentaient de les en empêcher. Selon les médias espagnols, un groupe de plus de 500 personnes a finalement réussi à briser la porte d’accès du poste frontière de Barrio Chino avec une pince coupante et a commencé à entrer dans Melilla en sautant par-dessus le toit du poste. 133 personnes ont réussi à entrer dans l’enclave espagnole.

Beaucoup d’autres exilé·es ont été arrêté·es par les forces marocaines, gravement blessé·es et regroupé·es sans assistance médicale pendant près de 9 heures. Même pour cette zone frontalière, qui a connu des violences brutales depuis des décennies, l’ampleur de la violence du 24 juin et la négligence avérée des personnes gravement blessées sont extrêmement choquantes.

Personnes interceptées et blessées à Nador, source : AMDH Nador

 

Nous avons publié un communiqué de presse conjointement avec l’AMDH et d’autres organisations locales et internationales. Ensemble, nous avons formulé un certain nombre de demandes, dont l’ouverture d’une enquête judiciaire indépendante tant du côté marocain qu’espagnol, ainsi qu’au niveau international. Nous demandons également l’identification et le rapatriement des mort.es. En effet, on sait grâce au travail de l’AMDH que les autorités marocaines ont rapidement commencé à enterrer les corps de manière anonyme : l’organisation rapporte que le 26 juin, 21 tombes ont été creusées dans le cimetière local.

Tombes Nador. Source: AMDH Nador

 

Le 26 juin, plusieurs cadres du ministère des Affaires étrangères et du ministère de l’Intérieur ont tenu une réunion avec les ambassadeurs de différents États africains pour discuter de l’incident. C’était extrêmement décevant pour les communautés concernées. Les ambassadeurs ont principalement condamné la tentative de traversée et accepté la légitimité de la violence déployée par les forces marocaines. Aucune pression n’a été exercée pour l’identification des personnes décédées ni pour une enquête indépendante sur leur mort.

Des centaines de personnes ont été arrêtées pendant les affrontements. Elles ont pour la plupart été conduites dans un camp militaire fermé à Selouane, où les personnes sont en général jugées avant d’être expulsées dans leur pays d’origine ou repoussées de force vers le sud du pays. Notre équipe locale à Oujda nous a informé·e·s que le procès des 69 migrants arrêtés après le massacre de Nador s’est ouvert le 27 juin. Les personnes poursuivies se divisent en deux groupes : l’un des procès concerne 33 personnes qui sont poursuivies devant la Cour d’appel (reporté au 13 juillet). Les 36 autres sont poursuivies pour des délits de première instance (reporté au 4 juillet) ; elles sont toutes en détention provisoire. Le premier groupe est poursuivi pour des charges graves : « désobéissance, violence contre les forces de sécurité, incendie de forêt, privation de liberté d’un fonctionnaire, violence armée, participation à une bande organisée ayant pour but l’immigration irrégulière ». Nous suivrons l’issue de ces procès et en rendrons compte dans notre prochain rapport.

À la fin de la période couverte par notre dernier rapport, nous avons assisté à des sauts collectifs massifs par-dessus les barrières entourant l’enclave espagnole de Melilla. Ils se sont produits les 2 et 3 mars, heureusement avec un bilan moins meurtrier.

Le 2 mars, environ 2 500 personnes, principalement des ressortissant·e·s de pays situés au sud du Sahara et vivant dans des camps de fortune dans la forêt de Gourougou, se sont organisées collectivement et ont couru vers les barrières. Environ 500 d’entre elles ont réussi à traverser et été emmenées au CETI (Centro de Estancia Temporal de Inmigrantes / Centre de séjour temporaire pour immigré·es) de Melilla. Selon les observations de l’AMDH de Nador, 50 autres personnes qui ont réussi à sauter la barrière ont été refoulées illégalement par la Guardia Civil espagnole. Environ 200 personnes ont été arrêtées par les forces marocaines et amenées au centre de détention d’Arekmane.

Une autre tentative importante a suivi le lendemain, prenant les autorités au dépourvu. On estime que 1200 personnes ont participé à cette tentative. Environ 350 ont réussi à atteindre le CETI de Melilla. Pendant cette tentative, RTVE Melilla a pu filmer un jeune homme violemment battu et repoussé de la barrière par la Guardia Civil. Il a finalement été arrêté par la police marocaine. L’AMDH a pu le joindre pour recueillir son témoignage :

« J’ai été sévèrement battu et aspergé de gaz lacrymogène. Les coups de 5 guardia civil me venaient de tous les sens. Blessé, je n’ai eu aucun soin à Melilla. Ils m’ont donné aux militaires marocains qui m’ont embarqué vers le centre d’Arekmane au lieu de l’hôpital de Nador. (…). »

En réponse à ces tentatives de passage groupé, des raids de grande envergure ont été menés à Nador et dans les environs les jours suivants, pour arrêter et repousser de nombreuses personnes racisées loin de la zone frontalière. Certaines ont pu s’échapper mais sont épuisées. Quant aux personnes arrêtées, elles ont été amenées à l’extrême sud du pays, parfois jusqu’à la frontière algérienne.

Les clôtures de Melilla (et de Ceuta) sont de nouveau renforcées. Cette fois-ci pour un coût de 4,1 millions d’euros. Eulen, l’entreprise désignée, doit examiner et réparer des espaces tels que les centres de commandement et de contrôle et les postes de patrouille. Elle doit également travailler sur le réseau d’éclairage, les clôtures et les équipements de terrain.

Selon leurs camarades, aucune logique ne permet de comprendre les raisons pour lesquelles certaines de ces personnes arrêtées ont finalement été repoussées vers le sud du Maroc, d’autres déportées vers leur pays d’origine, et d’autres maintenues en prison, apparemment oubliées.

Il n’est pas facile de rendre visite et de soutenir les détenu·es. Certaines des personnes arrêtées ont été accusées d’être les organisatrices des passages collectifs du début du mois de mars. Nos ami·es sur le terrain essaient de suivre ces procès et sont en contact avec des détenus du Mali et de Guinée arrêtés lors des raids d’avril.

Les arguments avancés par les procureurs pour déterminer qui est à l’origine de ces passages ne sont pas clairs. Les contacts locaux supposent que, comme toujours, un certain nombre de personnes ont été arbitrairement choisies comme boucs émissaires. Des critères tels que la pilosité (dreadlocks, barbes…) semblent être retenus, comme indiquant que la personne est restée longtemps dans la forêt.

Les personnes en exil sont traitées comme des criminel·les depuis longtemps dans la région de Nador, mais cette situation s’est récemment aggravée. Selon le groupe local Alarm Phone, les gens risquent désormais des années de prison pour chaque tentative échouée de franchir les frontières maritimes ou terrestres espagnoles.

De nombreux·euses détenu·es n’ont pas accès à des avocat·es, ni à aucune forme d’assistance. Les personnes ne savent pas de quoi elles sont accusées. Elles ne sont même pas autoriséà passer des appels téléphoniques. Nos camarades sur le terrain ont essayé de contacter les ambassades concernées à de nombreuses reprises, mais celles-ci ne souhaitent pas s’impliquer. Certain·es des détenu·es sont traumatisé·es au point de perdre la mémoire et restent traumatisées de leur expérience après avoir été libéré·es. Des familles qui pensaient que leurs proches étaient décédé·es subissent un nouveau choc lorsqu’elles découvrent qu’ils ou elles étaient en fait en détention, mais dans l’impossibilité de communiquer.

Il est très difficile de rendre visite aux personnes emprisonnées, y compris pour les membres de leur famille. En effet, l’administration pénitentiaire marocaine exige un permis de séjour valide pour pouvoir rendre visite à un proche détenu dans une prison marocaine. Cette exigence rend souvent la visite impossible, étant donné les difficultés que rencontrent les personnes noires en exil pour obtenir ou renouveler un permis de séjour au Maroc.

Pour les ressortissant·es marocain·es qui tentent de fuir le pays, la criminalisation est également une menace. Par exemple, le 6 juin, sept pêcheurs marocains ont été arrêtés par la Guardia Civil espagnole alors qu’ils pêchaient dans leur zone habituelle au large de Béni Chiker. Les deux bateaux ont été conduits de force au port de Melilla, et les pêcheurs sont toujours en état d’arrestation. Ils sont accusés de trafic d’êtres humains, la Guardia Civil ayant supposé que l’un d’entre eux, tombé à la mer, voulait rejoindre Melilla.

Malheureusement, nous ne pouvons pas fournir un aperçu approfondi de la criminalisation des ressortissant·es marocain·es, mais nous travaillons à étendre notre réseau de membres et de contacts afin de renforcer notre connaissance de ces enjeux concernant les harraga marocains.

3.2 La route de l’Atlantique

Traversées et changements politiques

Au cours des derniers mois, parler ou écrire au sujet de la route Atlantique, sur le nombre de départs et d’arrivées aux îles Canaries a inévitablement fait ressortir un événement politique majeur : le revirement de la politique espagnole concernant le Sahara occidental. Jusqu’à la mi-mars, les relations entre les gouvernements du Maroc et de l’Espagne étaient plutôt tendues (surtout après que le leader du Polisario Brahim Ghali a reçu un traitement médical dans l’État espagnol en 2021 ; nous avons couvert l’événement dans un rapport précédent). Tout a changé lorsque le gouvernement espagnol a annoncé le 18 mars qu’il soutiendrait désormais le « plan d’autonomie » marocain pour les « provinces sahariennes ». Il s’agit ni plus ni moins d’une reconnaissance de facto de l’occupation marocaine du Sahara occidental. Depuis lors, les gouvernements d’Espagne et du Maroc ont exprimé leur enthousiasme pour cette nouvelle relation cordiale, car ils en attendent tous deux une série de bénéfices économiques : légaliser ainsi la pêche, l’agriculture, l’exploitation des mines et d’autres ressources naturelles (comme le sable) par exemple. Cependant, l’Espagne espère également freiner la migration à travers une série de mesures en coopération avec l’État marocain.

Le 22 mars, quelques jours seulement après l’annonce du revirement politique, les expulsions vers le Maroc ont repris. Le ministre espagnol de l’Intérieur prévoit de déployer un personnel espagnol auprès des bateaux de patrouille marocains. C’est déjà le cas en Mauritanie et au Sénégal. Le but est, bien sûr, d’intercepter davantage de personnes sur les routes. À l’heure où nous écrivons ces lignes, les négociations bilatérales entre les gouvernements marocain et espagnol concernent les espaces maritimes entre le Sahara occidental et les Canaries. En tant qu’Alarm Phone, nous pensons que cela entraînera une vaste extension de la SAR (zone de recherche et de sauvetage) marocaine au large des côtes du Sahara occidental, ce qui représenterait un obstacle supplémentaire à la liberté de mouvement dans l’Atlantique. Cela serait particulièrement inquiétant, les autorités marocaines ayant démontré à plusieurs reprises leur réticence à effectuer un sauvetage sûr et rapide – souvent au prix de vies humaines.

Sur le terrain, le revirement de la politique espagnole a déjà eu des effets très concrets. Comme le rapporte B., membre de Alarm Phone, les raids et les arrestations se sont multipliés depuis la mi-mars, surtout quand une bonne prévision météorologique rend les départs probables. À Laayoune en particulier, les autorités marocaines semblent particulièrement déterminées à empêcher les départs en menant ce qu’elles appellent l’ « Opération Assainissement » ; en arrêtant les personnes racisées chez elles et en les conduisant à des centaines de kilomètres de là.

Des policiers marocains au cours d’une opération dite de « assainissement » à Laayoune, dont est témoin une personne assise dans un bus pour être déportée. Source: Alarm Phone

 

Les autorités marocaines ont également intensifié leurs efforts pour intercepter les personnes en exil directement aux points de départ. Elles ont également pris l’habitude de faire connaître ces efforts auprès des médias. Ainsi, 236 personnes ont été empêchées de quitter les côtes les 25 et 26 mars, 231 personnes ont été bloquées les 29 et 30 mars autour de Laayoune, et 133 personnes ont été interceptées les 1er et 2 avril près de Dakhla.

Selon le journal espagnol La Vanguardia, des sources gouvernementales rapportent que le nombre élevé de traversées tout au long de l’hiver a été un excellent exemple de l’instrumentalisation par Rabat des flux migratoires et de leur utilisation comme élément de pression clé pour obtenir le soutien espagnol à l’occupation du Sahara Occidental par le Maroc. Les responsables espagnols ont ensuite reconnu le rôle majeur joué par le Maroc dans la réduction des départs, ce que certains médias de droite et nationalistes ont présenté comme une évolution positive. Le chef de la police nationale des Canaries a ainsi concédé que le Maroc contrôlait plus méticuleusement les zones de départ, puisque seulement 375 arrivées ont été enregistrées en mars 2022, et le ministre des Affaires étrangères a cité une baisse de 45% des arrivées grâce à la coopération marocaine.

Cependant, nous pensons que la situation est plus complexe. Les départs en mars avaient déjà considérablement baissé avant l’annonce du changement de politique et ont de nouveau bondi en mai. Nous pensons, en tant qu’Alarm Phone, que l’augmentation de la sécurisation marocaine a exacerbé la situation pour les personnes exilées, mais ne rend pas le voyage impossible ; les gens cherchent maintenant d’autres points de départ que le Sahara Occidental. En outre, les mauvaises conditions météorologiques et l’emprisonnement de certains passeurs ont également contribué à l’augmentation et à la diminution du nombre d’arrivées.

 

Arrivées sur les îles Canaries jusqu’à la fin du mois de juin, montrant une hausse et une baisse du nombre de traversées. Source : Alarm Phone, à partir des statistiques du HCR

 

En tant qu’Alarm Phone, nous condamnons fermement le fait que le gouvernement espagnol accepte l’instrumentalisation des flux migratoires et cède aux intérêts économiques du Maroc sur le Sahara Occidental et une répression de la population sahraouie d’ordre néo-colonial. Davantage de contrôles et de répression n’empêcheront pas les gens d’user de leur droit de chercher la sécurité et un avenir ailleurs. Tenter de fermer une route vers l’Espagne ou l’Europe ne fera qu’ouvrir ou renforcer des routes ailleurs. Déjà, de nombreuses personnes ne partent pas du Maroc ou du Sahara occidental pour atteindre les îles Canaries mais beaucoup plus au sud, de Mauritanie ou du Sénégal. Les naufrages ou les embarcations à la dérive sur ces longs trajets sont fréquents, comme le naufrage de 55 personnes récupérées par un navire de guerre mauritanien à 74 km des côtes mauritaniennes début mai, ou le naufrage mortel survenu dans le sud du Sénégal fin juin, avec 91 survivant·e·s, 13 morts confirmées et une quarantaine de personnes portées disparues.

Opération de sauvetage près de Kafoutine, au Sénégal, où un bateau avec près de 150 passagers en route vers les îles Canaries a fait naufrage après un incendie à bord. Source: Alarm Phone

 

Criminalisation au Maroc et dans le Sahara Occidental

Des deux côtés de l’Atlantique, les personnes en déplacement sont traitées comme d’horribles criminel·les, et subissent des lois qui interdisent des entrées ou sorties « irrégulières » des Etats, ainsi que la criminalisation de celles ou ceux qui organisent des voyages non autorisés. Comme nous l’avons montré plus haut, les autorités marocaines consacrent actuellement beaucoup d’énergie pour éviter d’avoir à faire des interceptions en mer, et arrêtent les exilé·es sur le lieu même de leur départ. Un militant d’Alarm Phone explique :

« Quand cela se produit, certain·es migrant·es sont accusé·es d’être responsables du voyage et d’être capitaines […]. On les emmène au poste de police, et l’enquête est faite sans l’assistance d’un·e avocat·e, et sans interprète pour leur expliquer leurs droits, car leurs droits, c’est une blague. On les amène ensuite devant le juge et iels sont accusé·es d’être des contrebandier·es ou d’appartenir à un réseau de trafiquant·es. Iels subissent des peines lourdes, de 10 à 15 ans d’emprisonnement. »

Les militant·es d’Alarm Phone documentent les violations des droits humains et tentent de faciliter l’assistance juridique et médicale pour les personnes emprisonnées :

« Dans les provinces du sud, il y a actuellement environ 50 personnes emprisonnées et accusées d’avoir piloté un bateau ou d’avoir organisé des migrations illégales. En tant que membres d’Alarm Phone, nous avons essayé d’assister trois migrants qui ont été arrêtés uniquement parce qu’ils portaient un bracelet avec le numéro d’Alarm Phone […] Il y a aussi sept sub-saharien·nes qui ont été condamné·es à de lourdes peines de prison : quatre Sénégalais ont été condamnés à 10 ans, un Ivoirien à 15 ans, un Guinéen à 20 ans en tant que contrebandier surveillé pendant des années, un autre Guinéen à 10 ans. […] Ils sont dans une situation très difficile ! Nous sollicitons les gouvernements africains pour qu’ils fassent extrader leurs citoyens. Tous sont malades et sont mal nourris en prison. »

Le revirement politique de l’Espagne à propos du Sahara occidental semble avoir été le feu vert pour que l’état marocain applique des sentences plus sévères :

« Avant, vous pouviez faire appel pour obtenir une réduction de peine. Aujourd’hui, malheureusement, les personnes condamnées ne prennent même plus un avocat lorsqu’elles font appel, car elles savent que le juge ne les écoutera pas. Depuis le début de la pandémie, les verdicts sont prononcés par visioconférence. »

Criminalisation dans les îles Canaries

La criminalisation (souvent arbitraire) des pilotes de bateau est un autre problème important lors de l’arrivée aux îles Canaries. Si un drone capture l’image d’une personne au moment où elle touche ou manipule le moteur, celle-ci sera accusée d’être le capitaine et donc d’être responsable de l’opération d’immigration irrégulière. D’après l’Article 318 bis 1 et 3b du Code pénal espagnol, les peines de prison varient selon les circonstances du voyage. Ce qui signifie que tout dommage, blessure corporelle ou décès aggravent le « délit » et entrainent un allongement de la peine. Dans le dernier cas, des personnes peuvent être accusé·es d’homicide. Ce qui est complètement à l’opposé de la réalité concernant les vrais responsables des nombreuses morts en mer.

Souvent, les passager·es qui n’ont pas suffisamment d’argent pour payer leur voyage doivent piloter le bateau, surtout lorsqu’il arrive dans les eaux espagnoles. Si les personnes à bord ont de l’argent sur elles, cela peut aussi être considéré comme la « preuve » qu’iels étaient impliqué·es dans l’organisation du voyage. De plus, la police espagnole peut dire aux autres passager·es qu’en dénonçant le capitaine, iels auront plus de chance de pouvoir rester en Espagne. Ce qui, de toute évidence, n’est rien d’autre de la part des autorités, qu’une stratégie perverse, une manipulation des exilé·es pour criminaliser leurs compagnons et compagnes de voyages.

L’Espagne condamne les pilotes des bateaux, et par ailleurs, a tendance à traiter les exilé·es comme des criminel·les ; une habitude partagée par de nombreux pays européens. Certain·es exilé·es sont enfermé·es dans des centres de rétention (comme les CATE, Centro de Atención Temporal de Extranjeros, à Barranco Seco, Grande Canarie) dès leur arrivée, sans assistance juridique appropriée, ni interprète, ni accès à l’information sur les procédures nécessaires pour demander une protection internationale. Il est bien plus difficile de demander l’asile depuis la prison. Début mai, les prisonnier·es du CIE (= Centro de Internamiento de Extranjeros) de la Grande Canarie ont organisé une grève de la faim pour protester contre les mauvais traitements corporels et psychologiques qu’iels y subissaient. À cette grève s’ajoutent plusieurs tentatives d’évasion début et mi-mai.

De plus, les autorités interfèrent souvent lorsque les personnes essaient de s’organiser, prévoient des manifestations et font preuve de solidarité. Dès 2021, dans un communiqué interne, des camarades de Tenerife ont relaté des harcèlements de la police pendant les manifestations dans la ville de La Laguna, près des camps de Las Raíces et de Las Canteras. Iels ont également fait état de contrôles de police et de fouilles qui ciblaient des personnes noires, identifiées comme migrantes. De plus, la ley mordaza (loi-muselière, voir à ce sujet un précédent rapport AP), répressive et contraire aux droits de la personne humaine, a été régulièrement utilisée pour imposer des amendes aux militant·es solidaires des personnes en exil ou aux journalistes qui s’intéressent aux droits humains : plus récemment, la ley mordaza a été utilisée pour imposer une amende de 800 € à une journaliste lauréat du Prix Pulitzer qui avait pris des photos dans le port d’Arguineguin en décembre 2020.

3.3 Tanger

Le harcèlement policier est une constante du quotidien des personnes noires et criminalisées en tant que migrant·es en situation irrégulière à Tanger. De plus, en mars 2022, le Maroc et l’Espagne ont repris les négociations sur la coopération pour le contrôle aux frontières, et les militant·es locaux et locales ont noté une intensification des patrouilles de police, des arrestations dans la rue et des expulsions de force hors de Tanger.

Les groupes de migrant·es qui vivent dans les forêts aux abords de la ville ont noté que les descentes de police sont passées à trois par jour – le matin, l’après-midi et le soir, amenant de nombreuses personnes à quitter les endroits où elles dorment avec ce qu’elles ont de plus précieux, tôt le matin, et à ne revenir que tard dans la nuit, afin de diminuer les risques d’être arrêtées.

Pendant ce temps, des groupes et des individus sans statut de résidence, qui tentent de trouver leur place dans la vie de Tanger, ont remarqué une augmentation des rondes de police et des refoulements en masse vers le sud du pays, y compris de femmes et d’enfants, ce qui était rare jusqu’à présent.

Personne ne connaît le nombre total d’arrestations, car les Forces Auxiliaires, aile paramilitaire de la Police marocaine, opèrent sans contrôle juridique suffisant ni regard de l’opinion publique.

D’ailleurs, à l’occasion du déplacement forcé qu’il a subi en mars, un militant local a noté le fait que dans un centre informel, les migrant·es étaient « trié·es » puis embarqué·es de force dans des bus vers Casablanca, Tiznit ou Beni Mellal, sans aucune identification officielle :

 « Aucune identification officielle n’est réalisée. On ne nous demande pas notre identité, des personnes nous prennent en photo avec leur téléphone. Si un des migrants refuse, il peut être tabassé. On ne sait pas d’ailleurs où vont ces photos et pour quelles raisons elles sont prises ».

À la suite de la reconnaissance par l’Espagne de la revendication marocaine sur le Sahara occidental, le 18 mars 2022, les arrestations par la police semblent avoir diminué, mais restent encore nombreuses, et amènent de nombreuses personnes à abandonner Tanger pour aller dans des lieux un peu plus sûrs, plus au sud dans le pays.

Suite aux meurtres de masse aux frontières à Nador le 24 juin, il y a eu une répression policière plus forte : parmi les mesures policières souvent mentionnées ces deux derniers mois, les policiers se tiennent dans des lieux de passage, pour empêcher les exilé·es noir·es sans statut de résidence de revenir à Tanger.

La peur permanente de la violence de la police, qui est financée par l’Union européenne, contribue à maintenir les exilé·e noir·es sans statut de résident·es, particulièrement exposé·es aux abus, dans une situation de vulnérabilité face à la violence et l’exploitation. Ainsi, le 7 mars, un jeune homme venu de Guinée, fuyant les Forces Auxiliaires, s’est retrouvé aux mains de gangs locaux, qui le tabassèrent et lui lacérèrent le visage à coups de machette (rapports de militant·es locaux et locales d’AP). Le 8 mars, un Camerounais qui tentait lui aussi de fuir les Forces Auxiliaires est tombé dans des rochers ; un gang l’a attrapé et lui a cassé trois dents (rapports de militant·es locaux et locales d’AP). Nous avons appris qu’il n’a pu manger d’aliments solides pendant plus de deux mois suite à cette agression, faute de moyens pour financer une opération. Un autre homme camerounais, après avoir dû fuir les Forces Auxiliaires, a été la victime d’un gang qui l’a attaqué à coups de couteau, lui a volé son téléphone et d’autres objets (rapports de militant·es locaux et locales d’AP).

​​​​​​​Il y a eu d’autres rapports sur des personnes en situation irrégulière et ciblées pour le trafic d’organes. Beaucoup ont le sentiment qu’à Tanger, leurs ambassades respectives ne soutiennent pas les migrant·es sans statut et ne s’intéressent qu’aux étudiant·es les plus riches et inscrit·es dans une université tangéroise. La peur permanente d’une arrestation montre combien les agents de l’état marocain, financés par l’union européenne, sont l’instrument qui crée les conditions de ces attaques.

Pendant ce temps, des personnes luttent pour régulariser ou renouveler leur statut de résidence. Les restrictions d’accès à la carte de séjour et à la carte de résidence se sont durcies : elles suivent les changements législatifs annoncés par le nouveau gouvernement d’Aziz Akhanouch, mis en application au début de cette année.

En conséquence, il y a un nombre croissant de personnes qui sont criminalisées ou sur le point de l’être. Parmi elles, celles qui avaient un statut de résident·es permanent·es et souhaitent le renouveler. « Si beaucoup de personnes en situation de migration sont sans papiers, ce n’est pas uniquement de leur faute », explique un groupe d’artistes migrant·es via une campagne pour alerter l’opinion publique. « Beaucoup veulent vivre au Maroc et se voient refuser les papiers ».

La combinaison des restrictions légales et policières a créé une situation dans laquelle, selon K., militant d’Alarm Phone : «Ce qui se passe actuellement à Tanger ou ce qui nous arrive nous a poussé à vivre dans la peur! notre niveau de stress a malheureusement doublé ». Le caractère apparemment arbitraire des arrestations amène de nombreuses personnes à se demander si leur présence est souhaitée ou pas dans la ville. D’autres demandent tout simplement un peu de clarté, afin de pouvoir faire des projets de vie.

« Le gouverneur de la région et d’autres autorités crédibles devraient nous donner un ultimatum avec une date limite précise pour que nous nous évacuions nous-mêmes et nos petits biens hors de la ville de Tanger, hors de la région du nord ! et peut-être en dehors du Royaume du Maroc en général, si c’est toujours le cas ! » proteste K.

Dans une déclaration publique qui dénonce les arrestations, l’artiste Salvador Momnyuy qualifie « d’hypocrisie extrême » le fait que « les autorités [parlent] de nous de manière holistique devant des caméras et puis [passent] derrière la caméra pour nous maltraiter ».

Même des résident·es de longue date et des personnes connues et qui contribuent à la vie culturelle de Tanger ont été visé·es, par exemple le musicien Moussa du groupe Farafina, actuellement en résidence à l’Institut Français.

Un autre artiste et militant d’Alarm Phone a expliqué dans une vidéo qu’il a publié pendant sa propre expulsion comment les Forces Auxiliaires emprisonnent sans raison les migrant·es noir·es : « Nous vivons, nous travaillons, nous demandons la carte de résidence, et ils refusent. Ils nous arrachent à nos maisons, ils nous attaquent… Ils nous traitent comme des animaux, sans aucun respect, sans aucune considération ».

Une vue de l’intérieur du bus (au sommet) et des sièges (en bas) filmée par un militant du téléphone d’alarme et membre du collectif SHU MOM Art.

 

Les résident·es de Tanger se sont élevé·es contre la violence, souvent en prenant des risques (voir les rapports complémentaires ici et ici).

Une pétition a été lancée pour faire cesser les arrestations. « Les jeunes Africains vivant au Maroc et à Tanger sont chez-eux », explique-t-elle. « Les rafles et les refoulements répétés ne sont nullement justifiés. Aidez les plutôt à régulariser leur situation. La chasse aux Africains est ue honte ».

3.4 Oujda et la zone frontalière algérienne

Alarm Phone Oujda rapporte que, récemment, davantage de personnes ont traversé la frontière algérienne pour se rendre au Maroc. Comme nous l’avons souligné dans notre dernier rapport, ces passages frontaliers sont très dangereux et le trafic de drogue s’appuie sur le besoin des gens de traverser la frontière. Le trafic de drogue a donc également augmenté car les deux phénomènes sont liés. Étant donné que de nombreuses personnes n’obtiendront jamais, dans le cadre du système actuel, l’autorisation d’entrer au Maroc, elles doivent compter sur celles et ceux qui, en dehors de la loi, ont le pouvoir de les aider. Leur besoin les rend vulnérables à l’exploitation en tant que mule. C’est particulièrement vrai pour les mineurs et les femmes, qui doivent payer plus cher pour traverser la frontière (voir notre précédent rapport) et ont donc moins d’options. Le trafic de drogue, bien sûr, augmente le risque de criminalisation et expose davantage à des situations de danger.

La criminalisation des personnes exilées a également augmenté. Selon Alarm Phone à Oujda, la police marocaine a accusé un Nigérian d’être à la tête d’un réseau de contrebande aidant les gens à traverser la frontière. En outre, huit personnes, dont un ressortissant algérien en situation irrégulière au Maroc, ont été accusées de trafic de drogue sur la frontière algéro-marocaine.

Par ailleurs, des refoulements vers la zone frontalière continuent d’être signalés. Même à Laayoune, dans le sud du pays, des personnes ont été mises dans des bus et emmenées au-delà de la frontière algéro-marocaine, toujours dans la région d’Oujda.

Le 17 juin 2022, les autorités de la ville de Nador ont expulsé de force une quarantaine de personnes de diverses nationalités vers Oujda. Elles avaient un statut de séjour irrégulier. Selon les informations de l’AP Oujda, huit personnes ont fui le bus après avoir brisé les vitres du véhicule. L’incident s’est produit à Garbouz, à environ 30 km au nord de la ville d’Oujda. Les recherches pour retrouver les personnes qui se sont échappées du bus sont en cours.

Depuis le 18 juin, des groupes de demandeur·ses d’asile soudanais·es et sud-soudanais·es ont été déplacés de leurs points de rassemblement dans la ville d’Oujda. Au cours de la semaine du 20 juin, sept exilé·es soudanais·es ont été arrêté·es par la police, et une campagne générale d’arrestation des migrant·es en situation irrégulière est en cours. Depuis la mi-juin, les arrestations se multiplient et les migrant·es se cachent pour échapper à la police. Ils et elles vivent dans une situation très précaire et sont obligé·es d’avoir leurs sacs prêts à tout moment pour échapper à la police. Un des témoins soudanais nous a dit qu’il y a toujours des renvois forcés vers la frontière algérienne et vers d’autres villes comme Casablanca. AP Oujda est en échange actif avec AMDH Oujda et Nador pour obtenir plus d’informations sur les migrant·es renvoyé·es à Laayoune.

AP Oujda indique que durant la période d’avril 2022 à juin 2022, environ 1 500 exilé·es sont arrivé·es à Oujda à travers la frontière algéro-marocaine, dont 25 femmes et 146 mineurs de différentes nationalités. Six personnes ont été blessées à la frontière.

Après les tueries de Nador, les blessé·es graves ont été transporté·es au CHU d’Oujda. Les migrant·es sont sous surveillance policière, et personne ne peut visiter les blessé·es. Plusieurs organisations ont tenté de prendre de leurs nouvelles, mais au moment de la rédaction du présent rapport, il était impossible d’avoir accès aux blessé·es à l’hôpital.

3.5 Algérie

Note : En Algérie, il n’y a pas d’équipes ni de militant·es d’Alarme Phone, seulement des contacts et des ami·es d’ami·es, donc les informations de cette section sont basées sur un petit réseau local et des articles de presse fiables.

Débordement diplomatique et criminalisation en Algérie

Le contexte politique et migratoire en Algérie a été marqué ces derniers mois par l’éclatement d’une crise diplomatique sans précédent avec l’Espagne, concernant le territoire du Sahara occidental. En mars, lorsque l’Espagne a rendu public son soutien au plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental, les déportations de citoyen·nes algérien·nes entré·es sur le territoire espagnol sans autorisation du gouvernement espagnol ont été immédiatement suspendues.

Plus récemment, le 8 juin, l’Algérie a décidé de suspendre le traité d’amitié avec l’Espagne qui lie les deux pays depuis 20 ans. Elle a mis un terme brutal à la coopération en matière de « gestion des flux migratoires ». Cette rupture diplomatique a des conséquences politiques et économiques majeures. Elle a des répercussions non seulement en Espagne, mais aussi dans l’UE (pour plus de détails, voir cet article du média Algeria-watch). Elle affecte déjà de nombreux·ses Algérien·nes qui empruntent la route maritime vers l’Espagne continentale.

L’année dernière, l’Algérie a accepté l’expulsion de milliers de ses ressortissant·es depuis l’Espagne. Avec la suspension du traité de coopération, les autorités algériennes peuvent désormais refuser de délivrer les milliers de « laissez-passer », le document nécessaire pour envoyer des personnes sans passeport valide vers un pays tiers. En l’occurrence, il s’agit du document dont l’Espagne a besoin pour renvoyer les harragas en Algérie. En fait, selon Eurostat (l’office statistique de l’Union européenne), en 2021, les Algérien·nes représentaient la plus grande nationalité non européenne tenue de quitter l’un des États membres, avec 26 400 cas enregistrés.

Cependant, la période couverte par ce rapport n’a pas montré de signes de découragement chez les harraga. Et ce, malgré les dangers toujours plus élevés sur les routes vers l’Espagne, la force de la répression et la criminalisation dont les harragas font l’objet. Ces deux derniers sujets, qui font l’objet d’un traitement spécifique dans ce rapport, sont profondément liés à la croissance des organisations commerciales frontalières en Algérie, comme nous l’avons détaillé dans notre précédente analyse régionale. On ne dira jamais assez qu’en Algérie, une loi de 2009 punit la « sortie illégale » du territoire national d’une peine de deux à six mois et d’une amende de 20 000 à 60 000 dinars. Le fait de quitter l’Algérie sans autorisation de l’État a lui-même été érigé en infraction pénale.

Le gouvernement algérien a développé de nouveaux moyens pour contrôler la frontière au cours des quatre derniers mois. L’un d’eux est l’érection d’une série de murs de quatre mètres de long. Construits en mars sur plusieurs plages près de Wahran (Oran), ils visent à empêcher les gens de transporter du matériel au bord de l’eau et de repartir en groupe. Un autre exemple est le récent assassinat par les garde-côtes algériens de plusieurs « guides », nom donné aux conducteur·ices de bateaux qui font les allers-retours entre Wahran, en Algérie, et Almería, en Espagne. Les murs et les balles, loin de faire baisser le nombre de traversées, encouragent les départs en petites embarcations, souvent sans moteur (les départs en bateaux motorisés étant désormais beaucoup plus difficiles à initier). Ainsi, ils ne font que rendre ces traversées plus dangereuses et mortelles.

Traversées

Depuis deux ans, les principales routes maritimes algériennes sont les routes d’Alicante, d’Almería, de Murcie et des Baléares. C’était encore le cas au cours des quatre derniers mois. Le nombre de bateaux partant d’Algérie est toujours très élevé (bien que le nombre total d’arrivées en Espagne au cours des derniers mois soit légèrement inférieur à celui de l’année dernière à la même période – Source : UNHCR).

En avril 2022, un article du site Algérie Part décrit le grand nombre de départs pendant le mois sacré de l’Islam, le Ramadan. Plus de 270 ressortissant·es algérien·nes ont été secouru·es par la Salvamento Marítimo en 72 heures.

En fait, le nombre de harragas a augmenté au cours des dernières semaines, les conditions climatiques étant devenues plus favorables. Comme le souligne cet article d’El Watan, les garde-côtes algériens affirment avoir intercepté pas moins de 1200 personnes depuis janvier 2022.

Les routes maritimes restent très risquées pour les personnes en exil. En mai dernier, 19 personnes ont perdu la vie au large de Tipaza, alors qu’elles se rendaient aux Baléares. Plusieurs corps sont toujours perdus en mer. Nos cœurs et nos pensées vont aux personnes décédées et à leurs proches.

Ces derniers mois, l’Alarm Phone a reçu un petit nombre d’appels pour des cas de détresse directe en mer. La plupart des appels que nous avons reçus d’Algérie proviennent de proches de personnes en exil, qui restent pendant des mois sans nouvelles de leurs ami·es ou des membres de leur famille. Au cours des quatre derniers mois, les équipes de permanence d’Alarm Phone ont reçu plus de 15 appels de personnes recherchant des personnes disparues en Algérie. Pour beaucoup trop de personnes, la recherche de bateaux disparus signifie une longue et intense période de recherche via les organisations et les réseaux sociaux, tout en oscillant entre espoir et désespoir.

Dans certains cas, les personnes disparaissent après leur arrivée dans les infrastructures espagnoles de détention et d’expulsion. Les prochaines semaines montreront les effets de la décision des autorités algériennes de mettre fin au traité de coopération avec l’Espagne. Nous craignons fort que ces jeux politiques cyniques n’affectent, comme d’habitude, principalement la vie des milliers de personnes en exil et leur lutte pour la liberté de circulation.

Traque et déportations massives de personnes du sud du Sahara

La criminalisation des personnes en mouvement en Algérie prend des dimensions terrifiantes lorsqu’elle touche les exilé·es originaires du sud du Sahara. Plusieurs organisations, dont Alarm Phone Sahara, ont dénoncé la déportation de plus de 14 000 personnes depuis le début de l’année.

Des ressortissants nigériens arrivent à Agadez après avoir été expulsés, le 10 mars 2022. Source: Alarm Phone Sahara

Selon Alarm Phone Sahara, un énorme pourcentage de ces déportations ont lieu entre l’Algérie et le Niger. 1 693 personnes ont été déportées en deux jours seulement, les 20 et 22 mars, vers un lieu appelé Point Zéro, à 15 km de la ville d’Assamaka au Niger. Les soins médicaux et l’alimentation des déporté·es sont pratiquement inexistants.

4. Naufrages et personnes disparues

Au cours de la période couverte par ce rapport (mars à juin 2022), nous avons compté plus de 300 décès et plusieurs centaines de personnes disparues, sur la base des cas recensés par Alarm Phone et des rapports des médias en Méditerranée occidentale et sur la route de l’Atlantique. Alarm Phone a été témoin d’au moins trois naufrages et de cas de décès dus à un retard des secours ou à une absence totale d’assistance. Malgré tous nos efforts pour recenser les mort·es et les disparu·es, nous pouvons être sûr·es que le nombre réel de personnes mortes en mer en tentant de rejoindre l’UE est bien plus élevé.

Nous exigeons un passage sûr et la liberté de mouvement pour toutes et tous afin d’arrêter les morts aux frontières et en mer !

Le 11 mars, un bateau pneumatique parti de Tarfaya avec 54 personnes à bord chavire. Seuls quatre survivant·es et cinq corps ont été repêchés.

Le 13 mars, au moins 44 personnes meurent dans un naufrage au large de Tarfaya, au Maroc. Le bateau transportant 61 personnes, dont 16 femmes et sept bébés, il chavire alors qu’il tente de rejoindre les îles Canaries, en Espagne.

Le 17 mars, sept personnes sont portées disparues et trois cadavres sont repêchés après un naufrage au large de Ghazaouet, en Algérie. Les familles d’Atigui, Sobiane, Messaoudi, Hafed et Brahmi demandent aux autorités compétentes d’accélérer les recherches de leurs enfants disparus. L’article indique également qu’au début du mois de mars, deux corps ont été retrouvés sur les plages de Ghazaouet.

Le 19 mars, le corps d’un jeune homme est retrouvé sur la plage de Ghazaouet en Algérie. Dans les médias, il existe différentes théories sur la cause de sa mort. Peut-être a-t-il tenté de rejoindre l’Europe en bateau, ou essayé de rejoindre Melilla, en Espagne, à la nage.

Le 22 mars, huit jeunes hommes meurent dans un naufrage au large de la côte de Ghazaouet, en Algérie. Les cadavres de trois personnes ont disparu.

Le 23 mars, un bateau arrive à El Hierro avec un cadavre et deux personnes dans un état critique. Quelques jours plus tard, les survivant·es confirment la perte de 26 personnes en mer. Le bateau était parti le 19 mars de Mauritanie.

Le 24 mars, un bateau avec au moins 47 personnes, parti de Mauritanie pour les îles Canaries, disparaît.

Le 27 mars, deux personnes se noient après le chavirement de leur embarcation au large de Tarfaya, au Maroc.

Le 7 avril, les restes de deux personnes sont rejetés sur le rivage à Akhfennir, Tarfaya, Maroc, après le chavirement de leur bateau. Le nombre de personnes disparues ou de survivant·es du naufrage est inconnu. Deux victimes sont ensuite identifiées comme étant Osama et Murad et enterrées au cimetière d’Aforar. Trois autres cadavres (dont deux jeunes femmes) sont apportés à la morgue. Selon les médias, environ 47 personnes sont arrêtées pour « migration clandestine ».

Le 10 avril, un bateau avec 17 personnes à bord est localisé à 83 kilomètres au sud de Gran Canaria par le Salvamento Marítimo. Deux des exilé·es s’étaient déjà suicidé·es en sautant par-dessus bord car elles et ils ne pouvaient supporter le désespoir d’une attente injustifiée des secours. Les survivant·es ont passé neuf jours à la dérive en mer.

Le 26 avril, 27 personnes, dont 13 femmes et six bébés, décédées dans un naufrage à 245 km au sud des Îles Canaries. Le bateau transportait 61 passager·es et a probablement chaviré alors que le bateau de secours était en vue.

Le 26 avril, six personnes sont reportées décédées. Les personnes à bord demandaient de l’aide aux autorités depuis la veille, mais les secours ont tellement tardé que quand l’ONG Caminando Fronteras a lancé l’alerte sur Twitter le bateau était encore à la dérive.

Le 26 avril, environ 200 personnes en direction des iles Canaries sont interceptées par la Marine Royale marocaine, l’une d’entre elles est décédée.

Le 30 avril, le corps d’un mineur est trouvé flottant dans les eaux du Dock Sud, à Melilla, Espagne.

Le 7 mai, 55 personnes sont secourues à la suite d’un naufrage à 74 km de la côte mauritanienne. À ce jour, on ne connaît toujours pas le nombre de personnes décédées et disparues.

Le 8 mai 2022, trois jeunes Marocains de la ville d’Oujda quittent la plage de Saidia en jet ski. Selon leurs proches ils ont disparu, et ont été arrêtés par les garde-côtes algérien·nes au large d’Oran, Algérie (AP Oujda).

Le 8 mai, au moins 44 exilé·es se sont noyé·es lorsqu’un bateau avec 56 personnes à bord a chaviré au large de Boujdour, Sahara occidental. Douze personnes ont survécu à cette tragédie.

Le 9 mai, Alarm Phone est informé de la disparition d’un bateau sur la route de l’Atlantique. 13 personnes sont secourues par les garde-côtes espagnols lorsque leur bateau est retrouvé à 120 km au sud de Gran Canaria, en Espagne. 28 personnes meurent dans ce naufrage.

Le 10 mai, onze personnes sont mortes quand leur bateau a chaviré au large de la côte algérienne de Tipaza. Selon les informations obtenues, cinq personnes ont survécu à cette tragédie.

Le 13 mai, l’ONG Caminando Fronteras signale qu’un bateau avec 58 personnes à son bord est en train de couler au large de Cap Boudjour, Maroc. Nous n’avons pas d’information sur leur destin.

Le 13 mai, un bateau avec 15 personnes à bord est secouru à environ 140 km au sud de la Grande Canarie. L’une d’entre elles est trouvée morte.

Le 14 mai, un bateau avec douze personnes à son bord, qui avait disparu une semaine plus tôt en mer d’Alboran, est retrouvé avec quatre personnes survivantes et huit mortes.

Le 15 mai, un bateau est secouru par la Marine marocaine. Il avait quitté Tan Tan avec 59 personnes (14 femmes et six enfants). 46 personnes, dont dix femmes et deux enfants, sont survivantes, onze sont encore disparues, et deux sont trouvées mortes.

Le 15 mai, onze personnes se noient en mer, tandis que cinq personnes sont secourues et cinq autres sont portées disparues, près de la côte espagnole. Selon les médias, 21 personnes ont quitté la zone de Tipaza en direction de l’Espagne, le bateau a eu une voie d’eau et a sombré. Le capitaine d’un navire marchand a vu les corps qui flottaient à la surface et a prévenu les garde-côtes algériens.

Le 31 mai, une nouvelle tragédie sur la route des Canaries est signalée par les membres d’Alarm Phone, avec au total 61 décès et 17 survivant·es.

Le 3 juin 2022, un bateau avec treize personnes à son bord sombre à 7h du matin (heure algérienne). On trouve trois corps. Les autres personnes sont toujours portées disparues (AP Oujda).

Le 8 juin, un bateau avec 16 ou 17 personnes à son bord chavire au large de la côte du Cap Cope, Águilas, Espagne. Un enfant et deux adultes meurent lors du naufrage. Une autre personne est portée disparue.

Le 9 juin, Salvamento Marítimo secourt deux petits bateaux au sud de Formentera dans les Îles Baléares. Il y a une personne décédée à bord de l’un des bateaux. Ce dernier avait été signalé disparu neuf jours plus tôt. Il transportait huit personnes dont cinq ont survécu. Les deux autres passager·es sont porté·es disparu·es.

Le 11 juin, un corps sans vie est trouvé flottant dans la mer près du rivage de Benzú, Ceuta, Espagne.

Le 15 juin 2022, un corps est trouvé dans les environs d’Umm Taboul, Algérie. Il est identifié et emmené à la morgue (AP Oujda).

Le 26 juin, un naufrage se produit au large des côtes de Kafountine, Sénégal. Selon les médias, l’accident a été causé par un incendie à bord. Au moins 15 personnes sont reportées décédées, 87 survivant·es sont secouru·es, mais selon des témoins il y avait environ 150 personnes à bord, des dizaines sont donc disparues.