Sommaire
1.2 Tanger, Ceuta et le détroit de Gibraltar
1.3 Le Nord-Est du Maroc : De Nador à Oujda
2 Naufrages et personnes disparues
Introduction
Cela pourrait paraître surprenant, mais ne l’est pas tant : des pays évoluant dans un ordre mondial capitaliste cherchent à criminaliser l’activité consistant à fournir, moyennant finances, une place dans un bateau amenant des personnes d’un point A à un point B. Il n’est pas évident d’identifier où est le crime dans une telle activité, même lorsque le point A est en Afrique et le point B en Europe. Le fait que les autorités qui se sont auto-désignées responsables des lieux d’arrivée veuillent empêcher l’entrée de la grande majorité des personnes qui souhaitent y parvenir, rend difficile les conditions de départs de manière légale. En effet, les personnes qui se déplacent quittent une juridiction différente et indépendante de celle où elles arrivent. Malgré cela et comme le montre clairement notre rapport, aider les gens à partir est désormais considéré comme un crime terrible.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de crimes en jeu ici. Le fait de vendre une place sur un bateau qui n’est manifestement pas en état de naviguer, sans équipement de sécurité ou de navigation adéquat, ou avec une quantité de carburant ne permettant pas d’arriver à destination, pourrait bien être sanctionné pour mise en danger de la vie d’autrui par négligence. Il existe aussi des conventions maritimes internationales qui fixent des normes minimales que les propriétaires et les capitaines de navires doivent respecter. Il est vrai que, comme nous l’avons déjà signalé, une fois arrivées dans l’État espagnol, les personnes jugées responsables de ces voyages sont accusées de meurtre et d’homicide involontaire. Il est également vrai que ces condamnations semblent douteuses et vindicatives. Que les autorités européennes, y compris l’État espagnol, ont un engagement quelque peu limité à l’égard des conventions maritimes internationales, du moins en ce qui concerne les personnes empruntant la route vers l’Europe.
Il est clair que le désir de l’État espagnol de poursuivre les personnes pour des crimes associés à la migration irrégulière ne relève pas d’un engagement profond envers l’État de droit. Il découle d’un désir de restreindre et de contrôler la mobilité des personnes. Ce désir est un désir autoritaire. L’adoption d’une législation criminalisant la sortie irrégulière d’un territoire est depuis longtemps la marque de fabrique des États autoritaires. Aujourd’hui, bien que ni le Maroc ni l’Algérie ne soient des bastions de la liberté, le renforcement de la pression sur celles et ceux qui tentent de partir, ainsi que celles et ceux qui facilitent la sortie, se fait en collaboration avec les gouvernements européens, notamment français et espagnol. L’objectif est avant tout d’empêcher la mobilité des personnes originaires d’Afrique, qu’elles viennent du nord ou du sud du Sahara, car les gouvernements européens ne veulent pas d’Africain.e.s en Europe. Si nous ne sommes pas surpris.es par la criminalisation des Africain.e.s qui tentent de quitter leur continent de naissance, c’est parce que nous avons avalé la logique raciste des puissances européennes et de leurs partenaires (subalternes) dans les parlements africains.
C’est Arendt qui, dans Les origines du totalitarisme, a observé qu’il est plus facile de quitter un État que d’entrer dans un autre. Elle attirait l’attention sur le fait qu’il ne suffit pas d’être physiquement présent sur un territoire pour être légalement reconnu sur ce territoire. Le problème, selon Arendt, est que quelqu’un qui n’a pas de statut légal n’importe où dans le monde est une non-personne. Pour Arendt, ce n’est pas parce que vous êtes une personne que vous avez des droits, mais seulement lorsque vous avez des droits que vous êtes une personne. Il n’est pas nécessaire de suivre Arendt jusqu’au bout de sa métaphysique pour reconnaître, avec elle, que quiconque est exclu de la protection juridique est également exclu de la communauté humaine. La non-possession de statut juridique expose à la violence la plus extrême. Cela revient à ne pas compter, et alors les puissants peuvent en faire ce qu’ils veulent. C’est pourquoi les personnes en exil sont soumises à des violences physiques et sexuelles atroces (particulièrement les femmes) ainsi qu’à de la criminalisation, comme nous le montrons dans ce rapport.
Cette criminalisation se traduit concrètement par les peines scandaleuses infligées, au terme d’un simulacre de procédure judiciaire, aux personnes accusées de “trafic de migrants”. Mais ceci n’est que la manifestation visible d’une politique de rejet plus profonde. La logique raciste qui gouverne notre monde ne reconnaîtra le statut juridique des personnes africaines qu’à condition qu’elles ne se déplacent pas. Si elles osent défier cette logique en prenant leur avenir en main et en exerçant leur droit de circuler, elles perdront le peu de statut légal qu’elles avaient. Elles seront d’office criminalisées. Nous sommes solidaires de celles et ceux qui font ce choix et prennent ce risque. Nous savons, comme nous le rappelle Elie Wiesel, qu’aucun être humain n’est illégal. Nous construirons un monde fondé sur ce fait.
1 Nouvelles des régions
1.1 Route de l’Atlantique
Situation en mer
« Je ne cesse de faire de la sensibilisation auprès des migrant.e.s sur la route des Canaries, la route la plus meurtrière vers l’Espagne. Depuis août, de nombreuses embarcations ont disparu, des centaines de personnes entre Dakhla, Laayoune, Tarfaya, Guelmim et Tan Tan sont toujours portées disparues. Leurs familles et leurs proches ne cessent de nous appeler pour avoir des nouvelles, espérant toujours un miracle comme celui qui s’est produit récemment lorsqu’un bateau a été retrouvé après cinq jours en mer. »
Cette déclaration de A., un militant d’Alarmphone à Laayoune, résume bien la situation sur la route Atlantique. Alors que relativement peu de bateaux sont partis vers les îles Canaries en juin, des dizaines de bateaux ont entamé leur voyage chaque semaine depuis août. Le décompte officiel est désormais de 16 827 arrivées (au 31 octobre), soit à peu près trois fois plus qu’à la même période en 2020.
GRAPHIQUE : Arrivées en 2021
Source : représentation personnelle, basée sur les données du HCR.
Nous portons le deuil de tous ces voyageurs et voyageuses que nous avons tenté d’accompagner à travers les jours et les nuits de cette fin d’été, et qui n’y sont pas parvenu.e.s. Nous pleurons les 23 personnes qui ont quitté Boujdour le 10/11 juillet, 19 personnes subsahariennes et quatre marocain.e.s, qui ont disparu sans laisser de traces. Un autre bateau avec des passagèr.e.s marocain.e.s et subsaharien.ne.s, 47 au total, a disparu après avoir quitté Dakhla le 28 juillet. Nous ne les oublierons pas. Nous pleurons les 54 personnes, dont 11 femmes et 3 enfants, qui ont quitté Laayoune les 3 et 4 août. Nous avons lancé des alertes à propos d’autres bateaux partis de Laayoune, qui ne sont jamais arrivés (par exemple, 53 personnes parties le 13 août, 58 personnes parties le 26 août). Aussi d’autres départs au sud-ouest du Maroc, depuis Tan Tan et Guelmim, (par exemple 42 personnes parties le 27 août). La liste, bien au-delà des cas suivis par AP, est beaucoup plus longue.
Parfois, les tragédies ont un aspect plus concret. Il y a eu plusieurs grands naufrages parmi les bateaux pour lesquels nous avons alerté les autorités. 11 personnes sont mortes fin août sur le trajet entre Tan Tan et les Canaries. Plus de 50 personnes ont péri (Héléna Maleno estime le nombre de mort.e.s à 57) dans un bateau parti de Dakhla le 24 septembre. Les deux autres grands naufrages de cette période ont fait 42 mort.e.s dans un bateau de 52 voyageur.euse.s, parti de Dakhla début août, et un bateau de 86 voyageur.se.s qui a sombré sans laisser de survivant.e.s début septembre. Par miracle, au cours de la deuxième semaine d’août, 32 des 46 personnes ont réussi à survivre pendant 14 jours à la dérive et 24 des 38 voyageur.euse.s ont survécu pendant 19 jours avant d’être secourues loin au sud de Gran Canaria.
Quelques-unes des personnes noyées dans le grand naufrage avec 86 voyageurs. Source : Capture d’écran des médias sociaux par AP Maroc
Concernant les départs plus au sud, les interceptions sont fréquentes en Mauritanie. Au Sénégal, il n’y a pas eu beaucoup d’interceptions récemment. 175 personnes ont été secourues après avoir été arnaquées et abandonnées sur une île par des agences de voyage. L’équipe locale d’Alarm Phone rapporte que les dernières grandes interceptions ont eu lieu à la fin du mois de juillet. Il semble y avoir moins de bateaux partant du Sénégal. Cela est dû en partie à la longueur du voyage et aux faibles chances de survie. De nombreux bateaux qui ont quitté le Sénégal ces derniers mois se sont égarés et ont fini en Mauritanie.
Criminalisation en mer
Au lieu de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher ces mort.e.s en mer, les agences d’État ont intensifié la répression et la criminalisation des voyageurs ainsi que des agents de voyage (“agent de voyage” est le terme utilisé par les personnes qui prennent la route pour désigner les personnes payées pour organiser les voyages). En tant qu’Alarmphone, nous soutenons pleinement la demande de plus de moyens de sauvetage, plus de personnel, plus de ressources financières et nous sommes donc solidaires des luttes de la CGT (Confederación General del Trabajo) Salvamento, le syndicat des travailleur.euse.s des organisations espagnoles de recherche et de sauvetage. Nous sommes furieux et furieuses que les États européens, l’UE et Frontex allouent des millions chaque année pour criminaliser, punir, déporter et torturer les personnes en déplacement au lieu d’équiper correctement les acteurs et actrices de la recherche et du sauvetage.
Ces derniers mois, l’Etat marocain a réussi à intercepter de plus en plus de voyageur.euse.s partant du Sahara Occidental ou du sud du Maroc. Plusieurs articles parus dans le journal marocain Yabiladi au cours des deuxième et troisième semaines d’octobre montrent que la région de Laayoune est particulièrement ciblée. Il y a parfois eu plusieurs interceptions par jour. Des centaines de voyageur.euse.s ont été arrêté.e.s. Plus au sud du Sahara occidental, à Dakhla, fin septembre, les autorités ont arrêté plusieurs membres d’un “réseau de trafic”. L’une des personnes arrêtées était un policier, mais comme les départs dans cette région dépendent beaucoup de la corruption, ce n’est pas une surprise.
Les membres d’AP Laayoune décrivent comment la criminalisation affecte les voyageur.euse.s :
« Lorsqu’un bateau est intercepté, la police prend les téléphones de différentes personnes. Ensuite, la police ou la gendarmerie arrête toujours trois à cinq personnes et les accuse d’avoir organisé le voyage – sans la moindre preuve. Elles sont conduites au procureur, un mandat d’arrêt est délivré, puis une enquête et enfin elles sont condamnées et emprisonnées. Lorsque les agents de voyage sont arrêtés, ils risquent des peines de prison de cinq à dix, voire jusqu’à vingt ans. Ces procédures sont totalement arbitraires, sans qu’aucun avocat [de la défense] ne soit présent. Parfois, les accusé.e.s signent un procès-verbal sans même en connaître le contenu, car il est rédigé en arabe. Officiellement, un.e traducteur.ice devrait être présent.e. Mais rien de tout cela n’est respecté. Les migrant.e.s ne bénéficient d’aucun droit. »
Par ailleurs, s’agissant de personnes subsahariennes en déplacement, les peines très élevées ne sont pas l’apanage des agents de voyage. Elles sont un outil général de répression. Par exemple, un jeune Ivoirien a été condamné à 15 ans de prison pour avoir menacé un agent de voyage guinéen après que ce dernier lui ait volé une somme d’argent. L’équipe locale d’Alarmphone met cette répression sévère sur le compte du changement récent du chef local des renseignements généraux. Un changement qui s’est traduit par la traque d’un nombre croissant d’agents de voyage subsahariens.
En Mauritanie, la situation est similaire, selon l’équipe locale d’Alarm Phone :
« Pour les passeurs, les peines de prison sont habituellement de six ans, cinq minimum. Mais comme la corruption est partout, il suffit aux passeurs de payer un pot-de-vin et ils sont expulsés vers leur pays d’origine au lieu d’être emprisonnés. Quand cela arrive à leurs client·es, iels aussi sont expulsé·es si le bateau est intercepté. Si vous voulez rendre visite à quelqu’un, vous devez avoir le même nom de famille que la personne en prison, c’est donc très difficile d’avoir des informations. »
L’état espagnol applique une stratégie similaire dans les Canaries. Les peines de prison sont très élevées dans les cas où des personnes sont mortes pendant le voyage (par exemple 17 ans de prison pour les personnes tenues responsables de la mort de cinq personnes dans un voyage en bateau en 2020).
La situation aux Canaries
Il est clair que les transferts sur le continent se sont accélérés. Ceci a diminué la « crise » de réception. À cause de la pandémie, les nouvelles personnes en situation irrégulière, à leur arrivée, sont placées en quarantaine obligatoire pendant 15 jours avant d’être accueillies dans des camps de réfugié·es. En mars 2021, il fallait prévoir d’attendre jusqu’à six mois la réponse du Ministère de l’Intérieur concernant votre voyage jusqu’au continent. En octobre 2021, ce temps d’attente s’est réduit à un mois en moyenne. Bien que cette diminution de cinq mois soit bienvenue, ce n’est pas grand-chose, comparé à la durée totale de la procédure que toute personne qui tente la route vers l’Europe.
Les personnes avec un passeport ou une demande d’asile en suspens ont le droit de gagner librement la péninsule espagnole. L’état espagnol a tenté de restreindre la mobilité des personnes en situation irrégulière, mais un tribunal des Canaries a statué qu’empêcher des personnes de circuler à l’intérieur des frontières de l’état espagnol était anticonstitutionnel. Malheureusement, une personne qui n’a pas de passeport ou qui n’a pas encore obtenu sa demande d’asile ne peut pas quitter les Canaries. Le temps nécessaire pour enregistrer une demande est variable sur l’île, mais les personnes témoignent que les démarches nécessaires peuvent prendre jusqu’à cinq mois.
En outre, un problème supplémentaire est le manque de conseil juridique indépendant pour celles et ceux qui ont décidé de quitter les camps. De nombreuses personnes, avec l’aide de la communauté exilée dans l’archipel, de proches, ou de locaux, ont déjà quitté les camps. Sans conseil juridique approprié, les procédures administratives pour quitter les îles peuvent être insurmontables pour les personnes concernées. Il y a souvent une barrière linguistique et souvent les personnes ont peur d’aller elles-mêmes dans les bureaux et d’affronter la bureaucratie.
Il n’y a pas de rapports sur des détentions arbitraires ou des déportations de personnes arrêtées dans les rues, mais c’est peut-être dû à la peur des personnes en situation irrégulière de circuler seules. En général, si elles sont dans ce cas, elles se déplacent en groupe pour diminuer les risques d’une rencontre avec la police. Cette situation est bien résumée par Mohammed (ce n’est pas son vrai prénom), de Guinée Conakry :
« La police marocaine m’a battu et maintenant j’ai des problèmes de cervicales. Certains ont eu de la chance et n’ont pas eu affaire à la police, mais nous en avons tous peur. Ils sont violents et le président les laisse faire ce qu’ils veulent, ici, au Maroc, en Guinée ».
Il y a aussi des rapports sur le racisme de la police. L’Observatoire qui soutient les migrant·es à Ténérife s’est élevé contre un incident de la sorte le 26 octobre. La police avait arrêté et interrogé un groupe de jeunes simplement parce que trois personnes noires sortaient avec deux personnes blanches.
Les camps de réfugié·es ont diminué tant en capacité d’accueil qu’en population, au fur et à mesure que les centres d’hébergement de longue durée et les équipements ont ouvert. Ces centres d’hébergement de longue durée sont censés mettre en application “El Plan Canarias”, qui a lui-même été conçu comme la réponse temporaire et rapide aux arrivées en 2020. Selon les autorités, les camps de réfugié·es étaient censés être des installations temporaires pour 2021. Ces nouveaux centres d’hébergement étaient la plupart du temps des entrepôts, des bâtiments, des maisons ou des appartements gérés par de grosses ONG. Ils sont souvent situés en villes ou dans des villages près d’aéroports. Leur capacité moyenne est de 100-150 personnes. Les témoignages des personnes accueillies dans ces infrastructures sont largement positifs. Ils génèrent moins de stress que les camps et ressemblent à peu près à des lieux de vie ordinaires. Cependant, la capacité d’accueil de ces infrastructures est limitée et n’augmente que très progressivement. Ce ne sont donc que les plus personnes les plus vulnérables qui ont la possibilité d’éviter les camps. Il serait souhaitable de poursuivre ce type de procédure et de pouvoir célébrer la fermeture des camps de réfugié·es d’ici à 2022. Néanmoins, nous ne pouvons oublier que tout ce système est anormal, aliénant et inhumain. Il n’est pas nécessaire de punir des personnes pour vouloir vivre en Europe. Pas plus qu’il n’est nécessaire d’avoir des camps de réfugié·es ou des centres d’hébergement de longue durée. Au contraire, toute personne, quelle que soit la couleur de sa peau ou le pays où elle est née, devrait être libre de travailler, d’aimer et de vivre là où elle le souhaite.
Moussa (ce n’est pas son vrai prénom), de Guinée-Conakry, qui est resté deux mois dans un camp, le formule bien :
« J’anticipais que l’arrivée sur un nouveau continent serait difficile, mais vous ne le réalisez pas jusqu’à ce que vous soyez là. J’ai été surpris par la longueur des quarantaines que j’ai dû faire, car dans le camp, nous sommes nombreux et chaque cas positif signifie que de nombreuses personnes doivent être en quarantaine. Ce que personne ne m’a dit, c’est que le voyage ne s’arrête pas quand vous arrivez sur le rivage. Le voyage en Afrique de l’ouest, à pied, en bus, en voiture, puis en bateau, est plus physique, plus dangereux. Quand je suis arrivé sur la côte espagnole, tout a changé, et maintenant je fais un voyage d’incertitude et de paperasse. Je ne crains plus pour ma vie, mais maintenant, mon combat est mental…. L’incertitude rend fou. »
Mais la répression provoque de la résistance. Alarm Phone n’est qu’un petit rouage dans un vaste réseau de projets et d’individus qui travaillent à démanteler la forteresse de l’Union européenne. Ishmaêl (ce n’est pas son vrai nom), un jeune homme du Sénégal, le formule bien :
« Je me sens protégé par les personnes qui m’ont aidé. Les institutions et les gouvernements se ressemblent, ils parlent, ils ne font rien. Ils nous ont criminalisé parce que nous faisons ce qu’eux-mêmes peuvent faire simplement, bouger […]. Je hais le racisme au Maroc et aussi en Espagne, mais il y a toujours des personnes qui sont bonnes, qui vous font vous sentir chez vous. Rencontrer de la gentillesse lorsque vous vous sentez complètement perdu, cela représente beaucoup […] J’ai une mère au Sénégal et maintenant j’ai une seconde mère aux Canaries, une femme merveilleuse qui m’a ouvert sa maison et son cœur. Je me sentais perdu, maintenant je me sens protégé.»
Sa «mamá española » (mère espagnole) ajoute :
« Certaines personnes apparaissent dans nos vies, pour certaines raisons. Et même si elles partent, elles seront toujours dans nos coeurs. Ismael est un jeune qui se bat, comme tant d’autres.»
1.2 Tanger, Ceuta, et le Détroit de Gibraltar
Il y a peu de tentatives de traverser le détroit de Gibraltar, en raison de l’important système de sécurité à la frontière et des nombreuses arrestations dans la ville de Tanger. Cependant, les membres d’Alarm Phone à Tanger signalent des cas fréquents de personnes condamnées à de longues peines pour avoir commis le « crime » de tenter la traversée. En outre, de nombreuses familles sont à la recherche de leurs filles et de leurs fils. Il est souvent difficile de savoir si les personnes disparues sont en prison ou décédées. J., de Tanger, raconte :
« Le 7 août 2021 nous avons reçu l’appel d’une famille nous racontant que leur fils avait disparu il y a deux ans et qu’iels venaient juste d’apprendre qu’il avait été condamné à une longue peine de prison à Fès ». Le militant d’Alarm Phone poursuit son explication : « Ce sont surtout des personnes accusées d’organiser des traversées en bateau qui sont détenues. »
La vie quotienne est un autre défi important pour les Sub-saharien·nes au nord du Maroc. Dans les quartiers de Rahrah, Boubana, Misnana, etc., les propriétaires qui louent des appartements à des personnes sub-sahariennes dénoncent aussi leurs locataires à la police locale, ce qui débouche sur des raids organisés par la police pour arrêter les habitant.e.s. « Ces mêmes propriétaires relouent ensuite les mêmes maisons à d’autres sub-saharien·nes et le scénario se répète ». Les personnes ne sont en sécurité ni chez elles, ni dans la rue. Par exemple, le 10 septembre, la police locale a arrêté deux femmes et cinq hommes – iels venaient juste de faire des achats – devant une boutique africaine. On ne sait pas ce qu’iels sont devenu·es.
Ces personnes harcelées sont également très préoccupées par le risque de contagion du Covid-19 car, en dépit de la pandémie, la police continue à remplir des bus pour expulser de grands nombres de personnes. « À Tanger, nous vivons une forte répression policière, malgré le Covid-19 et ses nouveaux variants, plus dangereux et mortels. Les autorités continuent à déplacer des personnes racisées vers le sud du pays », dit K., depuis Tanger. Par exemple, le 26 août, 15 hommes, une femme et son enfant ont été arrêté·es. La femme et l’enfant ont été relâchés avant le départ forcé du reste du groupe vers Marrakech, en bus.
Dans ce contexte, de moins en moins de convois quittent Tanger pour l’Espagne. Cette tendance a débuté avec la pandémie de covid, lorsque, en particulier dans les régions frontalières du nord du Maroc, les contrôles se sont intensifiés. En conséquence, la plupart des personnes qui souhaitent traverser pour atteindre l’Europe sont allées vers le sud du pays et vers le Sahara occidental. Il est plus facile de trouver une place dans un bateau depuis ces régions, mais les nombreuses tragédies sur la route Atlantique montrent aussi que la traversée y est beaucoup plus difficile.
Les membres d’AP restent engagés dans cette cause. « Nous pensons que développer la conscience de la sécurité et des risques en mer est essentiel pour la survie de nombreuses personnes qui envisagent le départ – que ce soit depuis Tanger ou depuis le Sahara occidental ». Mais les membres d’AP à Tanger sont épuisés.
« Pour les personnes racisées, la vie quotidienne à Tanger, à cause du Covid-19, est très difficile. Cela a pratiquement bloqué toutes nos activités et cela rend difficile d’entrer en lien avec les personnes sur le départ. »
L’un des principaux problèmes des personnes en situation irrégulière est la stratégie vaccinale du Royaume du Maroc. Il est toujours difficile, pour une personne en situation irrégulière et sans permis de séjour, de se faire vacciner. Non seulement cela augmente le risque d’attraper le Covid, mais cela empêche d’avoir un certificat de vaccination. À l’heure actuelle, ce certificat de vaccination est exigé dans presque toutes les grandes surfaces et pour les rendez-vous dans de nombreuses administrations. J., de Tanger, nous dit que
« dans une telle situation, de nombreuses personnes sont désespérées. Malgré les difficultés actuelles, l’équipe AP de Tanger prévoit de reprendre les activités de soutien aux personnes en détresse et d’éducation aux droits des personnes en mobilité ».
Début août, il y a eu une mort tragique à Tanger. Le 6 août, on a trouvé le corps d’un ressortissant sénégalais sur la plage de Tanger. Y., depuis Tanger, rapporte que « le 25 août 2021, nous avons enterré notre frère dans le cimetière Mujahidine de Tanger ». Même si les personnes sub-sahariennes en mobilité sont moins nombreuses à vivre ici qu’auparavant, les districts de Mesnana et de Boukhalef sont toujours largement occupés par ceux et celles qui restent dans la ville en attendant une possible traversée. K., de Tanger, est convaincu que malgré la forte répression, iels ne perdent pas l’espoir de réussir un jour leur Boza.
Alarm Phone a également été impliqué dans quelques cas aux environs de Ceuta, enclave espagnole à 70 kilomètres à l’est de Tanger. Le 18 juillet matin, Alarm Phone a été en contact avec un groupe de personnes qui avaient embarqué sur un bateau près de Ceuta. Elles ont été finalement interceptées par la Marine Royale.
Alarm Phone reçoit de nombreux appels d’ami·es et de parents qui cherchent leurs proches. Le 12 août, une famille au Maroc nous ont contacté car ils sont désespérement à la recherche d’un jeune proche. Il avait quitté Ceuta la nuit du 11 au 12 août pour aller en Espagne. Il était parti en kayak avec trois autres personnes, mais depuis sa famille ne réussissait pas à le joindre. Ni sa famille ni nous ne pouvions trouver des renseignements sur ce groupe. Nous ne savons pas si les parents ont pu retrouver leur fils.
Le 11 septembre, Alarm Phone a été informé qu’une personne tentait d’atteindre Ceuta à la nage. Au même moment, le nageur, ressortissant marocain, avait déjà été intercepté en mer par la Guardia Civil et avait été ramené au Maroc.
Fin septembre, il semble qu’une personne soit morte en tentant d’atteindre Ceuta à la nage. Nous avons été contacté.e.s par un proche le 21 septembre à propos d’une personne disparue. Il avait quitté Ksar al Sghir (une petite plage entre Tanger et le port de Tanger Med), le 20 septembre 2021 à 15h, heure locale. La météo était mauvaise. Pendant plusieurs jours nous avons essayé de découvrir ce qui lui était arrivé, sans succès. MRCC Rabat à qui nous nous sommes adressés était au courant de sa disparition, mais n’avait trouvé personne dans cette zone. Le 7 octobre 2021, nous avons appris la découverte d’un cadavre échoué sur le rivage de Ceuta. Ce corps pourrait être celui de la personne disparue en question.
L’équipe d’Alarm Phone à Tanger a signalé la mort à Rabat de Didier Makaula, 34 ans. Son cas est la démonstration brutale des conséquences de la criminalisation des personnes en mobilité par les autorités marocaines. Le 26 août 2021, Didier Makaula fut violemment interpellé par des agents des forces auxiliaires marocaines. Il avait à cette période besoin de soins médicaux. Très fiévreux, il devait se rendre à l’hopital Soussi de Rabat. Il présenta aux agents son dossier médical, qui soulignait l’urgence et la complexité de son état de santé, mais fut néanmoins mis en cellule. Malgré la détérioration de son état de santé et les requêtes faites pour demander sa libération, le 29 août, le jeune homme fut embarqué de force dans un bus avec d’autres personnes subsahariennes, et emmené à Agadir. Le lendemain soir, grâce à l’aide et à la mobilisation de camarades, Didier Makaula put prendre un bus pour Rabat, dans l’espoir d’aller enfin à l’hôpital. Malheureusement, cette solidarité ne suffit pas : Didier Makaula était en si mauvaise santé qu’il mourut dans le bus.
Nous manifestons notre soutien à sa communauté qui a exprimé sur Facebook combien elle était choquée et triste de cette nouvelle mort inutile :
« La communauté sub-saharienne du Maroc affronte une nouvelle tragédie, LA MORT BRUTALE DE DIDIER MAKAULA EST CHOQUANTE ET AFFLIGEANTE. Le jeune DIDIER MAKAULA vient de perdre la vie dans des circonstances incroyables.
C’est dans la confusion générale et en état de choc que la communauté sub-saharienne (les Africains, selon l’expression courante des personnes locales) s’est réveillée, ce dimanche 29 août 2021. Et pour une bonne raison. Elle venait de perdre un fils, un frère, un père, un ami…
La mort tragique et violente de DIDIER MAKAULA non seulement abasourdit la communauté « africaine », mais aussi, et surtout, elle révèle (à nouveau) les traitements inhumains et dégradants dont les « Africains » sont victimes lors de contrôles d’identité. DIDIER MAKAULA VENAIT D’AVOIR 34 ANS. »
1.3 Le nord-est du Maroc : de Nador à Oujda
Le nombre de traversées maritimes et de cas pour Alarm Phone est toujours peu élevé sur les routes de la région de Nador à l’Espagne continentale. Ces routes étaient autrefois très utilisées. Nous avons eu à traiter six cas dans cette région pendant la période concernée par ce rapport. Deux cas concernaient des voyageur.euse.s qui tentaient de traverser depuis Nador en jet-ski. Aucune tentative n’a abouti. Pour le premier cas, trois voyageurs furent en difficulté et furent finalement secourus par la Marine Royale. Pour le deuxième, un trio de voyageurs parti en jet-skis le 15 août, se retrouva également en difficulté mais réussit finalement à rentrer sain et sauf jusqu’à l’Algérie à la nage. Trois bateaux transportant des personnes de nationalité marocaine réussirent à atteindre l’Espagne. Deux personnes yéménites furent refoulées depuis la petite Ile du Congrès (archipel des iles Zafarine, voir ci-dessous).
La situation dans la région
De nombreux·ses voyageur·ses subsaharien·nes partent depuis Nador et les forêts proches, ou de Oujda et la frontière algérienne jusqu’à la ville de Berkane. Une fois là, iels continuent à vivre dans des conditions précaires. La vie dans les forêts est particulièrement dangereuse pour les femmes et les enfants. Les femmes signalent fréquemment à notre équipe locale d’AP avoir subi des violences sexuelles et des abus. Plusieurs femmes racontent également de multiples arrestations et des refoulements par la police marocaine. L’expérience commune est de passer plusieurs jours en cellule puis d’être relaché·e la nuit ou refoulé·e jusqu’à la tranchée à la frontière algéro-marocaine.
À Nador, les arrestations de voyageur·ses sub-saharien·nes sont toujours nombreuses. Selon notre équipe locale, les personnes arrêtées sont d’abord fouillées, puis leur identité est vérifiée. Elles sont ensuite emmenées au centre de détention d’Arekmane, ce qui est une nouvelle procédure : auparavant, elles étaient emmenées au commissariat central ou à la gendarmerie. Par cette nouvelle procédure, les autorités marocaines rendent impossible l’intervention de militant·es ou d’ONG. Des manifestations ou des représentations étaient possibles au commissariat, mais Arekmane est loin de tout. Nos membres locaux considèrent que c’est ce qui a motivé le changement de procédure.
Les témoignages des détenu·es auprès de l’AMDH de Nador évoquent des pratiques humiliantes de la part du personnel du centre de détention. Les détenu·es sont quelquefois réveillé·es vers 2h du matin. De l’eau est versée dans les pièces où dorment les détenu·es. Les cellules sont sales, les toilettes dégoûtantes. Les téléphones sont confisqués et tout contact avec l’extérieur est interdit.
Dans les forêts près de Nador, la situation est plus précaire que jamais, il est difficile de trouver de la nourriture et un abri, à cause des raids des forces marocaines, fréquents et violents. De nombreux.ses voyageur.euse.s se dirigent vers le sud, vers Laayoune ou Dakhla, d’où il est plus facile de tenter la traversée sur les routes du sud. Cependant, en juillet, nous avons aussi vu une série de traversées réussies dans la région de Nador. Elles ont eu lieu en franchissant les clôtures dangereuses pour pénétrer l’enclave espagnole de Melilla.
Boza aux clôtures
Le 12 juillet, environ 130 voyageur·ses sub-saharien·nes ont réussi à sauter par-dessus les clôtures à Barrio Chino. À peu près 80 autres personnes ont tenté la même chose, mais n’ont pas réussi à atteindre Melilla, et à peu près 20 d’entre elleux ont été arrêté·es par les forces marocaines. (Source : AP Berkane/ l’un·e des voyageur·ses arrêté·es).
Le 14 juillet, 80 voyageur·ses ont tenté de sauter par dessus les clôtures de Melilla, 25 d’entre elleux ont réussi (Source: AP Nador).
Le 22 juillet, 238 voyageur·ses sub-saharien·nes, dont de nombreux·ses Soudanais·es et Tchadien·nes, ont réussi à passer la clôture de Melilla.
Le 23 juillet, deux personnes de nationalité malienne, qui faisait partie du groupe du 22 juillet, ont réussi à atteindre Melilla dans la zone de Barrio Chino. Il y a eu une autre tentative plus au nord le même jour, et il semble que deux personnes de nationalité marocaine aient réussi (Source: AMDH Nador).
Le 25 juillet, 40 voyageur·ses sub-saharien·nes ont tenté de passer par-dessus la clôture à Barrio Chino. Sept d’entre elleux ont atteint l’enclave espagnole (Source: AP Nador).
Le 29 juillet, trois personnes sub-saharien·nes ont réussi à passer les clôtures de Melilla. Trois autres personnes se sont blessées lors de cette tentative et de 10 à 20 personnes ont été arrêtées (Source: AMDH Nador).
Le 17 août, près de 60 personnes sub-saharien·nes ont réussi à franchir les clôtures à Barrio Chino, Melilla, Espagne (Source: AP Nador).
Le 20 septembre, 125 personnes, pour la majeure partie des femmes et des enfants, ont sauté la clôture à Peñón de Vélez de Gomera. Iels ont tous été refoulé·es (Source: AP, voir ci-dessous).
Le 13 octobre, 10-20 personnes ont sauté par dessus les clôtures et environ dix autres personnes ont été arrêtées par les forces marocaines. Notre équipe locale Alarm Phone relate que deux personnes ont été tuées par les forces marocaines qui les a prises en chasse en voiture.
Mis à part ces passages répertoriés, de temps en temps, les autorités et les médias évoquent des tentatives infructueuses. Ces rapports ne peuvent être confirmés ni par nos membres ni par l’AMDH de Nador, malgré une attention constante portée sur ce qu’il se passe à la frontière. Les autorités assurent que le 20 août il y a eu un saut collectif de 300 voyageur·ses. Nous n’en avons pas de preuve et l’AMDH de Nador a qualifié de mensonge ce communiqué de presse. Selon eux,
« Ce n’est pas la première fois qu’AMDH Nador constate ce type de déclaration mensongères qui ont un seul objectif: faire croire à tout le monde que la pression migratoire sur Melilla est toujours là et se renforce malgré que toutes les statistiques montrent une nette diminution des bozas pendant les deux dernières années. »
À nouveau, le 1er octobre, El Faro de Melilla a publié un article affirmant qu’un saut massif de 700 personnes au-dessus de la clôture avait échoué. Cette information n’a pas non plus pu être confirmée par nos contacts, ni par AMDH Nador. « De temps à autre, les autorités marocaines et espagnoles s’activent la nuit avec des véhicules et l’hélicoptère contre des migrant.e.s qui sont loin très loin de la barrière », déclare l’organisation pour les Droits Humains.
Déportations à chaud
Dans la nuit du 27 juillet, quatre jeunes harraga marocains ont tenté de rejoindre Melilla par le nord de la ville (Barranco del Quemadero), trois d’entre eux en escaladant les clôtures et un en nageant. Ils ont été repérés et arrêtés par la Guardia Civil espagnole et ont été déportés directement par une porte dans la clôture. Les forces marocaines les attendaient et les ont arrêtés. L’un d’entre eux a témoigné à l’AMDH de Nador du traitement qu’il a subi:
« Vers 7h30, le matin du 28 juillet, nous avons sauté la barrière et nous sommes entrés dans Melilla. Immédiatement, nous avons été arrêtés par la Guardia Civil qui nous a attaché les mains et nous a reconduit vers une porte de la barrière située à Taourirt, au nord de Mari Ouari. Nous avons été reçus par deux membres des forces auxiliaires [marocaines] qui nous ont remis à trois membres des FAR [Forces armées royales] qui nous ont conduits, les mains liées, à un poste de contrôle à Taourirt. À ce poste de contrôle, les mains liées, nous avons été torturés pendant 20 minutes par deux de ces soldats avec leurs ceintures et leurs pieds, ce qui nous a causé de graves blessures. Ensuite, nous avons été livrés aux gendarmes de Beni Chiker qui ont fini par nous libérer […] »
Deux des harraga étaient mineurs, et tous auraient dû avoir le droit de demander l’asile en Espagne, même si la Cour Européenne des droits de l’homme (CEDH) a approuvé ces “déportation à chaud” à la frontière et les considère comme une action légale des forces et corps de sécurité de l’État pour «sauvegarder l’intégrité territoriale et la protection des frontières espagnoles contre les tentatives d’entrée irrégulière. »
Le 18 septembre, Alarm Phone a été informé de l’arrivée de deux ressortissants yéménites à 7 heures du matin aux îles Chafarinas (Isla del Congreso). Malgré notre intervention immédiate et notre contact avec les autorités, ils ont finalement été refoulés sans aucune chance de demander l’asile. L’AMDH de Nador a suivi l’affaire. L’un des voyageurs a témoigné auprès de l’AMDH :
« Nous étions mal traités par la Guardia Civil aux îles Chafarines, qui a refusé de nous traiter comme des demandeurs d’asile. Lorsque j’ai pu avoir un avocat espagnol au téléphone qui a voulu expliquer ma situation aux membres de la Guardia Civil, ils ont refusé et ont confisqué mon téléphone. Vers 10h30 on nous a embarqué vers la Marine Marocaine en mer […].»
La Guardia Civil espagnole considère que, selon le droit maritime international, les personnes qui arrivent après avoir été en détresse en mer sur une île inhabitée et isolée doivent être considérées comme des naufragés. Par conséquent, elle estime que la responsabilité du “sauvetage” incombe à l’autorité compétente en matière de recherche et de sauvetage (SAR), en l’occurrence les autorités marocaines. Le Médiateur espagnol ne partage pas cette interprétation. “Une fois de plus, l’argument pour justifier ce type d’actions se concentre sur la lutte contre les mafias et la prévention du soi-disant effet d’attraction”, avertit l’institution espagnole. Le Médiateur considère que la rapidité des secours doit primer sur d’autres facteurs, car souvent les voyageur.euse.s échoué.e.s sur les îlots sont dans un état de santé critique. Néanmoins, l’institution soutient que le droit de demander l’asile en Espagne devrait être respecté.
Le 20 septembre, Alarm Phone a été impliqué dans le cas d’un refoulement de 125 personnes, dont une majorité de femmes et d’enfants, qui avaient marché de Nador vers l’enclave de Peñón de Vélez de Gomera. Certaines personnes avaient des problèmes de santé ou étaient enceintes et étaient donc particulièrement menacées par le manque de nourriture et d’eau sous des températures très élevées. Certaines personnes ont été blessées après avoir sauté la clôture. Alarm Phone a tenté d’intervenir auprès des autorités de Melilla. Ces mêmes autorités les ont simplement renvoyées au Maroc alors qu’iels avaient tou.te.s demandé la protection internationale une fois sur le territoire espagnol. Cette affaire illustre une fois de plus les violations manifestes et quotidiennes des droits humains qui se produisent aux frontières de la forteresse européenne.
Tweet “Quiero pedir asilo”. Source: Capture d’écran des médias sociaux par AP Maroc
Criminalisation
De nombreux voyageurs subsahariens ont été arrêtés à Nador et dans ses environs et poursuivis en tant que personnes clés dans la facilitation des voyages vers l’Europe depuis cette région. Nos contacts locaux rapportent qu’actuellement plus de cinq des contacts connus localement pour l’organisation de traversées maritimes sont en prison. D’autres sont simplement des voyageur.euses.s elleux-mêmes et ont été ciblé.e.s sans raison, attrapé.e.s, jugé.e.s dans des procès douteux et condamné.e.s à de longues peines de prison. La principale motivation semble être de gonfler artificiellement les chiffres des “passeurs” arrêtés pour donner l’impression que l’État marocain réussit à démanteler les réseaux de trafic. Depuis octobre 2018, les autorités ont commencé à condamner des personnes à dix ans de prison. Avant cela, selon nos camarades locaux, les peines étaient de trois à six mois maximum.
L’AMDH Nador a suivi plusieurs cas de migrant.e.s poursuivi.e.s par le tribunal de Nador. Omar Naji (AMDH Nador) rapporte :
« Depuis 2018, 12 cas ont été condamnés à 10 ans de prison ferme. Onze sont actuellement à la prison de Selouane à Nador. Une personne a été transférée récemment à la prison de Rabat. Onze de ces migrant.e.s subsaharien.ne.s ont été arrêté.e.s en mer et soupçonné.e.s d’être les chauffeurs des embarcations. Le douzième a été arrêté à la barrière entre Melilla et Béni Ensar et malgré ça on lui a collé d’être trafiquant et condamné à 10 ans. Des peines très lourdes issus de procès inequitables au cours desquels AMDH Nador a relevé plusieurs violations: procès verbaux réalisés en arabe, absence du traducteur et d’avocat pendant des séances de procès…»
Les condamné.e.s sont des ressortissante.s du Sénégal, du Mali, du Burkina Faso, de la Guinée, de la Sierra Leone et de la Mauritanie. Notre camarade local B. connaît l’un des prisonniers :
« L’un des poursuivis est P., un ressortissant guinéen. Il était arrivé au Maroc en septembre 2018 et a débarqué en octobre 2018 à Al-Hoceima, sur un bateau transportant 60 passagers au total. Le bateau a coulé et seules 30 personnes ont survécu, secourues par des pêcheurs locaux. Aboubacar Sidiki Camara s’est réveillé à l’hôpital et a ensuite été condamné comme organisateur du bateau. Il avait 15 ans au moment de son arrestation.»
AMDH Nador a envoyé des lettres aux ambassadeurs du Sénégal, du Mali, du Burkina Faso, de la Guinée, de la Sierra Leone et de la Mauritanie à Rabat pour attirer l’attention sur ces cas. Ils ont demandé aux autorités d’intervenir en rendant visite aux détenu.e.s pour comprendre la terrible situation dans laquelle iels se trouvent et de prendre ensuite les mesures légales qu’ils jugent nécessaires. On pourrait s’attendre à ce que les gouvernements nationaux concernés apportent leur aide en déposant un recours et/ou en prenant des mesures pour rapatrier leurs propres ressortissant.e.s.
Lettre à l’ambassadeur de Sierra Leone, envoyée par l’AMDH Nador. Source : AMDH Nador
Des ressortissant.e.s marocain.e.s sont également arrêté.e.s et poursuivi.e.s pour avoir facilité le trafic. Le 3 août, par exemple, 42 ressortissant.e.s marocain.e.s ont été intercepté.e.s alors qu’iels tentaient de débarquer aux alentours de Kariat Arekmane. Leur embarcation et leur essence ont été saisies par les forces marocaines. Trois voyageurs ont été arrêtés comme membres supposés d’un réseau de trafic organisé. Un membre des Forces Auxiliaires marocaines, qui transportait une importante somme d’argent, a également été arrêté, soupçonné d’être impliqué dans l’organisation de la tentative.
Depuis le mois d’août, de plus en plus de voyageur.euse.s en provenance du Soudan et du Sud-Soudan séjournent à Oujda. Certaines de ces personnes ont fui directement la Libye, d’autres le Soudan lui même et d’autres encore ont été amenées à Oujda aprés avoir tenté de franchir la frontière de l’UE. La situation sur place est extrêmement précaire. Parfois, près de 400 personnes doivent dormir dans la rue et mendier de la nourriture.
De brutales et répétées attaques de la police ont eu lieu. Il a été signalé que le 1er September, un café où des personnes originaires du Soudan étaient rassemblées a été attaqué. L’équipement du café a été endommagé et les client.e.s soudanais.es ont été arrêtés. En outre, des arrestations ont eu lieu après une visite à une association qui est le contact local du HCR. Pour couronner le tout, l’association est réputée pour son peu d’utilité pratique. Les gens dorment ensemble dans des lieux publics et le 4 September vers 21h, selon l’AMDH de Nador, les personnes hébergées dans un dortoir ont été attaquées par la police.
Selon des sources locales, des groupes de personnes ont disparu à plusieurs reprises et personne ne sait où elles se trouvent. Des personnes de ces groupes apparaîtraient plus tard à Berkane, une ville située à environ 60 km, ou dans d’autres localités éloignées.
Des refoulements vers la zone frontalière avec l’Algérie continuent d’avoir lieu. Récemment, un groupe de personnes, dont certaines avaient déjà demandé l’asile, a été emmené par la police dans la zone désertique. Une personne concernée a rapporté que, quelques heures plus tard, un chauffeur de voiture a proposé de ramener le groupe à Oujda en échange du paiement de 100 euros. On soupçonne que cette personne avait été informée à l’avance par la police du refoulement. Le ciblage arbitraire de voyageur.euse.s à qui se voient refuser tout droit à une vie digne se poursuit.
1.4 Algérie
Note : En Algérie, il n’y a pas d’équipes et de militants d’Alarm Phone, seulement des contacts et des amis d’amis, donc les informations de cette section sont basées sur un petit réseau local et des articles de presse fiables.
Situation générale de criminalisation des Algériens et situation en mer
Depuis le soulèvement du Hirak, les militant.e.s algérien.ne.s et celleux qui se sont soulevés lors du mouvement social de 2019-2020 ont été fortement ciblé.e.s par la répression et la surveillance du régime. La répression n’a pas faibli. Des peines très lourdes ont été prononcées lors de procès en octobre . Cette répression, combinée à la désillusion suite à l’échec du Hirak, a poussé un grand nombre de jeunes et de personnes âgées, hommes, femmes et familles, à s’exiler. Ce phénomène a été accentué par la pandémie de Covid-19. Selon les chiffres publiés par le ministère algérien de la defénse 4 704 harragas ont été interceptés depuis le début de l’année 2021, dont plus de la moitié durant le mois de septembre. On sait que les femmes, les personnes âgées et les enfants sont de plus en plus nombreux à prendre la mer (voir ce reportage vidéo “immigration clandestine : plus de 15 000 Algérien arrivés en Espagne en 2021.“)
2021 a été une année particulièrement meurtrière sur cette route. Près de 500 personnes sont mortes en tentant de rejoindre l’Espagne. Parmi elles, les quatres personnes mentionnées dans cet article. Leurs corps ont été retrouvés par les garde-côtes algériens le 17 octobre, après que leur bateau a chaviré au large des côtes d’Alger. Nous sommes de tout cœur avec les personnes décédées et leurs familles.
Heureusement, de nombreuses personnes parviennent à exercer leur droit de traverser la frontière. Selon les chiffres du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), entre le 1er janvier et le 6 septembre, un peu plus de 6 000 personnes sont arrivées en Espagne en provenance d’Algérie par des moyens irréguliers.
Capture d’écran du tweet. Source: Majorca Daily on Twitter
« Le week-end du 18 septembre, 1 500 migrants algériens ont pu débarquer sur les plages espagnoles à bord de 80 embarcations. Mais quatre bateaux ont coulé près de la côte, tuant 50 migrants, tandis que d’autres sont toujours portés disparus. Les bateaux venaient d’Oran, de Boumerdès et même d’Alger. A bord, il y avait des femmes et des enfants.» (Source: francetvinfo.fr)
Du côté de l’Europe : contrôles, détentions et déportations orchestrées par l’Espagne et la France
L’Espagne, confrontée au nombre d’arrivées importantes de bateaux en provenance d’Algérie, a adopté une politique de détention et de répression contre les “réseaux de passage” existant entre son territoire et les rives algériennes. Pour cela, l’Espagne a mis en place des brigades spécialisées et a augmenté le nombre d’opérations d’arrestations de personnes identifiées comme passeurs. En effet, le modus operandi des traversées depuis l’Algérie a changé. Bien que de nombreux harragas continuent d’investir financièrement dans l’achat et la réparation d’embarcations ordinaires pour tenter la traversée, ils sont de plus en plus nombreux, d’après cet article de l’agence de presse Anadolu, à verser la somme de 4500 euros pour effectuer la traversée en moins de trois heures. Ces voyages ont pour point de départ l’ouest de l’Algérie.
A l’arrivée, les autorités espagnoles mènent une politique de détention et de déportation. Cet effort est soutenu à contrecœur par les autorités algériennes qui n’ont pas d’autres choix que de rapatrier leurs nombreux.ses ressortissant.e.s que l’Europe ne veut pas accueillir. Des articles et des témoignages montrent qu’une proportion significative d’Algérien.ne.s intercepté.e.s au large des côtes espagnoles sont placé.e.s en centre de rétention pour de longues périodes puis ensuite déporté.e.s dans le cadre d’opérations à grande échelle, comme ce fut le cas le 21 août, dans un ferry à destination de Ghazaouet.
A la mi-août, des mesures d’arrangement sécuritaire exceptionnelles ont été mises en place pour assurer la détention d’un nombre important de personnes interceptées par les garde-côtes espagnols au large des îles Baléares. A bord des bateaux, les placements en garde à vue sont devenus habituels, et ceux qui sont identifiés comme les conducteurs des bateaux sont particulièrement ciblés par la détention. Tous les passager.e.s, en revanche, risquent la déportation vers l’Algérie. Nous doutons fortement du fait que le droit à demander l’asile soit accordé à un moment ou à un autre de ces simili-procédures légales qui précèdent la déportation.
En France, l’inflation des traversées au départ des frontières sud-ouest a eu pour effet l’accroissement des contrôles policiers depuis cet été. En septembre, huit algériens ont été arrêtés et accusés de transport de personnes entre l’Espagne et la France. Dans un contexte marqué par la campagne pour les élections présidentielles de 2022, le gouvernement français travaille à la sécurisation de ses frontières et se targue des réussites de sa politique de déportation, ce qui génère des tensions côté algérien.
Mais par-dessus tout, cette politique de contrôle et de criminalisation des personnes en mobilité a de graves conséquences. Récemment, trois personnes ont été écrasées par un train au Pays Basque français. Ces personnes, trois jeunes Algériens, avaient trouvé refuge sur les voies ferrées pour se reposer et échapper aux contrôles policiers nombreux et agressifs dans la région.
Du côté de l’Algérie : une répression contre-productive
« La gendarmerie algérienne a parlé d’enquête ! Une enquête sur quoi au juste ? Les raisons de leur désespoir ? Leur détresse socio-économique dans un pays si riche de potentialités, mais incapable de leur fournir la moindre lueur d’espoir d’une vie meilleure ? Non, une enquête sur leur tentative de quitter illégalement le pays.»
Extrait de l’article: «En un mois, deux enfants morts lors d’une tentative de Harga : les raisons de l’impuissance de l’Algérie face au désespoir des Harragas»
Comme le montre ici l’ironie de ce.tte journaliste algérien.ne, la pénalisation de la harga qui accompagne l’exil massif d’Algérien.nes (hommes, femmes, enfants et personnes âgées) depuis 2019 est absurde. De nombreux témoignages et articles corroborent le fait que la criminalisation n’a pas d’incidences sur le nombre de départs. Peut-être même qu’elle encourage les Algérien.ne.s à partir, puisque les procès et les condamnations sont perçues comme des preuves supplémentaires de l’injustice qui prévaut dans le pays.
« Cette bêtise du régime algérien démontre enfin qu’il ne veut guère trouver de véritables solutions au mal qui ronge la société algérienne. Il se contente de jouer son éternel rôle : répression et hogra…»
“Hogra” est une notion inscrite dans l’expérience algérienne du colonialisme français. Elle décrit l’humiliation, la négligence et l’oppression infligée à une population par les puissants et leurs institutions.
Le regain de départs s’accompagne depuis 2019 de mesures répressives des autorités algériennes, et de politiques visant à freiner le phénomène. Il y a légifération sur la migration irrégulière. Tandis que la loi 08/11 se concentre sur la pénalisation des entrées irrégulières sur le territoire national, une loi votée en 2009 punit le fait de le quitter sans papiers et en dehors des postes-frontières officiels. Le délit de “sortie illégal du territoire” expose les ressortissant.e.s algérien.ne.s à une peine allant de deux à six mois de prison et une amende de 20 000 à 60 000 DA.
D’après Fouad Houssam, activiste local,
« actuellement, le migrant qui tente de quitter le pays clandestinement, une fois arrêté est juste condamné par sursis. Sauf pour le passeur, s’il est identifié. Malgré la virulence du phénomène des harragas ces derniers mois et leur lot de drame en mer, la justice algérienne n’a pas changé de réaction envers ce délit.»
Confrontées à la pression européenne, les autorités algériennes se sont mises à ébruiter ces arrestations parmi celles et ceux qui pourraient vouloir émigrer. Ainsi, l’arrestation et le procès de jeunes gens qui essayèrent de prendre la mer depuis Bejaia, en Kabylie, eurent lieu en août dernier.
Du fait de l’accroissement des opérations de répression et d’interception en mer, les stratégies des exilé.es ont changé. D’après Fouad Houssam, on constate aujourd’hui un nombre important de départ depuis la ville d’Alger, ce qui est plutôt nouveau. Si le trajet depuis la capitale est plus long et plus dangereux, il évite néanmoins le risque d’interception par la Marine algérienne. En effet, ces derniers mois, l’Alarm Phone a été informé de plusieurs départs de bateaux depuis Alger (7 août, 18 septembre, 1er octobre, 8 octobre et 17 octobre). Sur la côte ouest, qui reste la zone de départ la plus fréquentée par les harragas, ces dernier.e.s trouvent de nouvelles tactiques pour éviter d’être repéré.e.s par la Marine algérienne.
Il faut faire remarquer que les bateaux partant d’Algérie ne transportent pas uniquement des ressortissant.e.s algérien.ne.s. En fait, de plus en plus de “convois mixtes” composés de Marocain.e.s et d’Algérien.ne.s partent d’Oran, de Mostaganem et de Tlemcen, car le voyage y est moins cher. H., militant pour les droits des migrant.e.s basé à Oujda, signale que la criminalisation des Marocain.e.s en Algérie est un problème inquiétant. En septembre, un groupe de Marocain.e.s a été intercepté par la Marine algérienne, poursuivi en justice avant d’être condamné à des peines allant de six mois à deux ans de prison. Des ressortissant.es d’autres pays (des Syrien.nes et des Subsaharien.nes) occupent ces bateaux partis des côtes algériennes. Nous manquons néamoins d’informations et de témoignages sur ce qu’il advient d’elleux après leur interception.
Toujours d’après F. Houssam, “la réaction algérienne sur le phénomène migratoire reste ambiguë” :
« Sur les réseaux sociaux le phénomène fait le buzz, avec des vidéos prises en pleine mer, où les Harragas lancent des messages de révolte envers le système algérien, dénonçant l’injustice, les inégalités et les difficultés de la vie. Les vidéos montrant les jeunes plein de joie à l’approche des côtes espagnoles, font oublier et voir même, elles font fi des centaines des disparitions en mer. Et justement ce sont ces vidéos postées sur les réseaux sociaux qui alimentent le désir de nombreuses personnes de classes sociales différentes à migrer par ces routes migratoires incertaines.»
La répression de personnes subsahariennes
Comme nous l’avons documenté à plusieurs reprises dans de précédents rapports, grâce au travail essentiel de nos camarades d’Alarm Phone Sahara, nous savons que l’Algérie pratique depuis bientôt 20 ans une politique de traque, de détention et de déportation en masse de migrant.es subsaharien.nes vers le Niger. Selon les Nations unies, le pays – qui ne dispose pas de législation en matière d’asile malgré son attachement à la Convention de Genève sur le statut des réfugiés – a, depuis 2014, renvoyé des dizaines de milliers de migrants en situation irrégulière de l’autre côté de sa frontière.
Voici la liste des déportations documentées par Alarm Phone Sahara depuis août dernier :
Au moins 1711 personnes expulsées les 3, 25 et 27 août 2021.
29 septembre et 1er octobre 2021: 2169 personnes expulsées d’Algérie vers le Niger en deux grands convois d’expulsion.
1er octobre: 1275 personnes expulsées d’Algérie vers le Niger dans un grand convoi officiel d’expulsion.
9 et 11 octobre: 1092 personnes expulsées d’Algérie vers le Niger.
2 Naufrages et personnes disparues
Le 1er juillet 2021 onze personnes noyées au large de Cherchell, Tipaza, Algerie.
Le 3 juillet, un cadavre est découvert en mer à 16 kilomètre de Valence, Espagne.
Le 3 juillet, un cadavre est découvert sur la plage de Bousfer, Algérie.
Le 3 juillet, 12 personnes sont déclarées disparues dans la mer d’Alboran au large d’Al Hoceïma, Maroc.
Le 5 juillet, deux cadavres sont trouvés le long de la côte de Cherchell, Algérie.
Le 6 juillet, un cadavre est échoué sur la plage El Hamdania, Cherchell, Algerie.
Le 11 juillet, un bateau est trouvé par la Marine marocaine. Il avait quitté Boudjour, Sahara occidental, avec 77 personnes à bord. Au moins un cadavre a été retrouvé. Un autre bateau avec 23 personnes à bord, allant en direction des Canaries, est toujours porté disparu.
Le 13 juillet, 16 personnes sont mortes dans un naufrage sur la route de l’Atlantique. Le bateau avait quitté Boujdour, Sahara occidental, avec environ 30 personnes à bord.
Le 14 juillet, une personne meurt et 32 survivent, à 5 kilomètres au large d’Aguineguin, Grandes Canaries, Espagne.
Le 21 juillet, un cadavre est découvert près de la plage d’Almadraba, Ceuta, Espagne.
Le 23 juillet, un cadavre est découvert en mer près de la plage de Chorillo, Ceuta, Espagne.
Le 24 juillet, un cadavre est découvert sur la plage San Amaro, Ceuta, Espagne.
Le 27 juillet, un cadavre est découvert dans un kayak sur la côte de Mostaganem, Algérie.
Le 1er août, deux cadavres sont récupérés en mer, à 3 kilomètres au large de la côte de Cherchell, Algérie.
Le 4 août, au moins trois personnes meurent dans un naufrage près de la côte de Laayoune, Sahara occidental.
Le 5 août, 42 personnes sont portées disparues à la suite d’un naufrage au large de N’Tireft, Dakhla, Sahara occidental, et du sauvetage de 10 personnes par des pêcheurs. Le 6 août, les cadavres de 42 personnes sont découverts au nord de Dakhla.
Le 6 août, un cadavre est découvert au large de Cherchell, Algérie.
Le 9 août, 18 personnes meurent dans un naufrage au large de Tarfaya, Maroc.
Le 10 août, 14 personnes meurent à bord d’un bateau à la dérive depuis 14 jours. Le bateau était parti le 28 juillet de Dakhla, avec 46 personnes à son bord, et a été secouru par un navire marchand à environ 650 kilomètres au sud des Iles Canaries.
Le 10 août, Abdelfattah Charkaoui meurt en tentant d’atteindre Melila à la nage.
Le 12 août, un bateau qui avait quitté Dakhla le 28 juillet avec environ 47 personnes à bord est secouru par un navire marchand à 650 kilomètres des Canaries. Malheureusement, le sauvetage est arrivé trop tard pour 13 personnes.
Le 12 août, un cadavre est découvert dans un bateau de pêche à trois miles nautiques (5,5 kilomètres) du port de Cherchell, Algérie.
Le 13 août, 10 personnes sont portées disparues et six personnes survivent au naufrage d’un canot au large de Boumerdès, Algérie.
Le 13 août, un bateau chavire au large de Mostaganem, Algérie, et trois personnes sont portées disparues.
Le 17 août, 47 personnes meurent sur la route de l’Atlantique. Alarm Phone a été alertée pour un bateau avec 54 personnes à bord qui était parti de Laayoune le 3 août. Deux semaines plus tard, le bateau est retrouvé au large de Nouadhibou en Mauritanie, à 700 km du lieu de départ. Seules sept personnes ont survécu.
Le 20 août, 52 personnes meurent. Alarm Phone avait été alertée pour un bateau qui transportait 53 personnes avant de faire naufrage. Une seule personne a survécu. Toutes les autres se sont noyées après six jours en mer et à 250 km des îles Canaries.
Le 22 août, un bateau avec 65 survivants est retrouvé à 65 km au large de Fuerteventura, îles Canaries, Espagne, au moins une personne est toujours portée disparue.
Le 22 août, 12 personnes sont portées disparues après le naufrage d’un bateau dans un endroit non spécifié au large de Cherchell, en Algérie. Cinq personnes ont survécu.
Le 22 août, les restes de deux personnes – Abdul Haq Walad Qweil et Abdel Nour – sont repêchés en mer au large des côtes de Cherchell, en Algérie.
Le 25 août, dix ou onze personnes sont portées disparues après que leur bateau a coulé à 12 km à l’est de Lanzarote, dans les îles Canaries (Espagne).
Le 25 août, trois corps sont récupérés à cinq miles au large de Lanzarote, îles Canaries, Espagne.
Le 25 août, un corps est retrouvé sur la plage de Bahía Sur de Ceuta, Espagne.
Le 25 août, un corps est rejeté sur la plage d’Almina, Fnideq, Maroc.
Le 27 août, deux corps sont retrouvés. L’un sur la plage de Riffiine, Fnideq, Maroc et l’autre sur une plage de Ceuta.
Le 27 août, un bateau est retrouvé à 500 km au sud-ouest d’El Hierro, dans les îles Canaries, en Espagne. 55 personnes étaient parties de Dakhla, au Sahara occidental, 12 jours plus tôt et 29 personnes (dont de nombreux enfants) ont perdu la vie pendant le voyage. Une autre femme, qui était enceinte, meurt à son arrivée dans le port d’Arguineguín.
Le 27 août, au moins 43 personnes sont portées disparues après le naufrage au nord du Sénégal d’un bateau qui se rendait aux îles Canaries. Seules 15 personnes ont été sauvées.
Le 27 août, un corps est retrouvé à un mille de la côte de Ceuta, en Espagne.
Le 27 août, un bateau avec 31 personnes est intercepté et amené à Gran Canaria. Cinq personnes qui étaient à bord sont déclarées mortes.
Le 28 août, 18 personnes sont portées disparues après le naufrage d’un bateau. Le bateau était parti huit jours plus tôt d’Agadir, au Maroc.
Le 30 août, un corps est retrouvé sur la plage El Hamdania 2, à Cherchell, en Algérie.
Le 31 août, 11 personnes sont déclarées mortes après qu’un bateau avec 42 personnes parti de Tan-Tan a été retrouvé à 10 miles au large de Fuerteventura, îles Canaries.
Le 31 août, 36 corps sont retrouvés sur la plage de Bir Kunduz, au Sahara occidental, après le naufrage d’un bateau transportant 86 personnes en route pour les îles Canaries. 22 corps sont retrouvés à bord.
Le 2 septembre, une personne meurt en essayant de passer une digue à la nage, à Tarajal, à Ceuta, en Espagne.
Le 2 septembre, un corps est retrouvé dans la zone rocheuse de Fontita, à Arzew, en Algérie.
Le 12 septembre, deux bateaux partent de Boujdour. Seul l’un d’entre eux arrive sur les îles Canaries. Le second, qui transportait 28 personnes, a disparu en mer. (source: Alarm Phone)
Le 13 septembre, une personne meurt et une autre est blessée après être tombé d’une falaise sur la côte de Carboneras, à Almería, en Espagne. Elles avaient atteint la falaise à bord d’un pneumatique.
Le 17 septembre, un bateau transportant 15 personnes chavire au large de Boumerdes, en Algérie. Une personne est retrouvée morte. Treize personnes disparaissent. Seule une personne a survécu.
Le 19 septembre, un corps est rejeté sur le rivage de la Playa de los muertos, à Almería, en Espagne.
Le 20 septembre, un corps est retrouvé à Garrucha, près d’Almería, en Espagne.
Le 20 septembre, deux corps sont retrouvés à Puerto del Rey, près d’Almería, en Espagne.
Le 21 septembre, un corps est retrouvé à Playa el Algarrobico, près d’Almería, en Espagne.
Le 21 septembre, un corps est retrouvé à Playa Indalo, Mojácar, près d’Almería, en Espagne.
Le 21 septembre, un corps est retrouvé à Playa Mácenas, Mojácar, près d’Almería, en Espagne.
Le 21 septembre, un corps est retrouvé à Playa del Lacón, près d’Almería, en Espagne.
Le 22 septembre, un corps est retrouvé sur la côte de Melilla en Espagne.
Le 27 septembre, une manifestation est organisée en hommage à neuf personnes retrouvées mortes et en faveur d’une “Méditerranée unie, sans autres morts”.
Le 30 septembre, 57 personnes (28 femmes, 17 hommes, 12 enfants) meurent lors du naufrage d’un bateau qui se dirigerait vers les îles Canaries. Leurs dépouilles sont retrouvées à 25 kilomètres au Nord de Dakhla, au Sahara occidental.
Le 4 octobre, trois personnes disparaissent après un naufrage au large des côtes de Cabrera (près de Majorque), en Espagne.
Le 5 octobre, un corps est retrouvé sur la plage de Kheira, au nord-ouest de Dakhla, au Sahara occidental.
Le 6 octobre, deux corps sont rejetés sur la rive, près de Taourta, au Sahara occidental.
Le 6 octobre, un corps est retrouvé au large de la côte de Cabrera, à Majorque, en Espagne.
Le 7 octobre, un autre corps est retrouvé à Cala Figuera, à Majorque, en Espagne.
Le 7 octobre, un troisième corps est retrouvé au large des côtes de Cap Blanc, à Majorque, en Espagne.
Le 9 octobre, 10 personnes meurent dans l’océan Atlantique après avoir dérivé pendant 19 jours. 24 survivant.es sont secouru.es par un navire marchand, à 155 kilomètres de Gran Canaria.
Le 14 octobre, quatre personnes au moins meurent, trois sont secourues et 21 sont toujours disparues, après un naufrage à 59 kilomètres à l’ouest de Cabo de Trafalgar, à Cadiz, en Espagne. Le 18 octobre, 10 corps seront retrouvés à différents endroits près des côtes de Trafalgar, en Espagne.
Le 14 octobre, une femme donne naissance à deux jumeux, l’un d’entre eux meurt peu avant le sauvetage, au sud de Gran Canaria, aux îles Canaries, en Espagne.
Le 15 octobre, la marine marocaine intercepte un bateau parti de Markajmar, Hoceïma, au Maroc, le déstabilisant et créant la panique. Un nombre inconnu de personnes ont réussi à survivre mais un cadavre est retrouvé plus tard.
Le 16 octobre, quatre cadavres sont récupérés après le naufrage d’un bateau à 16 miles nautiques au nord d’Alger, en Algérie. Treize personnes ont survécu.
Le 17 octobre, un bateau avec un cadavre et 44 survivants est retrouvé au large des côtes de Gran Canaria, en Espagne. Il était en mer depuis une semaine.
Le 17 octobre, 12 personnes sont toujours portées disparues , après que 2 survivants aient été sauvés d’un naufrage au large de Carboneras, Almería, Espagne.
Le 22 octobre, Alarm Phone est alerté de la présence d’un bateau sur la route de l’Atlantique. Le bateau transportait 13 femmes, une fillette de sept ans et 38 hommes. Il était parti de Tan Tan, Guelmin, Maroc cinq jours auparavant. 52 personnes sont toujours portées disparues.
Le 23 octobre, un pêcheur trouve un cadavre flottant près de la plage de Sidi Abed, à Hoceima, au Maroc.
Le 24 octobre, Alarm Phone est alerté pour un bateau parti de Dakhla le 16 octobre. 49 personnes sont secourues après presque deux semaine en mer deux semaines en mer à 185 km au sud de Gran Canaria, îles Canaries, Espagne. Le sauvetage est arrivé trop tard pour un enfant qui un enfant est mort pendant sa tentative d’atteindre les îles Canaries.
Le 24 octobre, un cadavre est retrouvé sur la plage de Melilla, en Espagne.
Le 29 octobre, Alarm Phone est alerté d’un bateau en détresse avec 52 personnes à bord en route vers les îles Canaries et informe les autorités espagnoles. Au cours de leur opération de sauvetage, une personne disparaît.