Refoulements en chaîne des ports tunisiens au désert libyen !

Dans la nuit de dimanche à lundi 27 septembre 2021, plusieurs embarcations parties de la région de Sfax ont été interceptées en mer Méditerranée par la Garde maritime tunisienne, d’après divers témoignages.

Alors que les personnes de nationalité tunisienne ont été libérées, les personnes d’origine subsaharienne ont quant à elles été emmenées de force dans le sud de la Tunisie.

Plutôt que d’être confiées aux organisations telles que le HCR, l’OIM ou le Croissant rouge tunisien, censés être présentes dans les points de débarquement, celles-ci ont été abandonnées par la Garde nationale tunisienne à proximité de la frontière libyenne, en plein désert.

« On était encore fatigués de notre voyage en mer, et les autorités tunisiennes nous ont lâchés au milieu de nulle part, près de la Libye. Les gardes ont menacé de nous tirer dessus si on refusait de traverser la frontière libyenne » raconte l’un des témoins.

Aujourd’hui encore, le sort de la centaine de personnes qui a été refoulée lundi reste incertain.

Une personne nous a raconté comment elle avait tenté de cacher une femme enceinte, incapable de se déplacer. Celle-ci a été forcée d’accoucher au milieu du désert avant d’être transférée par le Croissant rouge tunisien avec son nouveau-né à l’hôpital de Ben Guerdane.

Un autre groupe a été quant à lui enlevé côté libyen à proximité de la frontière par des ravisseurs exigeant 500 dollars par personne pour leur libération.

D’autres personnes sont actuellement encore bloquées à la frontière, au niveau de Ras Jedir, prises entre les feux des forces de sécurité tunisiennes et des milices libyennes, qui selon les témoignages, auraient violé les femmes présentes dans le groupe. Parmi elles, plusieurs seraient enceintes, l’une d’entre elle de 8 mois.

Cela fait maintenant 6 jours que ces personnes n’ont eu accès ni à des soins, ni à de l’eau ou de la nourriture. Elles sont déshydratées, épuisées, traumatisées : leur vie est en danger !

Malgré les nombreuses alertes de la société civile sur la situation de détresse extrême dans laquelle se trouvent ces personnes, les autorités tunisiennes sont restées silencieuses, banalisant les pratiques de refoulement des personnes exilées vers un pays où celles-ci risquent l’enfermement, le travail forcé, la torture, et diverses formes de violences basées sur le genre.

La responsabilité des autorités tunisiennes ne saurait cependant occulter le rôle de l’Union européenne et de ses Etats membres. Ces dernières années, ceux-là n’ont cessé de renforcer leur coopération avec la Tunisie pour endiguer les mouvements de personnes exilées cherchant à traverser la Méditerranée.

Les programmes européens de soutien à la Garde nationale maritime visant à renforcer ses capacités d’interception se sont multipliés. Depuis maintenant plusieurs mois, l’agence européenne Frontex contrôle ainsi les côtes tunisiennes au moyen d’images satellite, de radars et de drones, avec l’objectif de détecter les embarcations au plus tôt et d’alerter les autorités tunisiennes afin qu’elles se chargent elles-mêmes des interceptions maritimes.

L’UE et ses Etats membres apportent ainsi directement leur soutien à des autorités impliquées dans des graves violations de droits humains. Ces derniers mois, plusieurs attaques de bateaux par les garde-côtes tunisiens, qui ont fait de nombreuses victimes, ont été rapportées à Alarm phone.

Alors que l’OIM et du HCR sont censés être présents au moment du débarquement, le silence de ces agences onusiennes, soi-disant chargées de la protection des personnes migrantes interceptées, interroge : comment est-il possible que cet “incident” ait pu échapper à leur vigilance ?

Que ce soit par leur silence ou par leur soutien direct, ces différents acteurs des politiques d’externalisation des frontières européennes sont complices de ces refoulements en chaîne, qui, depuis la mer jusqu’au désert libyen, mettent des centaines de vies en danger !

Liberté de mouvement pour toutes et tous !