Méditerranée occidentale analyse régionale

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Période troublée/agitée : Répression politique et riposte(s) en Méditerranée Occidentale

C’est une période troublée en ce moment, concernant la lutte pour la liberté de circulation en Méditerranée Occidentale. Les itinéraires de longue date pour traverser vers l’Europe ont l’air d’avoir été fermés ; tandis que, les lieux pour s’organiser, comme la ville de Tanger et les forêts autour de Nador, sont régulièrement vidé.e.s par les raids policiers, et sont maintenant proches d’être vides des voyageurs sub-saharien.ne.s.

D’autre part, de nouvelles routes sont développées et établies. Ces nouvelles routes emmènent les gens vers les îlots espagnols au nord de la côte marocaine ou vers les îles Canaries. Les contacts locaux témoignent du développement de points chauds de migration à Dakhla, à l’extrême sud du Sahara occidental, et des bateaux partent aussi du Sénégal et de la Gambie pour se rendre dans les îles espagnoles. Il s’agit d’un tout nouveau défi pour les équipes de permanence d’Alarm Phone car il n’y a pas de couverture réseau tout au long du voyage et les voyageu.se.r.s n’utilisent pas (encore?) de téléphone satellite sur ces itinéraires. En conséquence, nous perdons souvent la connexion avec les bateaux qui nous appellent de ces zones.

Dans l’intervalle, la répression est plus féroce que jamais dans les zones frontalières du nord. L’ONG «Pateras de la vida» estime qu’environ 10 000 ressortissant.e.s subsaharien.ne.s ont été arrêté.e.s au Maroc et poussé.e.s vers le sud ou l’est en 2019 et 3000 autres personnes ont été expulsées vers leur pays d’origine, la plupart vers la Guinée Conakry, le Mali et le Cameroun[1].

Politiquement, il y a eu des revers et des succès. Par exemple, un arrêt de la Cour Européenne des Droits de l’Homme a légitimé un « push back » (refoulement) à la frontière de Melilla ; mais nous avons réussi, malgré l’opposition des autorités locales, à organiser une grande manifestation à la frontière algérienne pour commémorer les voyageu.r.se.s mort.e.s et disparu.e.s. De plus; fin février, nous avons été témoins du nombre sans précédent de 8 000 personnes marchant à Ceuta contre le racisme institutionnalisé. C’est loin d’être calme sur le front ouest!

Dans l’analyse régionale de la Méditerranée occidentale suivante, nous essayons de documenter les développements et les dynamiques affectant la possibilité de transit via le Maroc vers l’Union européenne. Nous essayons de le faire de manière rigoureuse. Nous essayons également de garder à l’esprit que le Maroc est un lieu de départ pour un nombre important de Marocain.e.s partant sur des bateaux pour l’Europe, les nommé.e.s «harragas». Fin décembre, le Haut Commissariat au Plan du Maroc (HCP) a publié des données sur la dynamique des migrations hors du Maroc à partir d’une étude[2] réalisée entre août 2018 et janvier 2019. Selon l’enquête, près d’un quart (23,3% ) des ressortissant.e.s marocain.e.s interrogé.e.s ont exprimé leur intention d’émigrer[3]. Nous sommes conscient.e.s que dans notre analyse de la Méditerranée occidentale, les harragas marocains ne sont pas suffisamment représentés. Il est plus compliqué de créer des réseaux qui incluent ces voyageu.se.r.s marocain.e.s en raison d’obstacles politiques et de la peur de la criminalisation.

Pour une réflexion plus approfondie sur l’analyse régionale AP Western Med en général, voir la préface de notre dernier rapport «Le champ de bataille caché – les luttes pour la liberté de mouvement au Maroc».

Sommaire du rapport suivant :

  1. Traversées maritimes et expériences AP
  2. Nouvelles des régions

2.1 Tanger et le détroit de Gibraltar
2.2 Nador et les forêts
2.3 La route du Sahara occidental
2.4 Oujda
2.5 Les enclaves: Ceuta et Melilla
2.6 Algérie

  1. Dynamique politique en Méditerranée occidentale
  2. Naufrages et personnes disparues

 

1 Traversées maritimes et expériences AP

Du début de l’année jusqu’au 23 février, 4 235 personnes ont réussi à rejoindre l’Espagne. 3 313 de ces personnes ont traversé les frontières maritimes[4], dont 1 029 d’entre eux ont traversé par les îles Canaries[5] – 15 fois plus que durant la même période de l’année précédente[6]. C’est la seule route à voir une augmentation du nombre de traversées – les traversées maritimes globales ont diminué de 32% par rapport à la même période de 2019[7].

 Alarm Phone a traité 39 cas en Méditerranée occidentale au cours de la période couverte par ce rapport, de novembre 2019 à février 2020. Une bonne moitié de ces cas, 20, ont été secourus vers les côtes espagnoles en toute sécurité, tandis que 13 ont été interceptés ou secourus au Maroc, deux d’entre eux après avoir chaviré. Un bateau est rentré au Maroc de sa propre initiative, 5 bateaux ont disparu sans laisser de trace.

La plupart des appels que nous avons reçus provenaient de la route du Sahara occidental. Notre collaboration avec l’organisation espagnole de sauvetage Salvamento Marítimo a été marquée par la coopération. Comme il est impossible de garder un contact téléphonique avec les bateaux sur cette route en raison du manque de couverture du réseau, les opérations de recherche et de sauvetage prennent beaucoup plus de temps. Il est très difficile de localiser les bateaux. Parfois, il fallut des jours avant que les bateaux ne soient retrouvés par SM. Sur les autres routes, à travers le Détroit de Gibraltar ou la mer d’Alborán, il est devenu plus difficile d’organiser le sauvetage par Salvamento. À de nombreuses reprises, les officiers interrogés à Tarifa ou à Algeciras ont simplement renvoyé l’affaire à la Marine royale marocaine en tant qu’autorité de sauvetage responsable.

Exemples de situations accompagnées par AP :

Le dimanche 1er décembre, à 23 h 09 CET, alarmphone a été alerté par un proche d’une personne présente sur un bateau transportant 31 personnes, dont cinq femmes et un enfant, qui était parti de Dakhla la nuit précédente à 22 heures. Pendant 23 heures, le parent n’avait pas pu joindre les voyageu.se.r.s. Notre équipe de permanence n’a pas non plus réussi à établir de communication avec les voyageu.se.r.s, malgré des efforts continus durant plusieurs jours. À 23:40, nous avons appelé le Salvamento Marítimo (SM) à Las Palmas et transmis les informations que nous avions. Cependant, comme il faisait nuit, la recherche et le sauvetage étaient difficiles. Le lendemain matin, nous avons de nouveau parlé au SM et ils ont confirmé qu’ils enverraient un avion dans la région pour chercher le bateau. À 12 h 26, nous avons rappelé le SM. Ils ont confirmé que leur avion cherchait toujours, mais n’avaient aucune nouvelle. Nous sommes restés en contact avec le SM qui a effectué une deuxième opération de recherche avec leur avion le même après-midi, avant de suspendre leurs efforts pour la nuit. Le 3 décembre, nous avons de nouveau été en contact toute la journée avec le SM qui a fouillé la région en avion et en bateau. Nous avons pu surveiller la trajectoire de leur navire de recherche et de sauvetage et de leurs avions en direct, mais la journée s’est terminée sans aucune information sur le lieu où se trouvaient les voyageu.se.r.s. Le 4 décembre, les efforts de sauvetage se sont poursuivis et à 13 h 35, le SM nous a informés qu’ils effectuaient un sauvetage de 25 à 30 voyageurs. Plus tard dans la soirée, le parent nous a dit que les voyageu.se.r.s avaient été secourus et emmené.e.s à Las Palmas. Après tant de jours en mer enfin… Boza! Bienvenue en Europe!

Le 16 décembre, très tôt le matin, notre équipe de permanence a été contactée par des proches au sujet d’un bateau qui était parti de Nador et qui était sur le point de perdre de l’air. Le numéro de téléphone qui nous a été fourni était inaccessible pendant la nuit. Le contact avec le proche est également tombé en panne. À 07h15, les voyageurs ont appelé Alarm Phone par eux-mêmes et ont déclaré que la situation était mauvaise et qu’ils pouvaient toujours voir la côte marocaine. Lorsque notre équipe de permanence a appelé MRCC Rabat (Maritime Rescue Coordination Centre) à 07h50, elle a appris que les autorités marocaines avaient été informées par le MRCC Madrid et que la marine marocaine recherchait déjà les voyageurs. 40 minutes plus tard, le MRCC Rabat nous a informés qu’il avait localisé le bateau entre Nador et Al Hoceima. Vers 09h00, nous avons fourni les informations par e-mail à toutes les autorités. Lorsque nous avons appelé le MRCC Rabat 15 minutes plus tard, ils ont confirmé le sauvetage en cours. Alarm Phone n’a pas pu rétablir le contact avec les voyageurs. Vers 15h00, l’ONG Caminando Fronteras a tweeté à propos d’une tragédie : “Au moins vingt-deux survivants hospitalisés et seulement sept cadavres récupérés.” L’équipe de permanence AP a appelé le MRCC Rabat à 14h50 et a été informée que 63 personnes avaient été secourues, 7 personnes étaient mortes et certaines personnes étaient toujours portées disparues. Grâce à divers appels téléphoniques avec les autorités marocaines, nos équipes de permanence ont appris que la recherche des personnes disparues se poursuivait jusque dans la nuit suivante. Le lendemain, nous avons appris de l’ONG AMDH (Association marocaine des droits de l’homme) qu’au total 84 personnes avaient été secourues. 8 personnes ont été transportées à l’hôpital de Nador. 7 personnes ont perdu la vie[8][9]. Nos condoléances vont aux familles et amis du défunt. Nous sommes en colère après cette tragédie qui aurait encore pu être évitée.

Le 7 janvier, l’équipe de permanence Alarm Phone a été contactée à 03h01 par douze personnes sur un canot au large de Tanger. Ils avaient besoin d’une aide urgente et nous avons informé directement les autorités marocaines. Pendant le sauvetage, vers 06h30, tout le monde est tombé à la mer. Peu de temps après, onze personnes ont été mises en sécurité à bord du navire de sauvetage, bien qu’une personne, Bakari Demba du Sénégal, soit toujours portée disparue. L’équipe de permanence de l’AP était en contact direct avec une personne secourue, qui a signalé juste après l’opération de sauvetage que leur ami, Bakari Demba, avait disparu et n’avait pas été retrouvé par les autorités marocaines. Nous avons appelé la marine marocaine et le Salvamento Espagnol à sa recherche. Comme nous avons appris qu’il était un bon nageur, même quelques heures plus tard, tout le monde espérait le meilleur. À 16 h 15, le MRCC de Rabat a déclaré qu’ils recherchaient toujours la personne disparue. Nous n’avons pas été en mesure de le confirmer et avons plutôt demandé à la marine marocaine et aux espagnols de faire ce qu’ils pouvaient pour retrouver cette personne. Bakari Demba du Sénégal n’a jamais été retrouvé. Nos pensées vont à sa famille et à ses ami.e.s. Nous ne l’oublierons pas et poursuivrons notre lutte contre les frontières et les politiques frontalières européennes.

2 Nouvelles des régions

Comme mentionné dans l’introduction, il n’y a pas de répit pour les subsaharien.ne.s au Maroc, qu’ils soient en transit, en possession de papiers de résidence ou sans papiers.

Début novembre, quelques jours après l’annonce par les compagnies de bus qu’elles vérifieraient systématiquement les papiers des personnes soupçonnées d’être noires avant l’embarquement sont devenus viraux (voir notre dernière analyse WM[10]), le gouvernement marocain a appelé la pratique du profilage racial “discriminatoire”. “Si l’un des transporteurs marocains ou étrangers recourt à des pratiques racistes, nous le dénonçons totalement”, a annoncé le porte-parole Hassan Abyaba. Cette déclaration du porte-parole du gouvernement marocain est au-delà de l’hypocrisie. Le profilage racial est une pratique quotidienne de la gendarmerie royale. Ils aiment «collecter des Noir.e.s» avec ou sans papiers pour les pousser vers les zones frontalières du sud ou de l’est du pays ou vers leurs pays d’origine supposés. Cette déclaration montre une fois de plus l’écart entre le discours public officiel et la pratique quotidienne des responsables au Maroc.

Une hypocrisie encore pire a été mise en évidence avec l’arrestation d’un chauffeur de bus et de son assistant à 10 kms de Casablanca le 9 février de cette année. La police a «détecté» quatre voyageu.se.r.s subsaharien.ne.s sans papiers de séjour en cours de validité dans le bus, les voyageu.se.r.s ont été arrêté.e.s et le conducteur et son assistant accusés de trafic. Ils ont passé deux jours en prison et ont été traduits en justice deux jours plus tard. Le syndicat des travailleurs de la compagnie de bus UMT, a fait beaucoup de pression par solidarité avec leurs collègues. Le juge a tranché en faveur des accusés. Ils ont été acquittés de toutes les charges[11].

2.1 Tanger

Tanger ; porte d’entrée vers l’océan, avec son ouverture sur le détroit de Gibraltar, reste un lieu stratégique mais une ville de plus en plus difficilement vivable pour les migrant·es. Les migrant·es subsaharien·ne·s subissent toujours la répression et les violences policières, les refoulements ainsi que des déportations vers les pays d’origine. Ces deux dernières années, l’État marocain, qui s’est doté d’importants moyens financiers et logistiques par le biais de l’Espagne et de l’Union européenne pour freiner l’élan et les objectifs des migrant·es a particulièrement misé sur Tanger, avec une présence massive de forces auxiliaires (forces militaires d’appui chargées de maintenir l’ordre dans le royaume, dépendantes du Ministère de l’Intérieur).

Ces forces auxiliaires créent un climat de peur qui rendent la ville invivable pour les migrant·es subsaharien·ne·s. Dans les quartiers de Mesnana, Branes, Boukhalef, les migrant·es sont traqué·es dans les cafés, restaurants, et jusque dans leurs maisons. Chaque jour ; des arrestations ont lieu, les personnes sont emmenées dans des commissariats, enregistrées puis refoulées vers d’autres villes, en particulier Tiznit (900 km au Sud), menottes aux mains, dans des conditions indignes. Certain·es sont déportées vers leurs pays d’origine. En pleine journée, des personnes noires subsahariennes sont tabassé·es (les militant·es sur place parlent de fracture au crâne, de blessures aux pieds, aux bras, etc[12]).

Ces deux derniers mois, la pression a baissé, les refoulements ont un peu diminué, sûrement en raison de mouvements moins importants de personnes migrantes vers la ville de Tanger. Les personnes sont contraintes de s’éloigner vers certaines villes comme Casablanca, Rabat ou Agadir, et échapper ainsi aux violences et contrôles policiers pour se préparer au voyage. De plus, on assiste à de vastes opérations de démantèlement et d’arrestations de passeurs qui rend l’organisation des départs de plus en plus difficile. Ainsi, début janvier, dans la région de Tanger, la police marocaine annonçait le démantèlement “ d’un « réseau criminel impliqué dans l’organisation d’opérations d’émigration clandestine [13]» vers l’Espagne.”

Le climat reste très tendu à Tanger. Les militant·es sur place rapportent des cas de vols d’objets personnels par la police à l’intérieur des maisons collectives où habitent les Africain·es subsaharien·ne·s en attendant le départ. Une petite communauté subsiste dans les quartiers de Boukhalef et Mesnana, forcée de se cacher et de vivre dans des conditions difficiles, en attendant de pouvoir voyager. Les refoulements vers le Sud n’ont pas cessé, avec des cas de personnes refoulées qui pourtant ont montré des papiers de séjour en règle. Le 28 janvier, les contacts sur place ont rapporté que la police a forcé l’entrée d’une maison habitée par des Camerounais·es et arrêté plus de 8 personnes qui ont été immédiatement refoulées vers Tiznit. La seule possibilité pour les personnes de ne pas être refoulées jusqu’à Tiznit, Dakhla ou Laâyoune, c’est de payer une somme à la police marocaine (100 ou 200 DH) pour être déposées à Rabat ou Kénitra (Nord de Rabat)[14].

2.2 Nador et ses forêts 

La répression est également à son comble à Nador et dans ses environs boisés. À la mi-novembre, un nombre accru de raids ont été menés par les forces paramilitaires marocaines à Nador et dans les forêts environnantes où environ 15 à 20 camps de fortune différents étaient encore dispersés malgré l’expulsion de la montagne Gurugu en 2015[15].

Au cours des destructions violentes de ces camps de fortune des Subsaharien.ne.s qui attendent dans les forêts leur chance de traverser en Espagne et de nombreuses personnes sont blessées. En particulier, des rapports sur la violence à l’égard des femmes nous parviennent – il est malheureusement sûr de le dire – régulièrement[16]. Selon l’AMDH, environ 2000 voyageurs ont été traités à l’hôpital de Nador au cours de la seule année 2019, ironiquement beaucoup d’entre eux après avoir été battus par les forces de l’État elles-mêmes.

Source: AMDH Nador

Les personnes arrêtées sont, dans l’ensemble, amenées au centre de détention d’Arekmane, ancien centre de camp d’été du ministère de la Jeunesse et des Sports. Cette facilité est très contestée. Dans le cadre de son suivi des violations commises à l’encontre des voyageu.se.r.s subsaharien.ne.s à Nador, l’AMDH a visité le centre de détention d’Arekmane le vendredi 27 décembre. Ils ont pu observer les activités de la Gendarmerie Royale sur place. Des dizaines de voyageu.se.r.s sont détenu.e.s ici en dehors de toute procédure judiciaire. L’article 34 de la loi 02-03, qui concerne l’entrée et le séjour des étrangers, prévoit des conditions de détention qui ne sont jamais respectées. Selon la loi, une décision de détention écrite de l’administration doit être rendue et les détenus doivent être informés de leurs droits par un interprète[17]. C’est une blague.

Mais les activités à Arekmane ne suggèrent pas qu’une fermeture se produira de sitôt. L’AMDH suit de près les mouvements vers et depuis le centre[18]. Ils indiquent que fin décembre, en une semaine seulement, près de 350 voyageurs ont été refoulés d’Arekmane après environ 20 jours de détention illégale. Ils signalent également que tous les soirs, deux bus partent de là, l’un amène les voyageurs dans des zones reculées, telles que la frontière algérienne ou le sud du Maroc, et l’un part pour l’aéroport de Casablanca pour faciliter les expulsions et les refoulements vers les pays d’origine[19].

Au cours de la semaine du 22 novembre, plusieurs raids ont eu lieu dans les forêts de Nador et les personnes arrêtées ont été transportées à la frontière avec l’Algérie à Jerada ou Oujda. Les gens ont été déplacés dans des zones désertiques la nuit où il fait froid avec un risque élevé de neige[20].

Les déportations vers la frontière algérienne sont dangereuses et également compliquées par les relations tendues entre le Maroc et l’Algérie. Nos contacts ont suivi un groupe de 14 personnes qui ont été expulsées du centre de détention d’Arekmane le 27 décembre. Seuls quatre d’entre eux auraient été «acceptés» par les forces algériennes. Il y avait apparemment des «négociations» sur les 10 autres. Nous avons été informés que l’un des 4 hommes expulsés, un ressortissant guinéen, est décédé par la suite. Nous n’avons pas pu découvrir ce qui s’était réellement passé pour provoquer sa mort.

Le 18 novembre, nous avons appris que le garçon de 6 ans qui nous a raconté ses expériences dans la forêt de Nador pour le reportage de février de l’année[21] dernière est finalement arrivé en Espagne. Il a fait la traversée en bateau pneumatique de Nador. Boza! Bienvenue!!

Les traversées vers les îlots espagnols au large de la côte nord du Maroc semblaient également plus réussies pendant un certain temps. D’août à la fin de 2019, quelque 600 voyageurs sont entrés en Espagne via leur arrivée dans l’une de ces petites îles qui sont, en plus des enclaves coloniales de Ceuta et Melilla, toujours en “possession” espagnole malgré qu’elles soient géographiquement situées au Maroc.

Source: Wikipedia[22]

Arrivant sur ces îlots et donc sur le «sol espagnol», les voyageurs peuvent demander l’asile en Espagne et ont théoriquement droit à un examen juridique de leur cas. Dans certains cas, principalement lorsque les groupes de voyage étaient composés de femmes et d’enfants, la Guardia Civil espagnole a récupéré les personnes bloquées de l’île et les a amenées à Melilla. Dans d’autres cas, les voyageurs ont été illégalement expulsés lors de prétendues «déportations à chaud» vers le Maroc (voir ci-dessous).

Le 20 novembre, nous avons reçu un message d’un proche d’une femme qui était coincée avec 14 autres personnes sur un îlot espagnol au nord de Nador, Isla del Congreso. Le groupe était entièrement composé de femmes et d’enfants! Nous avons réussi à entrer en contact direct avec le groupe et ils nous ont donné leur position GPS. Ils nous ont également envoyé des photos d’eux sur l’île comme preuve de leur arrivée sur le territoire espagnol. Craignant un pushback, nous avons contacté des organisations de défense des droits humains ainsi que SM Melilla. Nous avons demandé aux autorités espagnoles d’aller chercher les femmes et souligné leur droit de demander l’asile en Espagne. À 9 h 27, un bateau espagnol était arrivé sur l’île, mais ce n’est qu’à 15 h 35 que nous avons reçu la confirmation que les gens avaient été secourus et emmenés à Melilla[23].

Source : Alarm Phone

Le 3 janvier, 42 personnes ont été refoulées d’Isla Congreso au Maroc. Le scandale a été rapporté par Caminando Fronteras. L’ONG a recueilli des témoignages indiquant que le groupe avait été amené au Maroc par la Guardia Civil espagnole. Malgré le témoignage audio publié sur le compte Twitter de Caminando[24] et les photos et la géolocalisation recueillies par l’ONG, le gouvernement espagnol a nié toute implication et a déclaré que le groupe devait avoir été sauvé par la Marine royale marocaine dans les eaux marocaines[25]. Quel mensonge honteux!

Les traversées en bateau vers l’Espagne continentale se poursuivent tout au long de la période considérée, mais en nombre limité. Le voyage devient également plus dangereux après le retrait du Salvamento Marítimo de la patrouille active dans la mer d’Alboran.

Le 16 décembre, un bateau avec 91 personnes à bord a chaviré dans la mer d’Alboran après qu’un incendie se soit déclaré à bord. Ils étaient à environ 25 km au nord de Nador. 7 personnes sont décédées. 22 blessés ont été transférés à l’hôpital El Hassani de Nador après avoir été récupérés par la marine royale marocaine. Les autres survivants ont été amenés au centre de détention d’Arekmane[26].

Le 12 janvier, un cadavre a été retrouvé sur la plage de Karyat Arekmane, près de Nador. Il n’a même pas été possible d’établir si la personne tuée était un ressortissant subsaharien ou marocain, ni si elle était un homme ou une femme. Le cas a été signalé sur la page Facebook «Migrants Morts et Disparues» qui publie des photos et des noms de personnes disparues qui sont recherchées par leurs proches et ami.e.s[27].

Le 13 janvier, nous avons été alertés par un groupe de 35 voyageurs, dont des femmes et des enfants, qui avaient tenté d’entrer à Melilla par la porte principale du mur. Lorsque nous avons contacté le groupe, ils ont signalé qu’ils avaient été emmenés en voiture jusqu’à la porte et lorsqu’ils ont ouvert tôt le matin, ils ont sauté de la voiture et ont couru à travers les clôtures, confiant qu’ils n’auraient qu’à atteindre le sol espagnol pour être autorisés à revendiquer leur droit de demander l’asile. Mais malgré que beaucoup d’entre eux aient atteint la troisième porte et donc le sol espagnol, ils ont été rattrapés et expulsés par les garde-frontières marocains.

Source: AMDH Nador[28]

Beaucoup ont été roués de coups violemment et un homme et une femme ont été transportés directement à l’hôpital. Les autres ont été conduits au commissariat de Nador. Nous avons contacté l’AMDH à Nador, qui était allé au commissariat mais s’est vu refuser l’entrée pour vérifier la situation des détenus. Alarm Phone est resté en contact avec les deux personnes hospitalisées. Ils sont retournés dans la forêt depuis l’hôpital, inquiets pour leurs camarades. Du commissariat, 4 autres personnes ont été transportées à l’hôpital et les autres ont finalement été jetées dans le sud du pays.

Le 22 janvier, AMDH Nador rapporte que les forces marocaines ont fait une descente dans une maison près de Zoutiya / Nador et arrêté 25 personnes, dont un grand nombre de femmes et d’enfants qui avaient tenté de trouver un abri contre l’environnement froid et violent des camps des forêts. Même les enfants sont condamnés à attendre dans les forêts leur chance de monter sur un bateau vers l’Espagne, s’y cachant de la police et s’enfuyant  la nuit pendant les raids, car les autorités ne leur donnent aucune chance de rester dans un environnement -légèrement- plus sûr[29].

A Berkane, à une heure de Nador, de nouveaux voyageurs arrivent après être entrés par la frontière Oujda / Maghnia. Ils sont nouveaux au Maroc, mais ont une grande expérience des routes migratoires. De nos jours, des gens arrivent de Libye, fuyant l’enfer des centres de détention, l’esclavage et la violence. Ils ont abandonné tout espoir de traverser vers l’Italie via la Méditerranée centrale et tentent de trouver d’autres couloirs. Nos contacts à Berkane rapportent que les «Libyen.ne.s» sont en très mauvaise santé et incapables de parcourir de longues distances.

En février, nous avons appris que les forêts avaient été presque vidées par les autorités. De nombreux voyageurs se sont retirés des camps par crainte de violences, de vol et d’expulsion vers leur pays d’origine. Néanmoins, des descentes de police se poursuivent.

2.3 Sahara Occidental

La tendance à la hausse des départs vers les îles Canaries était déjà perceptible l’année dernière. Il y a eu une augmentation de 22% entre 2018 et 2019[30]. En effet, sur les trois derniers mois, le niveau des départs a atteint un niveau sans précédent[31]. Au cours des six premières semaines de l’année, plus de 1 000 personnes sont arrivées aux îles Canaries, soit 15 fois plus qu’au cours de la même période de l’année précédente. Selon les statistiques du HCR, les arrivées aux îles Canaries représentent déjà 33% de toutes les arrivées par mer. Cela se compare à 11% sur l’année précédente[32].

Cette évolution est clairement due à la fermeture des frontières nord du Maroc, notamment à Tanger. En conséquence, des centaines et des milliers de personnes souhaitant traverser l’Europe tentent désormais leur chance sur les plages du Sahara occidental. Selon les estimations de l’activiste Alarm Phone A.M., il y a actuellement environ 7000 migrants subsaharien.ne.s disséminé.e.s dans les villes et les villages du Sahara occidental. Un autre activiste de Alarm Phone, Babacar, décrit la situation comme suit:

«En ce qui concerne la situation à Laayoune, nous pouvons observer que le nombre de migrants augmente chaque jour depuis le début des arrestations dans le Nord. Des gens sont déporté.e.s ou emmené.e.s loin de la ville. On peut dire que les frontières du Nord sont presque totalement fermées pour les migrants alors que le Sud reste ouvert. C’est pourquoi les migrants continuent de transiter par Laayoune pour tenter leur chance en partant vers les îles Canaries. Ces mouvements ont également provoqué une surpopulation de migrant.e.s dans le Sud, en particulier de nombreuses femmes enceintes, mineur.e.s et enfants. »

Bien que certain.e.s voyageu.se.r.s parviennent à gagner de l’argent, en particulier dans la zone industrielle de Dakhla, beaucoup sont obligés de mendier dans les rues. Pendant ce temps, les loyers augmentent (car les propriétaires veulent profiter de la situation), et il y a des arrestations arbitraires dans les rues et des perquisitions dans certaines maisons de migrants. La situation a entraîné un manque général de services de base pour les migrants, explique Babacar:

« Comme nous le savons tou.te.s le Maroc fait de sa politique migratoire une politique d’argent, les migrant.e.s sont une marchandise pour l’Europe alors cette surpopulation a des répercussions […] car on n’arrive plus à répondre aux besoins des migrant.e.s en ce qui concerne la santé, les produits de première nécessité; matériaux de maison comme les habits, matelas, couvertures et denrées alimentaires […]. alors je demande [encore une fois] aux organismes et aux associations de montrer plus d’intérêt par la situation de Laayoune avant qu’il ne soit trop tard. »

Une fois les voyageu.se.r.s arrêté.e.s, dans la rue ou lorsqu’un bateau est intercepté, iels sont emmené.e.s dans des centres de détention de fortune (comme un ancien bâtiment scolaire à Laayoune) puis, dans des villes plus au nord comme Marrakech ou Casablanca – ce qui est absurde, étant donné que les voyageu.se.r.s du Nord sont emmené.e.s dans les villes du Sud. Certain.e.s sont même déporté.e.s vers la frontière mauritanienne et déposé.e.s dans le no man’s land rempli de mines entre le Maroc (Sahara occidental) et la Mauritanie. A.M. rapporte:

« Une fois echoué..e.s, tu as des problèmes ; les autorités t’embarquent dans des cars et te font sortir à la frontière et c’est l’enfer là-bas, il n’y a que des ferrailles de voiture où tu passeras tes nuits en attente des «modou modou» (ancien.ne.s migrant.e.s maintenant installé.e.s en Europe) venant d’Europe avec leurs voitures pour t’aider à repasser la frontière mauritanienne […] où est la liberté de mouvement là-dedans?!? »

Cependant, cette augmentation des départs ne s’applique pas seulement aux voyageu.se.r.s subsaharien.ne.s. Rien qu’au cours des 8 derniers mois, environ 500 pêcheurs marocains / sahariens occidentaux sont partis de Dakhla, car ils ont de plus en plus de mal à garantir leurs moyens de subsistance[33]. Dakhla n’est pas le seul point de départ pour les voyageu.se.r.s marocain.e.s ; par exemple, un bateau de 15 à 17 voyageu.se.r.s a quitté Agadir début novembre. Le voyage, cependant, a été mortel pour la plupart d’entre ell.eux. Il y avait quelques survivant.e.s ; mais, 13 corps ont été retrouvés au large des côtes rocheuses autour de Tenerife[34] dans les jours suivants.

Le voyage en lui-même reste l’itinéraire le plus dangereux de la Méditerranée occidentale, compte tenu des centaines de kilomètres sans aucune couverture réseau de téléphonie mobile. Souvent, les bateaux passent plusieurs jours sur l’eau avant d’être retrouvés par les garde-côtes ou de retourner seuls sur les côtes marocaines. Ceci est bien illustré par un cas pour lequel Alarm Phone a été alerté le 9 décembre 2019. 50 personnes avaient quitté Tan Tan 4 jours auparavant. Ils se dirigeaient vers les îles Canaries. Bien que la communication ait été interrompue à plusieurs reprises, les garde-côtes marocains et espagnols étaient prêts à communiquer et à aider. Cela ne peut pas être tenu pour acquis, car la Marine Royale ne fournit souvent aucune information concrète du tout et puisque Salvamento Maritimo s’abstient de plus en plus de partager des informations avec nous. Cette dernière  situation vaut surtout pour SM Tarifa. Aux Canaries, cependant, la communication avec SM Las Palmas est souvent plus constructive.

Une communication ouverte avec les garde-côtes est vitale pour sauver des vies car la communication directe avec le bateau est souvent impossible. Sans relation constructive avec les garde-côtes, nous sommes confrontés à des défis lorsque nous essayons d’identifier et de suivre correctement les bateaux. Nous ne pouvons être sûr.e.s si les gens ont encore besoin de sauvetage en mer. Un exemple en est les cas des 17 et 18 février, où SM cherchait 5 bateaux en même temps. Différentes informations circulaient sur le sort de ces bateaux, et l’AP a finalement pu confirmer qu’un bateau (avec 28 voyageurs) avait chaviré, faisant 14 morts.

Pourtant, certains miracles se produisent également dans les circonstances les plus difficiles. Sur un bateau qui avait quitté le Sahara occidental le 11 février, une femme enceinte de 8 mois a accouché en mer (la mère et l’enfant vont bien, à notre connaissance). Un autre accouchement en mer au cours de la première semaine de janvier ne s’est pas bien passé, entraînant une mortinaissance (enfant mort-né)[35].

Malgré tous nos efforts, et les efforts d’innombrables autres, le nombre de mort.e.s est choquant. La militante Helena Maleno a dressé une liste des bateaux disparus et recherchés en 2019, et le mois de décembre à lui seul brosse un tableau très sombre de la route des îles Canaries :

  • 9 décembre: bateau de 23 personnes (dont 2 femmes)
  • 8 décembre: trois bateaux arrivent aux Canaries, mais un autre est porté disparu: 26 personnes (dont 9 femmes et 5 enfants)
  • 27 décembre: bateau de 40 personnes (dont 10 femmes)[36]

Cette horrible perte de vies humaines, d’êtres chers, de bonheur s’étend également aux routes plus au sud, comme les départs de Mauritanie, du Sénégal ou de la Gambie. Un tel voyage signifie parcourir environ 1000 km dans l’océan Atlantique, un voyage d’une semaine où les provisions s’épuisent souvent et les voyageu.se.r.s sont contraint.e.s de boire de l’eau de mer ou, s’ils ont de la chance, de l’eau de pluie. Le 5 décembre, une tragédie s’est produite au large des côtes mauritaniennes lorsque 63 personnes[37] ont perdu la vie. Un autre bateau a été retrouvé à 800 km au sud des îles Canaries le 9 décembre sur lequel 18 personnes ont réussi à survivre malgré les conditions défavorables. Il y a également eu 2 décès[38].

L’augmentation des passages via la route des îles Canaries a également des répercussions sur les politiques migratoires espagnoles. Lors d’une réunion avec son homologue marocain, Abdelouafi Laftite, le ministre espagnol de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, a exprimé ses inquiétudes concernant l’augmentation des arrivées et a demandé au gouvernement marocain une coopération encore plus étroite dans le contrôle des migrations[39]. En raison du nombre élevé d’arrivées et d’un manque de volonté politique de s’adapter à une situation changeante, la situation dans les centres de détention se détériore. Le centre de détention de Las Palmas (CIE Barrancoseco), un complexe pénitentiaire obsolète qui a été utilisé entre autres comme site de torture franquiste, a rouvert ses portes en novembre 2019. Ceci en dépit du fait qu’il n’a pas été jugé apte à accueillir des personnes par le juge responsable des lieux de privation de liberté[40]. Les autres CIE et les logements d’urgence sont surpeuplés depuis des semaines. Les gens sont mis dans la rue sans plus tarder. Apparemment, la seule «stratégie» que le gouvernement espagnol envisagera pour soulager la situation sont des expulsions à chaud vers des endroits complètement aléatoires, comme la déportation de plusieurs groupes de Malien.ne.s vers la Mauritanie en janvier [41](voir la section ci-dessous sur les développements politiques).

2.4 Oujda 

Du 6 au 8 février, un rassemblement international de commémoration des morts et disparus aux frontières s’est tenu à Oujda. C’était l’anniversaire du 6 février 2014, lorsque des centaines de voyageurs ont tenté de franchir les frontières de l’Espagne en nageant jusqu’à la plage de Tarajal à Ceuta. La Guardia Civil espagnole a tiré des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes sur les gens pour les empêcher d’entrer dans l’enclave espagnole. De nombreuses personnes ont perdu connaissance ou ont été gravement blessées, n’ont pas pu continuer à nager et se sont noyées dans le champ de bataille. Officiellement, quinze personnes ont été tuées ce jour-là, mais beaucoup d’autres ont disparu ou sont mortes sur le territoire marocain. Nos camarades qui étaient présents lors de l’événement parlent de 50 à 70 amis disparus. Ceux qui avaient réussi, malgré l’attaque de la Guardia Civil, à sortir de l’eau du côté espagnol ont été sévèrement battus et repoussés immédiatement. Jusqu’à présent, il n’y a pas de justice pour les victimes et leurs familles et les meurtres de la Guardia Civil ne sont pas condamnés. Le 30 octobre 2019, le dossier de 16 officiers de la Guardia Civil impliqués ce jour-là a été déposé pour la 3ème fois. Le juge a ordonné que de nouvelles auditions soient préparées, reconnaissant qu’il y avait suffisamment de preuves pour poursuivre la procédure[42]. Néanmoins, l’affaire a été classée à nouveau peu de temps après. Le mécanisme politique, administratif et judiciaire ne fait qu’entraver un procès équitable[43]. Une stratégie simple consiste à empêcher les familles ou les témoins de se présenter comme plaignants en ne leur accordant pas de visa pour l’Espagne[44].

La sévère attaque contre les voyageurs du 6 février a été choisie comme date d’une “ action de commémoration ” plus large, pour dénoncer le régime frontalier meurtrier et commémorer les assassinés et disparus en solidarité avec leurs familles et amis. Dans divers endroits d’Afrique et d’Europe, des actions et des commémorations ont eu lieu. Les militants d’Alarm Phone Oujda ont organisé une grande réunion internationale avec des conférences, des discussions, des témoignages, des expositions et des performances artistiques. Des militants, des familles et des amis qui ont perdu leurs proches aux frontières se sont réunis sous le slogan: “Arrêtez la guerre contre les migrants, arrêtez la noyade et la disparition des migrants en mer et aux frontières”.

Sur plusieurs plans, des militants, des journalistes, des sociologues et des proches de personnes disparues sur les routes migratoires ont discuté des luttes frontalières et des conséquences du régime frontalier meurtrier. Ils ont partagé des histoires d’amertume et de persévérance dans la recherche du sort d’un fils ou d’une fille, d’un ami, d’un être cher, ainsi que leurs expériences dans leurs luttes et réseaux en Algérie, Tunisie, Mexique, Cameroun, Sénégal, Guinée, Maroc et bien d’autres d’autres lieux.

Le 8 février, une manifestation a eu lieu à la frontière maroco-algérienne pour la liberté de circulation et l’ouverture de la frontière fermée entre les deux pays. Ensuite, la manifestation s’est rendue sur la plage de Saïdia, pour commémorer les morts et disparus en mer. Dans des discours émouvants en plusieurs langues, les gens se sont tenus aux côtés de toutes les personnes touchées par les frontières et leurs régimes politiques.

Source: Alarm Phone

2.5 The enclaves: Ceuta and Melilla 

Du début de l’année 2019 au 15 décembre, le ministère de l’Intérieur a dénombré 1898 entrées irrégulières dans la ville de Ceuta. Cela se compare aux 2 370 enregistrés en 2018[45]. Cela signifie que près de 500 personnes de moins ont atteint Ceuta en 2019. Alors que le nombre d’entrées par voie terrestre (1 322 personnes) a diminué, le nombre d’entrées par mer (573) a augmenté de manière significative. Ils représentent désormais 25,4% (573). Au total, 85 bateaux se dirigeant vers l’enclave ont été interceptés (contre 45 en 2018). Nous supposons que ces développements sont directement liés aux mesures prises par les gouvernements marocain et espagnol pour renforcer la frontière terrestre[46].

En novembre 2019, les autorités espagnoles ont commencé à construire une nouvelle frontière “intelligente” entre le Maroc et les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla. L’objectif du projet est de renforcer et de moderniser la frontière. Le projet a un coût total de 32 millions d’euros et prendra jusqu’à 10 mois. Le renforcement des frontières comprendra l’installation d’un nouveau système de video surveillance avec 66 caméras (thermiques) et la mise en place de systèmes de reconnaissance faciale aux postes frontières d’El Tarajal (Ceuta) et de Beni Enzar, Barrio Chino, Mariguari et Farhana (Melilla)[47].

Le ministre espagnol de l’Intérieur, Grande Marlaska, a proposé une nouvelle fois en janvier 2019 le remplacement des lames des clôtures de Ceuta et Melilla par des éléments moins nocifs. Le retrait n’a pas encore commencé sur la frontière espagnole et des lames sont maintenant apparues du côté marocain. La nouvelle infrastructure marocaine supplémentaire sera beaucoup plus agressive, comprenant des tours d’observation et une présence militaire renforcée[48]. Marlaska a également annoncé son intention d’augmenter la hauteur de la clôture espagnole. Dans certaines sections, elle sera élevée à 10 mètres[49].

The fence being built on the Moroccon side. Source: Alarm Phone 

Le port de Ceuta fait également partie de la modernisation et de la sécurisation de la frontière. Les travaux sur le mur du port coûteront environ 2,3 millions d’euros et devraient être achevés en mars 2020. Le port sera renforcé par un mur en béton de 6 mètres de haut, des barbelés en accordéon supplémentaires, des plaques métalliques et des mailles pour empêcher les personnes d’entrer[50]. Les critiques l’appellent le «mur des enfants» car il est censé faire face à la «pression migratoire» des enfants migrants non accompagnés (menor extranjero no acompanado: MENA) qui se cachent dans les installations portuaires pour trouver un moyen de traverser la péninsule. Pour des groupes de défense des droits de l’homme tels que l’Association andalouse des droits de l’homme (APDHA[51]), la rénovation du port de Ceuta signifie que les autorités ont légitimé et matérialisé les discours xénophobes et racistes qui se sont intensifiés avec l’arrivée de groupe d’extrême droite au Congrès des députés[52]. Début janvier, une opération de démantèlement des maisons pour se cacher où vivent des jeunes et des mineurs à la recherche du moment idéal pour traverser la péninsule a eu lieu dans le port de Ceuta[53]. La situation, loin d’être maîtrisée, s’aggrave de plus en plus.

Au cours des derniers mois, plusieurs accidents et décès se sont produits lorsque des mineurs ont tenté de se faufiler aux postes frontaliers de Ceuta et Melilla. Le 29 janvier, un enfant a perdu ses deux jambes après avoir été heurté par un camion dans lequel il voulait monter près du passage[54] de Beni Enzar. Le 5 février, deux jeunes Marocains tentant d’entrer à Melilla ont été pourchassés par la police espagnole – l’un a été arrêté et l’autre n’a toujours pas été retrouvé et pourrait être mort[55]. Le 13 janvier, la Guardia Civil a secouru une personne se cachant dans les moteurs d’un bateau de la société Transmediterránea. Il s’était coincé dans la zone des moteurs, mettant sa vie en danger[56].

Au cours de l’année 2018, 125 cas de refoulement, appelés «devoluciones en caliente» / «déportations à chaud», ont été documentés à Melilla et 533 cas à Ceuta. Il existe également probablement un nombre élevé de cas non signalés.Les données pour 2019 n’ont pas encore été publiées. Même si les soi-disant expulsions à chaud ont été condamnées par la Cour européenne des droits de l’homme et Unidas Podemos et que le gouvernement du PSOE[57] a même promis de mettre fin à cette pratique, les autorités espagnoles continuent d’appliquer cette mesure:

  • Le 19 janvier, deux migrants subsahariens ont été renvoyés «à chaud», l’un d’eux a été perché sur la clôture pendant deux heures et l’autre a été secouru par la Guardia Civil alors qu’il tentait de traverser la frontière pour rejoindre la jetée de Benzu. Ces événements ont eu lieu alors que les forces auxiliaires du Maroc retenaient quelque 300 personnes qui tentaient d’atteindre le sol européen[58].
  • Le 3 janvier, environ 40 personnes ont été «renvoyées a chaud» au Maroc, arrivées sur les îles Chafarinas
  • Le 13 janvier, Alarm Phone a été alerté de 35 personnes qui étaient entrées dans Melilla par la porte principale et ont été ramenées directement au Maroc (voir la section Nador)
  • Le 19 janvier, des centaines de jeunes essayant de passer à Ceuta se sont précipités vers le village marocain de Béliones et ont franchi la porte de sécurité que le Maroc a placée derrière la dernière entrée. Ils ont finalement été repoussés[59].

Un sérieux revers dans la lutte contre ces refoulements illégaux a été la décision de la CEDH rendue mi-février dans le cas de deux voyageurs qui ont poursuivi leur route vers l’Espagne après leur expulsion à chaud en août 2014. La CEDH a nié le procès et légitimé la pratique de l’expulsion de l’Espagne dans cette affaire ( plus d’informations ci-dessous: Dynamique politique)[60].

Mais malgré toute la répression et le renforcement des contrôles aux frontières, il y a encore des passages réussis, Boza, à signaler:

  • Le 18 novembre, 52 personnes (dont 2 enfants) ont franchi la frontière vers Ceuta en conduisant une camionnette à grande vitesse[61].
  • Le 8 décembre, cinq personnes ont été arrêtées après avoir franchi la frontière de Melilla en se cachant dans une voiture[62].
  • Le 24 décembre, 14 personnes ont tenté de sauter la clôture à Beni Ansar. Trois d’entre eux ont pu accéder à Melilla, les autres ont été arrêtés par la police[63].
  • Le 24 décembre, 11 personnes ont été secourues et emmenées à Ceuta[64].

À Ceuta, plusieurs actions renforçantes ont mis en lumière les luttes continues des voyageurs et la résistance croissante contre la politique déshumanisante de la forteresse Europe.

Le 18 décembre, Journée internationale des migrations, plusieurs organisations travaillant avec les nouveaux arrivants à Ceuta «ont profité de cette journée pour affirmer, entre autres, que« la migration n’est pas un danger »[65]. Des célébrations ont eu lieu sur la Plaza de los Reyes («place des rois»), notamment la danse et la lecture d’un manifeste proclamant l’égalité entre les personnes, indépendamment de leur lieu de naissance, sexe, religion ou couleur de peau.

Le 8 février 2020, la VII marche pour la dignité à Ceuta a eu lieu en mémoire du massacre du 6 février 2014 (voir la section d’Oujda ci-dessus). Avec le slogan «frente a vuestros muros, creamos puentes» («devant vos murs, nous créons des ponts»), plus de 134 organisations ont participé aux événements de cette «CommemorAction»[66].

Source: MJ Reduan

Lors de la préparation de l’événement, des centaines de personnes se sont réunies «pour continuer d’exiger la justice et de maintenir la flamme de la mémoire en vie». Au pied du brise-lames, un hommage a de nouveau été rendu aux morts. Cinq de ces morts reposent au cimetière de Santa Catalina, les autres sont restés au Maroc. Leurs noms ont été rappelés par les personnes présentes et avec une nouvelle plaque, symbolisant que le 6 février ne sera pas oublié.

Le 28 février, le nombre sans précédent de 8 000 personnes a défilé à Ceuta contre le racisme institutionnel, organisé par au moins 40 collectifs sociaux. Cette marche puissante a été une manifestation forte «pour la coexistence et contre le racisme».

Source: MJ Reduan

Dans notre dernier rapport, nous avons discuté du verdict du tribunal provincial de Cadix du 15 octobre contre 9 personnes qui, avec 602 voyageurs, avaient sauté la clôture de Ceuta le 26 juillet 2018. Elles ont été condamnés à 18 mois de prison pour avoir planifié et mené le saut. Ils ont également été condamnés à verser plus de 26 000 euros d’indemnisation au ministère de l’Intérieur et à la Guardia Civil ainsi qu’à diverses autres agences impliquées. Nous devons une nouvelle fois condamner les avancées récentes dans cette affaire : le parquet de Ceuta s’est opposé à l’appel déposé auprès de la Haute Cour de justice d’Andalousie (TSJA) par les neuf voyageurs[67]. Nous condamnons fermement le verdict, la persécution continue du groupe et l’injustice manifeste!

En outre, deux ans après la tragédie du 18 novembre 2017, alors qu’au moins trois, Mamadou Diallo, Amara Kaba et Kebe Ibrahim, mais probablement quatre voyageurs sont morts près des îles de Santa Catalina, les enquêtes de la police judiciaire de la Guardia Civil concernant qui pourraient être responsable de leur mort ont été fermés[68]. Pourtant, dans le cas de l’homme de 60 ans de nationalité italienne qui avait tenté de monter à bord d’un navire pour Algeciras avec un jeune marocain caché dans son véhicule, la justice espagnole pouvait agir rapidement et rigoureusement. Accusé de traite d’êtres humains, l’homme a été arrêté, son véhicule saisi et il a immédiatement été traduit en justice[69].

2.6 Algérie 

En janvier, les autorités algériennes ont publié une déclaration officielle affirmant que plus de 11 000 voyageu.se.r.s subsaharien.ne.s avaient été expulsé.e.s vers le Niger l’année passée. Les expulsions mensuelles visent des personnes de nationalité nigériane accusées de faire partie de «réseaux de mendicité», un crime en Algérie. Lors des raids, d’autres ressortissant.e.s subsaharien.ne.s sont également arrêté.e.s. Parmi les déporté.e.s, 358 personnes ne sont pas d’origine nigériane. En janvier, les déportations se sont poursuivies[70].

Les histoires de familles ou d’amis de voyageu.se.r.s disparu.e.s sont légion. L’espoir qu’un parent ou un ami disparu soit toujours vivant demeure dans les esprits et les cœurs. Dans les premières semaines de décembre, des familles ont manifesté pour obtenir des informations sur les harragas manquants en bloquant la frontière avec la Tunisie à Oum Tboul. Il y avait des rumeurs de harragas disparus détenus en Tunisie. Dans l’espoir de réponse, environ 200 personnes ont bloqué la frontière pendant environ 10 heures. Les autorités ont nié l’existence d’une liste de harragas détenu.e.s, affirmant que les conventions entre l’Algérie et la Tunisie garantissent que les harragas seront renvoyé.e.s dans leur pays d’origine, s’ils sont bloqué.e.s. Une liste avec les noms des disparu.e.s donnerait de l’espoir aux proches qui manquent à leurs proches[71][72].

L’une des nombreuses histoires rapportées est celle d’un bateau qui a été trouvé en décembre avec 3 personnes en vie et un mort. Les autorités n’ayant pas encore fourni d’informations complémentaires, personne ne sait ce qu’il est advenu des 8 autres personnes qui se trouvaient à bord[73]. Un incident similaire s’est produit deux semaines plus tard. Un petit bateau à rames gonflable transportant 17 jeunes Algériens est parti le 1er septembre. Le Salvamento Maritimo a sauvé 2 personnes mais il n’y avait aucun signe des autres. Une personne du Maroc a déclaré à des proches de disparu.e.s que les voyageu.se.r.s disparu.e.s étaient vivant.e.s et emprisonné.e.s au Maroc. Le rapport donne de l’espoir à leurs familles, mais sans réponse officielle ajoute également à leur confusion. La lutte pour trouver la vérité se poursuit pour toutes les familles des harragas disparu.e.s[74].

Beaucoup ont tenté d’atteindre les côtes de l’Europe à bord de petites barques à Noël. 231 personnes sont arrivées et 127 ont été interceptées et ramenées en Algérie[75][76]. Le 30 décembre, un bateau transportant 12 personnes a été secouru par un pétrolier, mais une personne est décédée d’hypothermie. Au cours des premiers jours de 2020, 314 personnes ont déjà été interceptées[77]. Dans le même temps[78], des raids visant des migrant.e.s subsaharien.ne.s ont eu lieu à Alger, des centaines ont été arrêtés[79]. À la mi-janvier, plus de 70 personnes sont arrivées en Espagne depuis les plages de Mostaganem, qui est actuellement le principal point de départ des harragas. Fin janvier, un bateau à rames de 11 personnes a été intercepté et 39 autres personnes qui avaient prévu de traverser ont été arrêtées. Dans les premiers jours de février, un jeune homme a été retrouvé mort sur les rives et tandis que sa famille et ses amis pleurent sa perte, d’autres personnes ne savent toujours pas le sort des 6 autres personnes qui étaient dans le même bateau à rames et sont maintenant disparues[80]. Le 14 février, les garde-côtes algériens ont sauvé 6 personnes d’un bateau qui avait disparu 6 jours plus tôt. Tou.te.s ont été retrouvé.e.s vivant.e.s et amené.e.s au port. Un jour plus tard, 12 personnes ont été interceptées[81]. 

3 Dynamique politique en Méditerranée occidentale

Ces derniers mois, la rhétorique du ministre de l’Intérieur, Grande-Marlaska, est devenue plus belliqueuse. Les déportations vers la Mauritanie ont été réactivées en raison de l’augmentation du nombre de bozas sur la route des îles Canaries. Dans le même temps, des femmes et des enfants ont commencé à être expulsés des îles Chafarinas vers le Maroc (voir ci-dessus). Jusqu’en janvier, ils ont été emmenés au CETI à Melilla, bien que des hommes aient été déportés au Maroc[82]. Bien qu’il ait affirmé dans ses dernières déclarations qu’il se félicitait de la décision de la Cour EDH[83] sur les déportations a chauds, Marlaska a néanmoins évité de donner des réponses explicites sur les actions et les lignes directrices que son ministère introduira à la suite de la décision de la Cour européenne. Il menace également une nouvelle loi sur l’asile plus restrictive, bien que l’Espagne ait l’un des taux d’octroi de l’asile les plus bas d’Europe.

En juin 2019, l’accord bilatéral de 2003 entre le Royaume d’Espagne et la République islamique de Mauritanie sur l’immigration a été réactivé avec un vol FRONTEX de Madrid à Noadhibou, en Mauritanie. Les déportations ont également été accélérées en début d’année. Le mécanisme national du Médiateur pour la prévention de la torture a documenté quatre vols Frontex au départ de Madrid, de Grande Canarie et de Ténérife vers la Mauritanie, dont au moins trois concernaient des citoyens de pays tiers subsahariens. Sur ces vols, au moins 88 personnes ont été expulsées, dont seulement huit étaient des Mauritaniens. La plupart des déportés sont des ressortissants maliens (72), les autres viennent du Sénégal et de la Côte d’Ivoire[84]. Ce refoulement des ressortissants de pays tiers repose sur la simple présomption d’avoir transité par leur territoire. La République islamique de Mauritanie est un pays où, selon des organisations comme Amnesty International, les droits de l’homme ne sont pas respectés[85].

Nous voudrions exprimer notre inquiétude face à ces déportations de citoyens maliens vers la Mauritanie. Il s’agit d’une forme de retour indirect dans un pays en conflit. Cette pratique est contraire au principe de non-refoulement en raison du conflit armé ouvert qui sévit dans le nord du Mali depuis 2012 et qui s’est intensifié et s’est étendu à d’autres régions du pays ces derniers mois. Au moins un des citoyens maliens expulsés a rapporté qu’il avait été détenu en Mauritanie pendant trois jours sans nourriture ni eau, avant d’être abandonné à la frontière malienne. Il affirme également qu’il n’a pas été informé de son droit de demander une protection internationale en Espagne[86].

En février, nous avons dû assister à un grave revers pour les droits des réfugiés et des migrants: la Cour européenne des droits de l’homme[87] a finalement rejeté les plaintes de deux voyageurs subsahariens qui avaient tenté de franchir la barrière frontalière séparant le Maroc de l’enclave espagnole de Melilla le 13 août 2014 et ont été repoussés immédiatement. Ils ont poursuivi l’État espagnol en justice pour cette action, affirmant qu’elle violait leurs droits en tant qu’êtres humains. La Cour EDH a maintenant jugé que ce “refoulement à chaud” n’a pas violé les droits de l’homme dans ce cas spécifique parce que les personnes concernées ont décidé de sauter la clôture au lieu de suivre les procédures légalement établies, soit dans les consulats espagnols de leur pays d’origine au bureau d’asile du poste frontière de Beni Ansar, qui est déjà sur le terrain réclamé par l’Espagne. Le tribunal a estimé que le fait d’avoir choisi de sauter la clôture au lieu d’utiliser les voies légales d’accès les place en marge de la légalité et de la Convention européenne des droits de l’homme. Selon la Cour EDH, les hommes étaient responsables de leur propre “devolución en caliente”, expulsion à chaud, et n’avaient aucun droit à une procédure individuelle telle qu’établie par la loi espagnole, ni aux soins de santé, sans parler du droit à la protection internationale que nous avons tous (devrions avoir). Le tribunal ne semble pas avoir fait beaucoup de recherches sur la réalité de la frontière de Melilla où les personnes d’origine subsaharienne ne peuvent même pas s’approcher du poste frontière, encore moins le traverser pour accéder au bureau d’asile[88]. Sa décision a été largement critiquée comme «ignorant complètement la réalité» de la zone frontalière, accompagnée de la crainte que ces pratiques ne deviennent un modèle pour d’autres États le long des frontières terrestres extérieures de l’Union européenne[89].

Tout semble indiquer que l’Espagne continuera d’externaliser la frontière sud de l’Europe avec le Maroc tandis que ce dernier recevra un financement généreux de l’UE. La nouvelle ministre des Affaires étrangères, Arancha Gonzalez Laya, a été la première à visiter le pays voisin où elle a promis de renforcer le contrôle de la migration des côtes marocaines vers les côtes espagnoles. Les relations du Maroc avec l’UE, avec l’Espagne comme lien, figuraient parmi les principaux problèmes bilatéraux[90].

Entre-temps, des sources policières marocaines ont confirmé à l’agence de presse espagnole EFE leur première acquisition de plus de 1 300 véhicules donnés par l’Union européenne (UE). Ils surveilleront la côte marocaine dans le cadre du programme “Contrôle des frontières”. Les véhicules font partie des 140 millions d’euros d’aide accordés par l’Union européenne fin 2018 dans le cadre du Fonds fiduciaire d’urgence de l’UE pour l’Afrique. Le support comprend un réseau technologique et de communication sophistiqué. 15 “unités de véhicules aériens sans pilote” (drones) font partie d’un ensemble distinct, ainsi que quatre lots d’équipements radio et cinq autres de radars maritimes, GPS portable, systèmes de cartographie et autres dispositifs de surveillance[91].

4 Naufrages et personnes disparues

Les conséquences mortelles des frontières sont prouvées quotidiennement. Certaines cartes récemment mises à jour par Nicolas Lambert montrent l’étendue des décès dans les zones frontalières depuis 1993, bien sûr, elles sont basées uniquement sur des données connues. Les décès non déclarés ne sont même pas inclus:

Map from Nicolas Lambert. Source: Neocarto 

Il est important de documenter et de compter les décès, mais les gens ne sont pas des numéros anonymes et chaque incident, chaque victime du régime frontalier mérite d’être rappelée. Chaque jour, des bateaux partent et des tragédies se produisent régulièrement. Le travail d’Alarm Phone a lieu tous les jours. Nous avons à peine le temps de digérer les nouvelles des épaves et des personnes décédées qui, dans certains cas, nous ont parlé quelques instants avant leur mort inutile. En écrivant la liste des naufrages et des personnes disparues, nous essayons au moins de documenter le sort de certaines personnes qui étaient parties pour tenter leur chance, mais qui n’ont pas pu atteindre l’Europe ou ont disparu. Nos condoléances à leurs familles et ami.e.s. Qu’ils reposent en paix et que notre chagrin et notre colère brûlent leurs frontières.

Le 1er novembre, un naufrage s’est produit au large de l’île de Lanzarote. Sur les 15 personnes à bord, seules 4 ont survécu. 9 cadavres ont pu être retrouvés, mais 2 sont toujours portés disparus[92].

Le 26 novembre, un naufrage s’est produit au large de Nador. Du groupe composé de 71 personnes, 3 corps ont été retrouvés, une personne est décédée à l’hôpital et 23 sont toujours portées disparues[93].

Le 27 novembre, selon Caminando Fronteras, un zodiac transportant 73 personnes a complètement disparu dans la mer d’Alboran[94].

Le 27 novembre, un bateau dérivant avec 78 personnes a été secouru et les personnes ont été transportées à Melilla par les garde-côtes espagnols. Parmi ces personnes, cinq sont dans un état critique. 10 personnes sont toujours portées disparues et trois sont mortes[95].

Le 5 décembre, au moins 63 personnes se sont noyées dans un naufrage au large des côtes mauritaniennes. Les 82 survivant.e.s ont indiqué que leur bateau avait initialement transporté environ 150 personnes[96].

Le 10 décembre, la marine royale marocaine a trouvé un bateau au large de Saïdia, parti d’Algérie. 3 survivant.e.s ont pu être secouru.e.s et un cadavre retrouvé. Il semblerait que 8 autres personnes ont disparu au cours de ce périlleux voyage[97].

Le 12 décembre, à quelques kilomètres de Motril, un bateau de 46 personnes a chaviré, 1 personne s’est noyée et 5 ont disparu.

Le 16 décembre, un bateau avec 98 personnes à bord a chaviré dans la mer d’Alboran, à environ 25 km au large de Nador, après qu’un incendie se soit déclaré à bord. 7 personnes sont mortes et 24 ont disparu[98].

Le 16 décembre, 73 personnes ont atteint l’île d’Albora. L’un d’eux était un homme qui est décédé en cours de route[99].

Le 17 décembre, un naufrage s’est produit au large de Motril dans la mer d’Alboran. Une personne est décédée, 5 autres ont disparu[100].

Le 20 décembre, 28 personnes sont arrivées à Chafarinas. Selon les rapports publiés par la militante Helena Maleno, une femme est décédée[101].

Le 24 décembre, le corps d’un garçon a été retrouvé sur la plage de Sarchal, Ceuta[102].

Le 30 décembre, un corps a été retrouvé à Calamocarro, Ceuta[103].

Le 4 janvier, une personne est décédée et une autre a été portée disparue lors du sauvetage de 3 bateaux par Salvamento Maritimo au large de Murcia[104].

Le 5 janvier, un corps a été rejeté à terre sur la plage de Sidi Hssain, Tazaghine[105].

Le 5 janvier, un homme d’origine subsaharienne est décédé dans un bateau de 59 personnes en route vers les îles Canaries, comme l’a rapporté l’espagnol Cruz Roja[106].

Le 7 janvier, une personne a disparu dans le détroit de Gibraltar lorsqu’un bateau transportant 12 personnes a chaviré. 11 ont été secourus, mais une personne est toujours portée disparue[107].

Le 8 janvier, une femme a accouché sur un bateau au large de Lanzarote avec 42 personnes à bord. Le bébé est finalement décédé, comme l’a rapporté Caminando Fronteras[108].

Le 12 janvier, un cadavre a été retrouvé sur la plage de Karyat Arekmane, près de Nador[109].

Le 12 janvier, un corps a été retrouvé près d’Almería, en Espagne, vraisemblablement d’origine subsaharienne[110].

Le 5 février, 6 harraga algériens ont disparu après avoir commencé leur périlleux voyage en canot pneumatique. Le corps d’un des membres du groupe a été retrouvé dans la mer, les autres sont toujours portés disparus[111].

Le 9 février, un corps a été retrouvé au large de Benabdelmalek Ramdane, près de Mostaganem, en Algérie. Un pêcheur a trouvé le corps dans son filet[112].

Le 9 février, au moins 2 personnes se sont noyées à 800 km au sud des îles Canaries. 18 personnes ont été sauvées vivantes, mais dans des conditions très périlleuses[113].

Le 17 février, un bateau transportant initialement 28 passag.er.ére.s, en provenance de Dakhla, a chaviré après trois jours de mer. 14 personnes ont perdu la vie[114].

Le 18 février, un bateau avec 18 ressortissant.e.s algérien.ne.s a disparu. Depuis lors, aucune trace n’a été retrouvée des jeunes harragas d’Annaba et de Guelma[115].

Le 27 février, une personne est décédée dans un bateau de 35 personnes parti de Dakhla vers les îles Canaries dans la nuit du 24 février[116].

 

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[1] https://www.yabiladi.com/articles/details/89016/maroc-plus-migrants-auraient-deplaces.html

[2]The study confirms that the Moroccan harraga are mainly young people with an average age of 25.3 years. The HCP survey shows that migration also concerns a large section of Moroccan society living in the country. 25% of persons intending to emigrate have secondary or higher education. This compares with 12.4% among those with no education. In addition, 4 out of 10 (40.6%) people with vocational training intend to emigrate, the survey noted.

https://www.yabiladi.com/articles/details/87404/marocains-l-emigration-sont-plus-plus.html

[3] https://www.hcp.ma/Premiers-resultats-de-l-Enquete-du-Haut-Commissariat-au-Plan-sur-la-Migration-Internationale-au-cours-de-2018-2019_a2443.html

[4] https://data2.unhcr.org/en/documents/download/74269

[5] https://data2.unhcr.org/en/country/esp

[6]  https://elpais.com/politica/2020/02/17/actualidad/1581966412_594939.html

[7] https://data2.unhcr.org/en/documents/download/74269

[8]http://watchthemed.net/index.php/reports/view/1397

[9] https://www.yabiladi.com/articles/details/86764/maroc-sept-migrants-decedes-disparus.html

[10] https://alarmphone.org/en/2019/11/12/the-hidden-battlefield/?post_type_release_type=post

[11] Source: Alarm Phone Oujda

[12] Interview with local contact, January 30, 2020.

[13]  https://www.h24info.ma/maroc/migrants-un-reseau-de-passeurs-demantele-a-tanger/

[14] Interview with local contact, January 29, 2020. 

[15]https://beatingborders.wordpress.com/2015/02/11/call-out-for-support-after-massive-police-raids-and-deportations-in-gurugu/

[16] https://elfarodemelilla.es/cronologia-de-un-cambio/?fbclid=IwAR12XusS6TKwHR26Bv8z_DpuYZfTc-UxxvLD7nZz1kmwwUJ9zaXkYsvQByg

[17] https://www.refworld.org/docid/3ae6b4ed5c.html

[18] https://www.facebook.com/AmdhNador/posts/2535432756668984

[19] https://www.facebook.com/AmdhNador/photos/a.1693125780899690/2504996626379264/?type=3&theater

[20] https://www.yabiladi.com/articles/details/85882/maroc-refoulements-subsahariens-vers-frontiere.html

[21] https://alarmphone.org/en/2019/03/20/the-european-refoulement-industry-at-sea-alarm-phone/?post_type_release_type=post

 https://en.wikipedia.org/wiki/Plazas_de_soberan%C3%ADa

[22] https://en.wikipedia.org/wiki/Plazas_de_soberan%C3%ADa

[23] http://watchthemed.net/index.php/reports/view/1431

[24] https://twitter.com/walkingborders/status/1213159278560907264

[25] https://reliefweb.int/report/spain/spain-summary-expulsion-42-people-morocco

[26] https://telquel.ma/2019/12/17/sept-personnes-decedees-dans-un-naufrage-en-mediterranee_1661238?paged=354&exclude=1661238&main_post=1661238

[27] https://www.facebook.com/Migrants-Morts-et-Disparus-au-Maroc-116047946448880/

[28] https://www.facebook.com/AmdhNador/posts/2522990987913161

[29] https://www.facebook.com/AmdhNador/posts/2530429767169283

[30] https://elpais.com/politica/2019/11/29/actualidad/1575040711_248908.html

[31] https://elpais.com/politica/2020/02/17/actualidad/1581966412_594939.html

[32] Data from the 9th of February: https://data2.unhcr.org/en/situations/mediterranean/location/5226

[33] https://www.laprovincia.es/canarias/2020/02/06/500-pescadores-artesanales-dajla-huyeron/1251906.html

[34]  https://elpais.com/politica/2019/11/07/actualidad/1573120848_480071.html

[35] https://www.yabiladi.com/articles/details/87779/migration-l-annee-2020-commence-nouveaux.html

[36]Source: Helena Maleno’s Facebook page, approximate numbers

[37] https://elpais.com/politica/2019/12/04/actualidad/1575495269_543710.html

[38] https://www.elmundo.es/espana/2020/02/09/5e3fe7ae21efa03d088b460c.html

[39] https://www.yabiladi.com/articles/details/88904/l-espagne-sollicite-l-aide-maroc-pour.html

[40]https://www.elsaltodiario.com/fronteras/cie-barrancoseco-no-garantiza-trato-digno-reforma-millon-medio-euros

[41] https://elpais.com/politica/2020/02/02/actualidad/1580677333_482693.html

[42] https://www.ecchr.eu/en/case/europes-treacherous-borders-seeking-justice-for-ceuta-victims/

[43]https://www.lavanguardia.com/vida/20191031/471298980782/archivan-la-causa-contra-16-guardias-civiles-acusados-en-el-caso-del-tarajal.html

[44]https://elfarodeceuta.es/memoria-muertos-6f-ceuta-marcha-dignidad/

[45]http:/ceutatv.com/art/18243/ceuta-a-punto-de-cerrar-el-ano-con-casi-500-entradas-menos-que-en-2018, (23.12.2019)

http://www.ceutaldia.com/articulo/sucesos/inmigracion-cae-32-ciento-ceuta-dispara-numero-pateras-interceptadas/20191229112031212378.html?fbclid=IwAR3VrtLk1fwlhu0Zc3FTnCnPGixrodByWgY_tT9gWumfVFxjKhWKICe4g, (29.12.19)

[46]https://elfarodeceuta.es/historas-olvidadas-inmigracion/?fbclid=IwAR387ZKM6xW1l1G9W0fvR9TNO9EiqV8DMKBfVYitvFEKWuJ78rqyh6k2TPc (03.01.2020).

[47] https://elpais.com/politica/2019/11/15/actualidad/1573835287_988108.html (15.11.19)

[48]https://www.abc.es/espana/abci-marruecos-concluye-valla-concertinas-para-dejar-interior-retire-ceuta-201910270229_noticia.html (28.10.2019)

[49]https://www.eldiario.es/desalambre/valla-futura-Melilla-Ceuta_0_997050610.html

[50]https://elfarodeceuta.es/blindaje-puerto-ceuta/ (8.11.2019)

[51]Asociación Pro Derechos Humanos de Andalucía – Andalusian Association for Human Rights

[52]https://www.publico.es/sociedad/menas-ceuta-blinda-puerto-gran-muro-hormigon-evitar-menores-migrantes.html (9.11.2019)

[53]https://elfarodeceuta.es/operacion-puerto-casas-escolleras/ (15.01.20)

[54]https://elfarodeceuta.es/menor-pierde-piernas-nador/?fbclid=IwAR2TpUGfIUoqyve84GFwlHswxMQgn6Yh1Bcma5FeW0gQHPT-93lAIEJGIts (30.11.2019)

[55]https://www.facebook.com/AmdhNador/posts/2540756189469974 (5.02.2010)

[56]https://www.facebook.com/241387186898/posts/10156730308766899/?sfnsn=scwspmo&extid=1eca5wq1S97MQaT7 (13.01.19)

[57]Partido Socialista Obrero Español

[58]https://elforodeceuta.es/nuevo-gobierno-espana-devuelve-caliente-dos-migrantes-subsaharianos/

[59] https://elfarodeceuta.es/intento-entrada-subsaharianos-ceuta/0/ (19.01.20)

[60]https://hudoc.echr.coe.int/spa#{%22documentcollectionid2%22:[%22GRANDCHAMBER%22,%22CHAMBER%22]}

[61]https://www.eldiario.es/desalambre/furgoneta-migrantes-revienta-Ceuta-velocidad_0_964853541.html (18.11.19)https://elfarodeceuta.es/subsaharianos-furgoneta-kamikaze-asilo/(24.11.19)

[62]https://m.nadorcity.com/%D8%A5%D9%8A%D9%82%D8%A7%D9%81-%D8%B4%D8%A7%D8%A8%D8%A9-%D8%AD%D8%A7%D9%88%D9%84%D8%AA-%D8%AA%D9%87%D8%B1%D9%8A%D8%A8-5-%D9%85%D9%87%D8%A7%D8%AC%D8%B1%D9%8A%D9%86-%D8%A3%D9%81%D8%A7%D8%B1%D9%82%D8%A9-%D8%A5%D9%84%D9%89-%D9%85%D9%84%D9%8A%D9%84%D9%8A%D8%A9-%D8%AF%D8%A7%D8%AE%D9%84-%D8%AA%D8%AC%D9%88%D9%8A%D9%81%D8%A7%D8%AA_a82072.html (8.12.2019)

[63]http://www.ariffino.net/nador/%d9%81%d9%8a-%d8%b9%d9%85%d9%84%d9%8a%d8%a9-%d8%ba%d9%8a%d8%b1-%d9%85%d8%a3%d9%84%d9%88%d9%81%d8%a9-14-%d8%ac%d8%b2%d8%a7%d8%a6%d8%b1%d9%8a%d8%a7-%d9%88-%d8%aa%d9%88%d9%86%d8%b3%d9%8a%d8%a7-%d9%8a (24.12.19)

[64]
https://elfarodeceuta.es/inmigrantes-rescatados-noche-navidad/ (24.12.19)

[65]https://elfarodeceuta.es/dia-internacional-migraciones-2019/?fbclid=IwAR0fvW2fIOW7fb9VUHdRwhIFGH8jOKDX1c6RVleCK3JqYX0oDGXW026BDCY (18.12.19)

[66]https://elpueblodeceuta.es/art/44675/rontome-la-marcha-por-la-dignidad-esta-politizada-y-viene-a-perjudicar-la-imagen-de-ceuta-y-de-las-fcse (30.01.2020).

[67]http://ceutaldia.com/articulo/sucesos/fiscalia-apoya-entrada-prision-9-migrantes-condenados-salto-violento-valla/20191215133041211599.html (15.12.2020)

[68]https://elfarodeceuta.es/inmigracion-crimenes-sin-resolver/ (21.12.19 )

[69]http://ceutatv.com/art/18546/detenido-un-sexagenario-cuando-trataba-de-embarcar-con-un-joven-marroqui-oculto-en-su-vehiculo (08.01.2020)

[70]http://www.rfi.fr/fr/afrique/20200115-algerie-reprise-expulsions-migrants-niger

[71]https://www.elwatan.com/edition/actualite/des-centaines-de-tunisiens-et-dalgeriens-nont-pas-pu-y-acceder-de-part-et-dautre-des-familles-de-harraga-disparus-bloquent-le-poste-frontiere-doum-tboul-01-12-2019

[72]https://www.elwatan.com/edition/actualite/poste-frontalier-doum-tboul-el-tarf-lacces-ferme-par-des-familles-de-harraga-09-12-2019

[73]https://www.elwatan.com/regions/ouest/tlemcen/tlemcen-les-harraga-reprennent-la-mer-14-12-2019

[74] https://www.liberte-algerie.com/ouest/que-sont-devenus-les-15-harraga-de-relizane-330944

[75]https://www.alg24.net/harraga-interceptes-espagne-mostaganem/

[76] https://algeria-watch.org/?p=73013

[77]https://www.algerie360.com/rafle-dune-centaine-de-migrants-subsahariens-a-alger/

[78]https://www.elwatan.com/regions/ouest/mostaganem/mostaganem-sept-embarcations-de-harraga-prennent-le-large-vers-lespagne-21-01-2020

[79]https://www.alg24.net/oran-une-tentative-demigration-clandestine-de-11-harraga-avortee/

[80]https://www.elwatan.com/regions/ouest/actu-ouest/relizane-six-harraga-portes-disparus-05-02-2020

[81]https://dia-algerie.com/mostaganem-echec-dune-tentative-demigration-clandestine-et-arrestation-de-12-personnes/

[82] https://euobserver.com/opinion/147429

[83]https://www.publico.es/politica/marlaska-evita-definir-protocolo-devoluciones-caliente-sentencia-estrasburgo.html

[84]https://www.masquecifras.org/

[85]https://www.amnesty.org/en/search/?q=mauritania

[86] https://elpais.com/politica/2020/02/06/actualidad/1581003885_273856.html

[87]https://hudoc.echr.coe.int/spa#{%22documentcollectionid2%22:[%22GRANDCHAMBER%22,%22CHAMBER%22],%22kpdate%22:[%222020-01-23T00:00:00.0Z%22,%222020-02-23T00:00:00.0Z%22],%22organisations%22:[%22ECHR%22],%22itemid%22:[%22001-201353%22]}

[88]https://www.eldiario.es/desalambre/personas_0_344715815.html

[89]https://www.theguardian.com/world/2020/feb/13/european-court-under-fire-backing-spain-express-deportations (13.02.2020)

[90] https://elpais.com/politica/2020/01/23/actualidad/1579793938_691443.html

[91] https://www.yabiladi.com/articles/details/87006/migration-irreguliere-maroc-recoit-premiers.html

[92]https://www.infomigrants.net/fr/post/20690/mort-de-neuf-migrants-apres-un-naufrage-au-large-de-l-ile-espagnole-de-lanzarote?fbclid=IwAR2VW9NDXE0-24VHjqf0Tr4TqtS0RA2pQcOLdyL0LJHoenKOyLAeU7UdCqM&ref=fb_i

https://elpais.com/politica/2019/11/07/actualidad/1573120848_480071.html

[93]https://www.facebook.com/photo.php?fbid=2838422126190086&set=a.456784147687241&type=3&theater

[94]https://www.facebook.com/helena.malenogarzon/posts/2886430928055872

[95]https://www.facebook.com/photo.php?fbid=2838422126190086&set=a.456784147687241&type=3&theater

[96]https://elpais.com/politica/2019/12/04/actualidad/1575495269_543710.html

[97]https://www.elwatan.com/regions/ouest/tlemcen/tlemcen-les-harraga-reprennent-la-mer-14-12-2019

[98]https://elpais.com/politica/2019/12/16/actualidad/1576497910_984031.html

[99]https://www.heraldo.es/noticias/nacional/2019/12/17/fallecido-cinco-desaparecidos-patera-rescatada-35-millas-motril-46-personas-1349312.html

[100]ttps://www.heraldo.es/noticias/nacional/2019/12/17/fallecido-cinco-desaparecidos-patera-rescatada-35-millas-motril-46-personas-1349312.html

[101]https://elfarodeceuta.es/encontrado-cadaver-calamocarro/

[102]https://elfarodeceuta.es/encontrado-cadaver-calamocarro/

[103] https://www.eldiario.es/murcia/sociedad/muerto-desaparecido-migrantes-llegados-Region_0_981652032.html

[104]https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=178217036898637&id=116047946448880&__xts__%5B0%5D=68.ARBr9QzsVRNmiTkY824YKjhE3TLnWp5SAPM4hKfuRTextjR7rxPfZa3QiEADyp1OpHTGlQ_DHkzMXHHdcjELsw1tHKMJfuAycdassXeCZvSroJ0U4pq23U58yqMN_6VcMGWOFPQHPQZU4fXrNoKbEQzKaOdrtIqkoqUrMnBcZJmqoD5IXJTeCf80JdTcBOtCIoNtx7fB9jg7JEojdqzkbx_9cBMu2iTLASWya5yL8Rfc7xNR0RvPRD8h-NijdI-pAd4kLJie8dgKKg_ny_XABQBFZ6q0JvzeLBE2uP-zx3DzmtOO1vJaAMcmvfHEZfThN3M6Nkc7Mauov2RUf6iCMEQ&__tn__=-R

[105]https://cadenaser.com/emisora/2020/01/06/ser_las_palmas/1578290545_797276.html

[106]https://www.lavanguardia.com/vida/20191216/472269623516/siete-personas-mueren-en-el-naufragio-de-una-patera-y-otras-24-estan-desaparecidas-segun-caminando-fronteras.html

[107] Source: Alarm Phone

[108]https://twitter.com/HelenaMaleno/status/1214924160222322688?s=20

[109] https://www.facebook.com/Migrants-Morts-et-Disparus-au-Maroc-116047946448880/

[110]https://web.archive.org/web/20200113103224/https://www.diariodealmeria.es/almeria/Hallado-cadaver-Cuevas-procedente-patera_0_1427557553.html

[111]https://www.elwatan.com/regions/ouest/actu-ouest/relizane-six-harraga-portes-disparus-05-02-2020

[112]https://archive.ph/xKPTa

[113] https://www.elmundo.es/espana/2020/02/09/5e3fe7ae21efa03d088b460c.html

[114] Source: Alarm Phone

[115]https://www.observalgerie.com/algerie-18-harraga-disparus-en-mer-depuis-une-semaine/2020/?fbclid=IwAR0luKYRwPGcl5Xtqs4HekVX1MCvQhD960qrh1OHLWqA7jHUt1zMYrr144c

[116]Source: Alarm Phone