L'industrie Européenne des Refoulements en Mer

+++ 282 décès en mer Méditerranée cette année +++ refoulements en Lybie par des acteurs étatiques et commerciaux +++ Villes solidaires/ Barcelone +++ 45 décès lors d’un naufrage au large du Maroc ++++ Développements dans les 3 régions de la Méditerrannée +++ résumé des 29 cas de détresse suivis par Alarmphone +++

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Introduction

En février 2019, Fabrice Leggeri, directeur de l’agence européenne aux frontières Frontex a annoncé qu’il n’y avait « pas de crise urgente concernant le franchissement irrégulier des frontières extérieures », soulignant la chute des arrivées entre 2017 et 2018. Cependant, suggérait-il, des contrôles aux frontières plus stricts étaient nécessaires. Alors que l’an dernier, en fait, les passages en Grèce et en Espagne ont augmenté, la diminution globale des arrivées via la mer, en 2018, découle de l’offensive européenne contre les migrant·es quittant la Libye. Avec seulement 23000 arrivées environ par la route maritime de la Méditerranée centrale, le nombre des arrivées a chuté de près d’une centaine de millier de personnes par rapport à l’année précédente. Cette diminution dramatique n’est pas due à une réduction des besoins et de la volonté des personnes de traverser : c’est simplement le résultat d’une pratique déplorable de confinement et de dissuasion, conduite par l’Europe avec ses alliés. Actuellement, des crises importantes, provoquées par la politique européenne aux frontières, existent non seulement sur les frontières maritimes extérieures, mais également en dans les sinistres camps de détention en Libye. Nous pouvons parler d’une véritable « industrie du refoulement », en Méditerranée centrale, où plusieurs autorités rassemblent leurs forces pour enlever ceux qui s’échappent par la mer et pour les ramener dans des camps inhumains où de sévères atrocités sont commises chaque jour. Dans cette industrie des refoulements, comme AlarmPhone l’a plusieurs fois montré, des bateaux commerciaux sont également impliqués par les gouvernements européens, les institutions de l’union européenne, leurs alliés en Afrique du nord et ailleurs, violant systématiquement les droits humains et les lois maritimes. En mer Egée, nous avons également été témoins de manière répétée de push or pull-back (refoulements), à la fois aux frontières maritimes et terrestres. Pendant ce temps, en Méditerranée occidentale, le gouvernement espagnol teste de nouveaux dispositifs de refoulement systématique vers le Maroc des personnes sauvées en mer.

A la lumière de ces attaques concertées contre la mobilité humaine et les droits humains, une lutte collective des populations est nécessaire, à la fois en mer et sur terre. Fin février et début mars, AlarmPhone a participé à un rassemblement transnational à Barcelone, pendant lequel des personnes d’Espagne, Italie, Tunisie, Belgique, France, Suisse, Allemagne et d’autres pays se sont réunies pour élaborer des stratégies afin d’empêcher les morts en mer, de contrer « l’industrie du refoulement » et de créer des cités ouvertes et accueillantes pour les personnes sauvées en mer. Presque toutes les ONG de sauvetage en mer étaient représentées, ainsi que des militant·es impliqué·es dans différentes actions, comme Welcome to Europe/Bienvenue en Europe, Pont maritime, Villes solidaires, et des représentant·es de municipalités progressistes d’Italie, d’Allemagne et d’Espagne.

Group of people behind a banner in Barcelona

Nous nous sommes demandé.es, en tant que militant.es, acteurs de la société civile, sauveteurs en mer et municipalités, comment nous pourrions œuvrer à la (ré-)ouverture des ports européens aux personnes sauvées. Nous avons discuté de l’opportunité de créer un MRCC Civil (Maritime Rescue Coordination Center/ Centre de Coordination des Secours en Mer), puisque les MRCC officiels en Europe, et en particulier ceux d’Italie et de Malte, ont cessé de remplir leurs fonctions en n’assumant plus la responsabilité qui leur incombe de coordonner les opérations de sauvetage.

Nous avons discuté de nos moyens de soutenir celles et ceux arrivé.es en Europe jusqu’à leurs destinations souhaitées. A la lumière des changements permanents il est bien sûr très difficile pour nous d’évaluer comment la situation va évoluer en Méditerranée pendant les prochains mois.  Cependant nous sommes certain.es de devoir poursuivre nos initiatives et continuer à renforcer les formes de résistance transnationale afin d’ouvrir des corridors de solidarité, de la mer aux villes.

200 000 personnes ont manifesté à Milan début mars et ont réclamé l’ouverture des ports, ont protesté contre le décret Salvini et contre les inégalités sociales et économiques croissantes dans le pays : elles ont montré à l’Italie et au monde qu’un mouvement de masse en faveur de la liberté de circulation peut exister.

Évolutions en Méditerranée Centrale

Comme au mois de janvier, pendant le mois de février les tentatives de rejoindre l’Espace Schengen ont été rares. Sur l’ensemble du mois de février, seulement 60 personnes ont atteint l’Italie par cette route. Il faudrait remonter de nombreuses années auparavant pour retrouver un mois avec un chiffre aussi bas. Jusqu’à présent, en 2019, environ 470 personnes ont réussi à s’échapper de Libye par bateau. Il semble que, pour l’instant, l’industrie européenne du refoulement fasse ce qu’elle est censée faire : dissuader les gens et les contenir à tout prix en Libye, comme cela a été démontré une fois de plus les 11 et 12 février lorsque AlarmPhone a été appelé par deux groupes de voyageurs qui ont finalement été refoulés contre leur gré.

Le 11 février, AlarmPhone a été appelé par un bateau en détresse qui transportait environ 130 personnes, dont de nombreux.euse.s femmes et enfants. Les voyageur.euse.s étaient parti.es de Khoms mais leur moteur s’était arrêté en cours de route, certains passagers étaient malades et certaines femmes enceintes. Nous avons alerté les gardes-côtes italiens et maltais, mais comme souvent auparavant, la responsabilité a été rejetée et les dits gardes-côtes libyens ont été informés. Quelques heures après, nous avons perdu le contact avec le bateau, et nous avons appris seulement plus tard qu’ils avaient effectivement été refoulés en Libye. Même l’OIM, un “gestionnaire” plutôt controversé de la migration internationale, s’est inquiétée de leur retour dans des “ports peu sûrs en Libye”. Un jour plus tard, le 12 février, des survivant.es d’une traversée de la Méditerranée nous ont appelés de la mer alors qu’ils et elles étaient illégalement renvoyé.es en Libye sur un navire marchand. Comme à tant d’autres avant eux, l’équipage du bateau a menti aux 62 personnes leur disant qu’ils et elles seraient conduit.es en Europe. Une des survivant.es nous a dit ce qui leur est arrivé :

“C’est arrivé hier soir vers 23h00. Nous avions été loin, nous pensions même avoir atteint l’Italie quand nous avons vu quelque chose devant nous qui était grand comme une montagne. Les gens souffraient, et je pensais que certains d’entre eux étaient déjà morts. Nous étions 62 personnes, tous des hommes et une seule femme. Finalement, un bateau nous a emmené.es et nous sommes entré.es dans ce bateau. Ils nous ont dit ‘nous irons à Rome’. Puis ils nous ont donné des biscuits et aussi des médicaments. Nous nous sommes endormi.es parce que nous étions épuisé.es. Nous ne savions même pas où ils allaient nous amener. A 8h45, nous nous sommes réveillé.es à Tripoli. La police libyenne nous a sorti.es du bateau et nous a arrêté.es. Nous souffrons vraiment ici. Si nous avions su à l’avance ce qu’ils feraient de nous, nous aurions mieux fait de mourir. Tu sais, on a dû fuir après la mort de mon beau-père. Il ne nous reste plus rien. Nous ne pouvons pas revenir en arrière et pas aller de l’avant. Nous avons dépensé tout ce que nous avions à payer pour le bateau vers l’Italie. Vous devez nous aider ! C’est aux Européens de nous aider et de mettre fin à cette souffrance !”

Cette forme de “refoulement commercial”, dans laquelle des cargos renvoient des migrant.es secouru.es vers un endroit comme la Libye, a augmenté ces derniers mois, et cela représente une violation grave du droit international et des conventions relatives aux réfugié.es. Outre que ceux documentés en février, AlarmPhone avait témoigné de plusieurs cas du même genre en janvier qui continuent en mars. Le 8 mars, le navire ravitailleur Vos Triton sous pavillon de Gibraltar a récupéré 54 personnes dans les eaux internationales pour les ramener en Libye, à Tripoli.

Ces violations témoignent du nouveau niveau de chaos en mer. Les acteurs commerciaux sont pris entre deux feux, conscients qu’ils violeraient le principe de non-refoulement en débarquant les personnes sauvées en Libye, mais aussi que toute tentative de débarquement des personnes en Europe serait semée d’embûches. Il n’est donc pas très surprenant qu’au lieu de risquer une longue impasse près des côtes européennes ces cargos commerciaux choisissent la “voie de la facilité” et ramènent les gens dans des conditions dangereuses. Le 8 mars, nous avons été témoins d’un  débarquement en Afrique du Nord, non pas en Libye mais en Tunisie. Le navire de ravitaillement Sarost V a secouru 63 personnes en dehors des eaux territoriales tunisiennes le 6 mars, et les a reconduites à Zarzis/Tunisie deux jours plus tard. Nous avions déjà été en contact avec le même équipage de Sarost V en juillet 2018 lorsqu’ils avaient pris en charge 40 voyageurs qui avaient passé plus de deux semaines sur le navire ravitailleur et appelé AlarmPhone. Comme l’équipage les voyageurs étaient partis de Libye.

Même si la Commission européenne a déclaré en mars 2019 que l’UE ne “pratiquerait pas de refoulement et qu’aucun migrant sauvé par les bateaux européens ne serait jamais renvoyé en Libye”, il est très clair que les institutions européennes et les États membres font tout leur possible pour faire faire le sale boulot aux autres acteurs, notamment aux navires commerciaux et aux gardes-côtes libyens. Cette affirmation de la Commission européenne a été publiée peu de temps après qu’un document ayant fuité a révélé que les fonctionnaires de l’UE savaient très bien que leurs politiques méditerranéennes rendaient ” les traversées maritimes plus dangereuses pour les migrants ” et que ” certains membres de la garde côtière libyenne que l’UE finance, équipe et forme collabore avec des réseaux de passeurs “.[10] Comme la plupart des navires de recherche et sauvetage non gouvernementaux sont retenus dans des ports européens, l’Italie et leurs alliés libyens sont à la tête des opérations de refoulement vers la Libye sans témoins non gouvernementaux[9]. Lorsque certaines des ONG restantes entrent en Méditerranée centrale elles sont empêchées d’intervenir : ce fut le cas avec le Alan Kurdi de Sea-Eye lorsqu’ils ont entendu parler d’un cas de détresse mais se sont vu refuser des informations supplémentaires, de sorte qu’ils n’ont pu intervenir.[11] Le manque de moyens de sauvetage dans cette zone a été prouvé une fois encore mi-mars lorsque 23 personnes ont déclaré à leur retour en Libye avoir passé six jours, à la dérive, en mer[12].

Ce que signifie pour des migrant.es de vivre en Libye a été souligné une fois de plus ces dernières semaines, notamment lorsque Sally Hyden a rapporté pour Al-Jazira au début du mois de mars les procédures de représailles horribles perpétrées par les milices libyennes contre les migrants : “Une trentaine de réfugiés et de migrants, y compris des mineurs, auraient été emmenés dans une cellule souterraine et auraient été torturés en Libye pour s’être évadés et avoir organisé une manifestation plus tôt dans la semaine. On estime à 150 le nombre d’hommes détenus qui se sont évadés mardi de la cellule principale du centre de détention Triq al Sikka de Tripoli -où certains d’entre eux sont détenus depuis plus d’un an- pour protester auprès du Département libyen de lutte contre les migrations clandestines (DCIM). Ils ont manifesté contre les conditions dans lesquelles ils ont été détenus et ont exigé la visite d’un fonctionnaire de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), selon des témoins. La majorité des personnes détenues au cours des 18 derniers mois ont été renvoyées en Libye par les garde-côtes libyens financés par l’Union européenne après avoir tenté de traverser la mer Méditerranée pour rejoindre l’Europe”[13].

Malgré la menace constante de criminalisation, ces témoignages de Libye obligent les sauveteurs non gouvernementaux à retourner en Méditerranée pour soutenir ceux qui cherchent à échapper à leur captivité. Alan Kurdi de Sea-Eye, Sea-Watch 3 de Sea-Watch ainsi que Mare Ionio de Mediterranea prévoient de ré-investir bientôt l’espace contesté de la Méditerranée centrale.

Évolution de la situation en Méditerranée occidentale

Traversées maritimes : Évolution récente

Selon le HCR, du début de l’année 2019 au 17 mars, 6 647 voyageurs ont réussi à atteindre l’Espagne par les routes de l’ouest, dont 5 491 par la mer (et 105 personnes par les îles Canaries). La route de Méditerranée occidentale est donc actuellement la plus fréquentée des routes méditerranéennes vers l’Europe[14]. Pourtant le nombre d’arrivées a diminué du fait des campagnes répressives au Maroc et de l’évolution de la situation politique en Espagne qui affectent les opérations de recherche et de sauvetage dans le détroit de Gibraltar et la mer d’Alboran (voir ci-dessous). Le ministre espagnol de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, a déclaré qu’au total 849 voyageur.se.s sont arrivé.es en Espagne en février de cette année, soit 300 personnes de moins qu’au cours du même mois en 2018, où 1 158 étaient entrées en Espagne[15].

La traversée reste dangereuse, et depuis début 2019, au moins 118 personnes sont mortes en mer entre le Maroc et l’Espagne[16].

En énumérant ici certains des incidents mortels survenus, nous ne voulons pas anonymiser les défunts ou les considérer simplement comme des chiffres, mais bien documenter la perte de ces vies afin de ne pas les oublier. Nos sincères condoléances aux ami.es et aux familles des disparu.es et des mort.es.

Le 6 février, parmi un convoi de plus de 40 voyageurs, au moins une personne s’est noyée et deux autres sont portées disparues près de la côte de Tanger.

Le 11 février, un bateau pneumatique avec 12 passager.es à bord a chaviré près de la côte marocaine, au large d’Ashakkar. Seulement 9 personnes ont survécu à la tragédie. Elles ont été détenues à Tanger en attente d’être expulsées vers leur pays d’origine. Nous n’avons pas pu confirmer ce qui leur est arrivé.

Le 28 février, un bateau pneumatique transportant 6 passager.es a chaviré près de Tanger. Deux corps ont été retrouvés échoués sur le rivage quelques jours plus tard. Une femme guinéenne a été identifiée, ainsi qu’une Camerounaise de 25 ans, Mboma Alefta. Qu’elles reposent en paix. Les autres passager.es sont toujours porté.es disparus.

Le 3 mars, un corps non identifié s’est échoué sur la côte de Ceuta, dans le détroit de Gibraltar.

Le 14 mars, 45 personnes se sont noyées dans la mer d’Alboran. Seuls 22 survivant-e-s ont été secouru.es par la Marine royale marocaine[17].

La nouvelle organisation de la zone de recherche et de secours espagnol : Évolutions majeures

Comme le gouvernement espagnol avait annoncé des mesures visant à réduire les arrivées en Espagne de 50% en 2019, des changements sont dores et déjà en cours d’application depuis plusieurs mois et de nouveaux plans sont à l’étude sur la façon de fermer davantage la route de la Méditerranée occidentale[18]. Depuis août 2018, la Guardia Civil rattachée directement au Secrétariat d’État à la Sécurité, est chargée de l’organisation espagnole de sauvetage Salvamento Maritimo (SM). La Guardia Civil est maintenant à la tête du centre de coordination SAR, ce qui signifie qu’elle définit sa composition, dirige ses opérations et propose de nouvelles procédures[19]. De toute évidence, la Guardia Civil suit une logique de “protection” des frontières au lieu d’investir pour améliorer son système de sauvetage.

Depuis le 20 décembre 2018, SM n’a plus le droit de publier sur les médias sociaux ses opérations de sauvetage et ses employé.es ne sont plus censé.es parler aux médias ou faire des déclarations sur les arrivées des voyageur.euse.s. Les officiers de la Guardia Civil sont autorisés à participer aux missions SAR de Salvamento pour le “renforcement de la sécurité”, bien que l’on ne sache toujours pas selon quels critères[20]. Le plan du PSOE est de contrecarrer davantage les patrouilles actives du SM sur les côtes méditerranéennes. Le SM ne cessera pas de s’occuper des naufrages, mais  attendra les appels de détresse avant de quitter les ports. Cela sera désastreux dans les cas de détresse urgents car les bateaux de sauvetage auront besoin de plus de temps pour arriver sur les lieux. Par ces mesures, l’État espagnol tente de transformer une organisation de secours en une agence de contrôle des frontières, ce à quoi s’opposent également les employé.es du SM.[21]

Le gouvernement prévoit en outre d’étendre la zone de responsabilité de la SAR marocaine et de mieux équiper la Marine Marocaine pour ses opérations en lui fournissant deux vedettes rapides supplémentaires et en faisant pression auprès de la Commission européenne pour obtenir une aide financière accrue pour le Maroc[22] Alors qu’au même moment, les ressources du SM sont réduites et que ses avions de recherche sont toujours sans système radar opérationnel – depuis maintenant  plus de 6 mois[23]. Les équipes de recherche et sauvetage cherchent les bateaux en détresse à hauteur d’yeux, déclarant qu’il est très difficile de voir un voilier ou un dériveur sans l’aide de ces radars. Outre la transformation des missions de sauvetage en opérations de contrôle aux frontières le long de ses côtes, l’Espagne s’efforce de bloquer tout nouvel engagement de la société civile dans la zone de recherche et de secours, y compris en Méditerranée centrale. Depuis janvier, deux bateaux d’ONG sont bloqués dans les ports espagnols, l’Aita Mari de l’ONG MayDayTerraNeo à Bilbao et Open Arms de ProActiva à Barcelone. Le gouvernement espagnol justifie le blocus pour des raisons assez vagues liées à des questions de “légalité” et de “sécurité”[24].

Le journal El País a rapporté le 21 février que le gouvernement espagnol avait trouvé un accord avec le gouvernement marocain selon lequel SM serait autorisé à débarquer les personnes secourues en mer dans le port le plus proche, qui serait de facto souvent un port marocain[25]. Les membres de SM ont fait part de leur profonde préoccupation. Celles et ceux qui ont été secouru.es après avoir risqué leur vie protesteraient et se rebelleraient contre leur retour forcé vers un endroit dont elles et ils cherchent désespérément à s’échapper – ce qui s’est déjà produit avant, pendant un débarquement à Tanger/Maroc. Peu de temps après, le Maroc a rejeté la conclusion d’un tel accord avec l’Espagne et, deux jours plus tard, le ministre espagnol de l’Intérieur, Grande-Marlaska, a également confirmé que SM ne repousserait pas les voyageur.euses secouru.es vers les ports marocains[26] Il reste à voir comment cette question évoluera, notamment dans la perspective des élections générales qui auront lieu en Espagne le 22 avril, avec un possible renforcement de la droite au Parlement.

Voix et luttes des femmes migrantes

“Les histoires des femmes traversant les frontières maritimes sont rarement entendues. Lorsque nous les entendons, les femmes sont souvent simplement présentées comme des victimes subordonnées, exploitées et passives dépendant de compagnons masculins, et manquant de projets individuels et d’engagement politique. L’effacement de leurs actions et de leurs voix est aussi l’effet des récits hégémoniques de la migration vers l’Europe, dans lesquels “le migrant” est couramment imaginé comme un jeune homme jeune, physiquement apte et plus abstrait qu’un être humain, généralement construit comme un sujet dangereux contre qui les politiques de contrôle et de dissuasion aux frontières sont légitimées”. AlarmPhone Report, 22 mars 2018[27].

Il y a un an, nous avons consacré un de nos rapports aux luttes des femmes migrantes afin de créer un contre-discours à leur victimisation écrasante, de donner la parole aux femmes en situation de migration et de mettre en lumière les problématiques liées au genre et leurs aspirations spécifiques. Un an plus tard, la situation complexe à laquelle sont confrontées les femmes migrantes au Maroc n’a pas changé ou s’est même détériorée en raison des campagnes renforcées de répression et de violence dirigées contre les communautés subsahariennes. Nous avons demandé aux femmes militantes migrantes qui vivent actuellement au Maroc ce qu’elles aimeraient ajouter à ce rapport. Khady, de Tanger, a répondu : “La violation de la fidélité conjugale et les viols fréquents, c’est ce que je veux dire, ça m’inquiète beaucoup.

Fatou, également de Tanger, a dit : “Les femmes migrantes sont confrontées à l’une des situations les plus précaires de Tanger. La plupart d’entre elles arrêtent les voitures aux feux pour demander la charité afin manger et payer leur loyer. Ou elles se rendent utiles à des hommes pour essayer de survivre. Et si elles rencontrent les mauvaises personnes, c’est douloureux pour elles. Elles finissent par tomber enceintes ou même avoir plusieurs enfants, ce qui rend leur vie encore plus difficile dans cette ville où la répression policière n’épargne ni homme ni femme. Même avec un enfant, on vous expulse dans le sud.

Edith, de Berkane a répondu : “Bonjour tout le monde, et mes salutations à toutes les femmes. Je veux envoyer ce petit message pour dire non au viol des femmes ! Parce que les femmes souffrent beaucoup. Il faut que ça s’arrête ! D’autant plus qu’ici au Maroc, il n’y a pas de droits de l’Homme. Les femmes souffrent. Même si les femmes s’engagent avec les hommes, ils les menacent trop et tout. Il faut que ça cesse ! Les Nations Unies pensent-elles que c’est normal ?”

Pascaline, de Fès, a commenté : “La Journée internationale des droits des femmes permet aux femmes de mener à bien leurs activités et est célébrée comme il se doit, mais les femmes migrantes au Maroc vivent une autre réalité. Elles ne peuvent subvenir à leurs besoins fondamentaux. Elles sont marginalisées, soumises à toutes sortes d’abus, sans logement pour la plupart et vivent surtout dans les forêts, attendant de traverser par la mer. Cette traversée peut avoir trois résultats… le plus désiré est d’atteindre l’Europe. Les deux autres résultats possibles constituent l’enfer. Soit une déportation dans des conditions inhumaines par la police marocaine, soit la mort par noyade. C’est ce qu’est la journée des femmes migrantes au Maroc. Merci.

Rodrigue, un activiste migrant de Nador, a également inclus un message : Vivant de la mendicité car il n’y a pas de travail et devant s’occuper des enfants, les femmes sont bloquées et ne peuvent pas penser à continuer le voyage. Une femme qui ne travaille pas ne peut vivre que de la mendicité. Il n’y a pas d’espaces créés pour les femmes, il n’y a pas d’écoles pour les enfants [migrants], il n’y a pas de prise en considération pour les femmes souffrantes, ni dans les villes, ni aux frontières, ni dans les forêts. Partout c’est pareil. La plus grande préoccupation est l’orientation et l’éducation des enfants qui naissent ici dans ces conditions. Ils doivent vivre la même vie que les adultes ici, il n’y a pas de places pour les enfants. Nous devons faire preuve de solidarité et faire du bruit avec et pour les femmes du monde entier. Sans le bruit, les choses ne changeront jamais. La main sur le cœur…”

La Journée internationale pour les droits des femmes, le 8 mars, est une journée de manifestations dans le monde entier, pour faire entendre les revendications et les aspirations des femmes, pour souligner leurs luttes et leurs défis dans une société dominée par les hommes.

Au Maroc, des actions et des manifestations ont eu lieu dans les principales villes. Pour les femmes migrantes qui y vivent dans la précarité, les violations de leurs droits et de leur bien-être sont particulièrement préoccupantes, les forces armées marocaines étant fréquemment impliquées dans des abus sexistes.

Deux jours seulement avant la Journée internationale des droits des femmes, une femme a témoigné devant l’organisation de défense des droits humains AMDH Nador d’une tentative de viol, de violence physique et de vol perpétré par les forces de police lors de raids dans les forêts à côté de Nador. La femme a résisté courageusement, voir son témoignage ici. Cet incident n’est pas un cas isolé, mais il s’agit d’une expérience fréquente que de nombreuses femmes doivent endurer lorsqu’elles sont arrêtées par les forces de police dans la forêt. Dans une étude impressionnante réalisée par Helena Maléno et Alianza por la Solidaridad tout au long de l’année 2018, 81 femmes ont été interviewées, et leurs histoires donnent un témoignage puissant des réalités et des défis auxquels les femmes qui voyagent sont confrontées. Le rapport peut être téléchargé ici[28]

Situation au Maroc : répression en cours

Le 13 février, à Rabat, le roi d’Espagne Philippe VI et son homologue marocain Mohamed VI ont signé 11 accords bilatéraux[30]. Même si les accords publiés ne traitent pas spécifiquement des questions de migration, il est peu probable que les rois n’aient pas débattu du sujet, car le régime migratoire est un élément déterminant dans les relations Maroc-Espagne. Immédiatement après cette entrevue, la police marocaine a mené des raids de grande ampleur dans les montagnes du nord du Maroc et, depuis, les forces auxiliaires ont continué à détruire, piller et brûler quasi quotidiennement les camps dans les forêts entourant Nador, notamment Bolingo, Selouane et Zoutiya[31]. Dans les camps de fortune, les voyageur.euses vivent dans des conditions précaires, en attendant de monter à bord d’un bateau ou de traverser la frontière de l’enclave espagnole Melilla. De nombreux enfants vivent dans les forêts et les camps, ils souffrent des conditions de vie et du fait d’être fréquemment pourchassés par les forces armées. Un garçon de 6 ans, qui avait passé trois mois dans les bois et avait essayé à plusieurs reprises de traverser en bateau pneumatique, a raconté ses expériences traumatisantes aux activistes d’AlarmPhone. Il fait partie d’une génération d’enfants qui n’ont pas accès à l’école et à l’éducation au Maroc, et qui grandissent dans des conditions insupportables, devant endurer des violences et d’importantes privations.

Pendant ce temps, les forces de police marocaines continuent de ne pas tenir compte des titres de séjour délivrés à certain.es migrant.es d’Afrique subsaharienne. À la mi-février, un activiste de AlarmPhone a été arrêté dans la ville de Nador, et la police a refusé de vérifier ses papiers jusqu’au lendemain matin. Il a dû passer la nuit dans la cour du commissariat de Nador avec environ 17 autres personnes. Les personnes n’ont reçu ni eau ni nourriture, et ont dû se couvrir de boîtes en carton car elles manquaient de couvertures pour la nuit. Le lendemain matin, la police a dû libérer notre camarade et deux autres personnes, tous les trois étant en situation régulière au Maroc. Selon les contacts locaux, les autres membres du groupe ont été expulsés vers leur pays d’origine.

Le 21 février, un autre militant d’AlarmPhone a été arrêté alors qu’il possédait des papiers et était en situation régulière. La police n’a pas accepté ses papiers et l’a forcé à monter dans un bus pour être déporté vers la ville de Tiznit, dans le sud du pays. Le 12 mars, une autre membre de notre réseau a été arrêté malgré la possession de papiers. Elle a été amenée au commissariat de Bni Makada, à Tanger, d’où les détenu.es sont souvent déporté.es vers leur pays d’origine. Avec l’aide de camarades de l’AMDH de Tanger, elle a pu prouver sa résidence et a été libérée plus tard dans la journée. Notre camarade a réussi à filmer et à photographier la cellule où elle était enfermée, avec une femme enceinte de 6 mois qui vomissait du sang. Cette femme n’a pas reçu de soins. Nous avons essayé de nous renseigner sur sa situation, et nous avons appris plus tard qu’elle avait été déportée à Rabat. Elle a envoyé des vidéos du bus les déportant, montrant qu’une autre femme s’était évanouie pendant l’expulsion, alors qu’elle était enceinte et dans un état de santé précaire.

À la frontière algéro-marocaine, les forces de police marocaines procèdent également à des arrestations arbitraires de voyageur.euse.s subsaharien.nes. Le lundi 11 mars, à 6 heures du matin, les forces de police sont entrées dans trois districts d’Oujda, où résident de nombreu.ses.x Africain.nes noir.es. L’opération s’est concentrée sur le district d’Andalouse, où, d’après les estimations de notre équipe locale, environ 200 voyageur.euses migrant.es vivent actuellement. La police aurait affirmé qu’elle recherchait cinq hommes soupçonnés d’être impliqués dans la traite des êtres humains. Pourtant, ce sont 81 personnes qui ont été arrêtées, dont 26 femmes et 7 enfants. Une délégation de membres d’AlarmPhone s’est rendue au commissariat et, en collaboration avec un avocat bénévole, ont réussi à faire pression sur la police pour qu’elle libère au moins celles et ceux dont on connaissait le nom et la situation. Au total, 19 personnes ont été libérées, dont des étudiant.es, ainsi que 4 femmes et 5 enfants, leur présence invalidant l’affirmation selon laquelle la recherche initiale visait cinq hommes. Dans un communiqué publié plus tard dans la journée, la police a simplement déclaré que l’opération avait également abouti à l’arrestation de migrant.es “irrégulier.es”, ce qui était manifestement inexact, puisque nombre des personnes arrêtées avaient leur résidence légale au Maroc. Les pratiques de détention raciste et arbitraire continuent donc de se répandre, ciblant aussi désormais des régions qui n’étaient jusqu’alors pas touchées.

A Timera, Rabat, une centaine de Subsahariens ont été arrêtés pendant la deuxième semaine de mars. Et, dans la matinée du 12 mars, les camps de fortune de voyageur.euses de la gare routière d’Agadir ont été expulsés, et plus de 120 voyageur.euses ont été emmené.es par la police. Le jeudi 14 mars, des opérations de police à Tanger Médine ont conduit à l’arrestation d’un autre membre de AlarmPhone. Il a été réveillé par des policiers, qui ont démoli sa porte, sans même frapper avant d’entrer. La police a pénétré de manière ciblée dans les hôtels et maisons de la Médina, arrêtant les migrant.es subsaharien.nes. Notre camarade a finalement été refoulé à Casablanca et libéré là-bas. Mais il y a aussi de bonnes nouvelles : les autorités marocaines ont classé sans suite l’affaire menée contre la militante des droits humains Helena Maleno. Elle avait été accusée par un tribunal de Tanger de traite d’êtres humains et d’avoir aidé à l’immigration clandestine. Elle faisait l’objet d’une enquête de la police espagnole depuis sept ans. Les autorités ont finalement conclu que son soutien aux bateaux en détresse en Méditerranée occidentale ne constituait pas une activité illégale[32]. Il s’agit d’un rendu important pour les individu.es et les réseaux engagé.es dans des activités de sauvetage en Méditerranée, même si, bien entendu, une telle investigation n’aurait jamais dû être lancée en premier lieu.

Situation dans l’Ouest du Sahara

Ces dernières semaines, les déportations par bus au départ de Tanger se font beaucoup plus au sud qu’auparavant, jusqu’aux villes de Dakhla et Boujour dans l’ouest du Sahara. Ces villes sont à plus de 30 heures de Tanger, et le transport est très coûteux rendant le retour difficile pour les déporté.es. Les voyageur.euses restent 5 à 6 mois à travailler dans les usines de Laayoune, la plus grande ville et centre économique de la région, pour pouvoir retourner vers le nord, ou bien ils essaient de traverser vers les îles Canaries. Cette route est non seulement très dangereuse, mais aussi très contrôlée. Des contacts locaux rapportent que des postes de la marine marocaine sont installés tous les 1 à 2 kilomètres le long de la côte, de Tarfaya au nord de Laayoune jusqu’à Dakhla. Si des voyageur.euses sont intercepté.es ou arrêté.es lors de raids dans les villes, ils et elles sont conduit.es dans un centre de détention à Laayoune. Des militant.es locaux ont même assisté à des déportations vers le nord en direction de Casablanca/Rabat. Ces déportations en direction opposée sont des pratiques cyniques, les voyageurs précaires étant déplacés ici ou là suite à des jeux politiques et stratégies policières.

Zone frontalière maroco-algérienne : Un piège mortel

Au cours de la période couverte par le présent rapport, la frontière algéro-marocaine entre Oujda et Maghnia a montré plusieurs fois son visage mortel. Les voyageurs qui tentent d’atteindre le Maroc par cette frontière doivent non seulement franchir des clôtures, mais également un fossé, qui en hiver est un piège mortel. Trempé.es, au moins 8 personnes sont mortes de froid au cours des deux dernières semaines, dont une femme enceinte. Les corps sont souvent retrouvés par des villageois et amenés à la morgue d’Oujda. Un Malien, deux Bangladais, un Ivoirien et deux Camerounais ont été identifiés. Trois corps ont également été retrouvés du côté algérien, et trois autres personnes ont été secourues à la dernière minute. Le fossé est un piège mortel !!! Il faut y remédier immédiatement !

#5añosTarajal – Nous n’oublions pas !

Le 9 février, les membres d’AlarmPhone ont marché avec environ 500 voyageur.euses et militant.es vers Tarajal, la zone frontalière entre la colonie espagnole de Ceuta et le Maroc, afin de commémorer les victimes de l’attaque meurtrière de la Guardia Civil le 6 février 2014 contre des  personnes tentant de traverser la barrière à la nage[33].

Plusieurs ami.es et membres d’AlarmPhone avaient été témoins ce jour-là de la façon dont la Guardia Civil avait tiré avec des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc sur le groupe de voyageur.euses qui tentait d’atteindre le sol espagnol. Officiellement, 14 morts ont été dénombrés cette nuit-là, mais beaucoup plus de personnes sont toujours portées disparues, des témoins parlent de 50 à 100 personnes disparues depuis. Cette attaque meurtrière contre des voyageur.euses non armé.es n’a pas été condamnée jusqu’à aujourd’hui. “Bonnes” nouvelles : Seulement 4 jours après la marche, le tribunal a accepté de prolonger l’enquête de 18 mois et d’entendre le témoignage d’un autre survivant[34] Nous demandons justice pour les victimes. Ils ne sont pas simplement mort.es aux frontières, ils et elles ont été assassiné.es !

~ A la mémoire des amis et camarades, Roger, Yves, Samba, Larios, Daouda, Luc, Youssouf, Armand, Ousmane, Keita, Jeannot, Oumarou, Blasie et tout.es les autres disparu.es.

Le jour de la marche, cyniquement, près de 300 voyageur.ses ont été arrêté.es dans les forêts autour de Cassiago/Fnideq de l’autre côté de la barrière frontalière. La police a effectué des raids à grande échelle dans la forêt et a déporté la plupart des voyageur.euses vers le sud. Nous ne pouvons exclure que certains d’entre elles.eux aient finalement été expulsé.es vers leur pays d’origine, car il n’existe aucune information officielle sur ces opérations.

La situation frontalière dans les enclaves espagnoles

Le ministre de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, s’est rendu à Ceuta le 23 février et a rencontré l’actuel maire-président Juan Jesús Vivas (PP) et des représentants de la police et de la Guardia Civil afin de discuter du renforcement des frontières. Le Conseil des ministres a récemment décidé d’investir 32,7 millions d’euros pour mettre en œuvre un plan visant à renforcer et moderniser le système de protection des frontières terrestres dans les villes de Ceuta et Melilla. Vivas a exigé plus de police nationale et de la Guardia Civil afin de protéger le port de la ville qu’il a décrit comme un facteur d’attraction pour les “passagers clandestins”[35]. Il a confirmé l’investissement futur de la ville de 1,7 million d’euros pour renforcer les installations de sécurité du port. Le port reste une porte cruciale pour les voyageurs qui tentent de poursuivre leur voyage vers l’Espagne continentale, et les renforts rendront leurs tentatives plus difficiles et dangereuses, car pour de nombreuses personnes, il n’est pas possible de rester à Ceuta, surtout pour les nombreux mineurs de nationalité marocaine qui n’ont même pas accès à l’éducation dans les enclaves[36]. Tout récemment, le 14 février, Ilias, 15 ans, de la ville marocaine de Martil, a perdu la vie dans le port alors qu’il tentait de trouver un moyen de rejoindre l’Espagne continentale[37].

En dehors du renforcement de la police et de la Guardia Civil, la barrière frontalière elle-même est toujours en discussion. Marlaska a déclaré qu’au cours des prochaines semaines, des mesures seront prises dans la région frontalière pour remplacer les fils barbelés de Concertina. Il prévoit d’augmenter la hauteur de la double clôture de 30 % à certains points plus sensibles. De plus, de nouvelles caractéristiques seront ajoutées aux clôtures qui rendront la traversée plus difficile. La Guardia Civil a proposé de mettre en place des plaques d’acier, ce qui n’a pas été vérifié par le ministre[38].

Le ministère public de Ceuta exige 6 ans de prison pour neuf voyageurs migrants qui avaient sauté la clôture le 26 juillet 2018. Ils sont accusés d’avoir lancé de la chaux vive sur des agents de la Guardia Civil, causant des blessures à neuf d’entre eux. Le procureur demande également une indemnisation pour la Guardia Civil et le paiement de 10 511 euros à l’État pour les dommages causés à la clôture[40]. Cette demande d’indemnisation ridicule est tout à fait symbolique de la perversité de la situation le long des clôtures où les personnes migrantes sont continuellement blessées et même tuées en toute impunité, simplement pour avoir essayé de traverser une frontière[39].

Algérie : Soulèvements et implications pour les voyageurs

Dans plusieurs villes du pays, des manifestations de masse ont eu lieu en Algérie depuis la mi-février. Les plus grandes manifestations ont eu lieu le 1er mars et une semaine plus tard, le 8 mars, lorsque des centaines de milliers de manifestant.es de différentes générations ont envahi les rues pour dénoncer la nouvelle candidature du président Bouteflika aux prochaines élections présidentielles du 18 avril[41]. Il s’agissait du cinquième mandat de Bouteflika, qui âgé de 82 ans, a rarement été vu en public après avoir subi une attaque en 2013. Il dirige le pays depuis 1999, et les manifestant.es exigent un changement de régime après ses 20 ans de pouvoir autoritaire et manifestent aussi contre la situation économique et le système militaire en général[42] Les manifestations sont restées relativement pacifiques, mais le 1er mars, sur le chemin du palais présidentiel, de nombreux.ses manifestant.e.s ont été violemment attaqué.es par des unités spéciales de police et gravement blessé.es – un manifestant est mort. Suite à ces protestations, Bouteflika a renoncé à sa candidature pour un nouveau mandat le 11 mars. Dans le même temps, le Premier ministre Ouyahiya a démissionné et a été remplacé par Noureddine Bedoui, l’ancien ministre de l’Intérieur.

Bouteflika a également annoncé que les élections seraient reportées à la fin de 2019. Cette déclaration a conduit des milliers de personnes dans les rues une fois de plus, le 12 mars. Dans le port de Bejaia, les travailleurs ont commencé la grève et des centaines de milliers de personnes se sont rassemblées le 15, le quatrième vendredi d’affilée, pour manifester à l’échelle nationale[43] “Ils voulaient des élections sans Bouteflika, maintenant ils ont Bouteflika sans élections” résume un journaliste de France24. Des images impressionnantes de manifestations largement pacifiques circulaient sur Twitter sous le hashtag #Algerie_manifestations[45]. Les soulèvements arabes de 2011 n’avaient pas tant affecté l’Algérie, pays où le souvenir de la “décennie noire”, la guerre civile algérienne des années 1990, était encore frais. Aujourd’hui, il est impressionnant de constater à quel point les Algérien.nes de toutes les générations et de tout le pays exigent un changement de régime.

Le nombre de ressortissant.es algérien.nes quittant le pays et tentant d’atteindre l’UE via le Maroc, également appelés “Harraga”, ne cesse d’augmenter. Reste à savoir si les troubles politiques actuels entraîneront une augmentation de l’émigration. Marine Le Pen, politicienne d’extrême-droite française, exige déjà que le gouvernement français suspende l’octroi de visas aux Algériens pour éviter un éventuel “afflux migratoire” lié à la situation politique actuelle[46].

De nombreu.ses.x ressortissant.es algérien.nes quittent le pays via le Maroc et accèdent aux colonies espagnoles de Ceuta et Melilla avec de faux passeports. Mais restent bloqués pendant longtemps avant de quitter les enclaves, en attendant leur tour pour obtenir la “Salida”, la permission de partir pour l’Espagne continentale. Comme les ressortissant.es marocain.nes et algérien.nes qui doivent attendre longtemps avant d’être transférés, beaucoup tentent de monter à bord de bateaux et de véhicules qui partent clandestinement vers la péninsule, au péril de leur vie, ou de partir dans des petits bateaux en caoutchouc, payant jusqu’à plusieurs milliers d’euros pour le passage qui n’est pas moins dangereux. Tout récemment, le 28 février, 52 Algériens ont été interceptés au port de Ceuta lors d’une tentative de traversée vers l’Espagne continentale[47] Et même après avoir atteint l’Europe, les Algériens sont rarement acceptés comme demandeurs d’asile. L’Allemagne considère toujours l’Algérie comme un “pays d’origine sûr” potentiel. Les ressortissant.es algérien.nes sont considéré.es comme des “migrant.es économiques” et sont souvent expulsé.es de nombreux pays européens[48]. Reste à savoir si la situation actuelle en Algérie aura un impact sur la pratique de l’expulsion.

Évolutions en mer Egée

Le Haut Commissariat de Réfugiés des Nations Unies (UNHCR) a compté le passage d’environ 6000 individu.es vers la Grèce en 2019, dont environ 4000 par la mer, et 2000 par les frontières terrestres de la région d’Evros. Le nombre de passages en février présente une augmentation de 18% par rapport à la même période en 2018 où environ 1500 personnes avaient gagné les îles grecques. Le nombre de personnes renvoyées en Turquie par les garde-côtes turcs a presque doublé par rapport à la même période en 2018, ce qui indique une augmentation des mesures de répression dans la zone égéenne mais également des efforts continus de migration et des tentatives continuelles de traverser la mer. Ces six dernières semaines, AlarmPhone a été contacté de manière répétée par des personnes en détresse maritime et a soutenu 15 groupes de voyageur.euses. Ces traversées restent incroyablement dangereusement comme ça s’est confirmé à plusieurs reprises ces dernières semaines. Le 12 février une petite fille de 9 ans s’est noyée en mer et sont corps a été retrouvé plusieurs jours plus tard. Le 6 mars, deux petits garçons de 4 ans ainsi que leur père ont trouvé la mort lorsque leur embarcation a coulé au large de Samos. Quelques jours plus tard on a trouvé, près du corps de la petite fille noyée tragiquement le 12, un corps de femme non identifié jusqu’ici.

Attaques racistes

Au petit matin du 19 février, une foule violente a attaqué un appartement de migrant.es près de Thessaloniki avec forte suspicion de motivations racistes. Des cocktails Molotov ont été lancés sur le balcon de l’appartement dans lequel deux femmes et huit enfants dormaient. Le feu qui s’est déclaré a pu être maîtrisé par des voisins. Un incident similaire a eu lieu près d’Athènes le 15 mars. AlarmPhone a été alerté par un groupe d’une centaine de personnes qui ont envoyé une vidéo qu’elles avaient prise. Malgré la présence de la police grecque, la foule a attaqué le groupe d’hommes, femmes et enfants avec de bombes à pétrole, des pierres et des bâtons. Ce groupe avait été évacué du camp et installé dans un hôtel à cause de sa situation précaire. Seulement deux heures après leur arrivée à l’hôtel, la foule les a attaqué en faisant irruption dans leurs chambres. L’homme de la vidéo était dans sa chambre quand trois hommes ont fracturé la porte. Ils lui ont enfoncé un extincteur dans le thorax et ont effrayé ses enfants. Le groupe a contacté AlarmPhone parce qu’aucun.e de ses membres n’osait quitter l’hôtel. Nous avons informé des activistes du City Plaza à Athènes qui ont mis la pression à la police et l’IOM qui a lancé une campagne très suivie sur les réseaux sociaux.[55]

Criminalisation en cours

La criminalisation des migrant.es qui protestent contre les conditions inhumaines qu’ils et elles subissent sur les îles grecques continue. Des individu.es qui ont manifesté paisiblement ont été traîné.es devant les tribunaux, certain.es ont été condamné.es fallacieusement pour « avoir occupé un espace public », « désobéissance », « résistance aux forces de l’ordre » ou « campement sur un espace communal ». Un jugement doit avoir lieu en mai 2019 contre des migrant.es ayant été attaqué.es par des fachistes avec des cocktails molotov et des pierres. Ces jugements marquent un nouveau pic dans la série de criminalisation systématique des réfugié.es qui ne font que réclamer le respect de leurs droits et manifestent contre les restrictions de déplacement qu’on leur impose. Cinq des huit hommes arrêtés lors des manifestations au camp Moria sur l’île de Lesbos en mars 2018 ont passé onze mois en prison avant d’être présentés au tribunal le 22 février 2019 où ils ont été jugés innocents et acquittés de toutes accusations. Ils ne récupéreront pas le temps qui leur a été volé en détention. Nous avons aussi des informations selon lesquelles les autorités mettent la pression sur des individus de communautés migrantes et leur proposent des avantages s’ils ou elles coopèrent. Dans le cas sus-mentionné de Lesbos, la personne qui a témoigné contre les accusés a été autorisée à quitter l’île et se rendre en Grèce continentale le jour de son témoignage.

Conditions inhumaines, traitements inhumains

Le conseil européen du comité anti-torture a critiqué le traitement inhumain des migrant.es en Grèce. Il souligne particulièrement le manque de soins médicaux et l’insuffisante protection des femmes et des enfants. Dans le camp de rétention Fylakio, à la frontière nord-est avec la Turquie, ils ont compté jusqu’à 95 personnes vivant dans la même pièce, dont des enfants et des femmes enceintes. De plus, les équipements les plus élémentaires étaient absents : eau, nourriture, médicaments, espaces couverts. Beaucoup de personnes de ce camp souffrent de maladies, dont la gale, et d’exactions policières, avec le risque permanent d’être expulsées vers la Turquie.

Les mineur.es non accompagné.es sont logé.es avec des adultes, ce qui les expose à différentes formes de violences. Les autorités grecques nient toutefois avoir effectué des expulsions et expliquent les mauvaises conditions de rétention par la pression d’un flux migratoire accru. Le 28 février, la cour européenne des droits de l’homme a condamné la Grèce pour la maltraitance des mineur.es non-accompagné.es détenu.es dans des conditions dégradantes dans les bureaux de police grecs. Ils étaient détenus dans différents commissariats en Grèce durant 21 à 33 jours avant d’être transféré.es vers le Centre de Réception Diavita et seulement après cela vers un établissement spécifique pour mineur.es. Le tribunal considère que durant cette odyssée, différents articles de la convention européenne des droits de l’homme ont été violées, incluant l’article 3 (interdiction de traitement dégradant ou inhumain), l’article 13 (le droit aux soins) et l’article 5§1 (le droit à la liberté et la sécurité) ainsi que l’article 5§4 (le droit à un traitement rapide pour statuer sur la légalité d’une mesure de détention).

Malgré la compensation plutôt symbolique de 4000€, au vu des violations des droits humains, le jugement met en avant les conditions inhumaines en Grèce.

Les camps à Samos,  Lesbos, et à Thessalonique

La situation à Samos ne cesse de se détériorer. Vathy, le camp près de la capitale de l’île, est surpeuplé et selon le ministre grec de l’immigration Dimitris Vitsas la crainte d’une “nouvelle Moria” sur l’île est réelle. Plus d’un cinquième de la population du camp est composée d’enfants, dont 229 non accompagnés, qui vivent dans des conditions inhumaines. Seules les personnes considérées comme particulièrement vulnérables sont transférées hors de l’île. Au-delà des questions que pose le fait de devoir démontrer sa “vulnérabilité”, les procédures sont de plus lentes vu que dans le camp travaille un seul médecin nommé par l’État[62]. À Lesbos également la situation reste sombre, même si des gens sont parfois transférés hors de l’île. Le camp destiné à contenir 2 300 personnes en détenait environ 5 300 en février 2019, dont 1 000 vivaient dans des tentes de fortune à l’extérieur du camp. En raison des mauvaises conditions météorologiques et du manque d’abris chauffés, beaucoup sont malades et souffrent également d’une épidémie de gale. Le dernier médecin nommé a déjà quitté son emploi en novembre dernier et il n’y a que deux médecins de MSF sur place[63]. L’un d’eux a déclaré : “Je n’ai jamais connu de telles conditions dans aucun autre camp au Soudan, en Irak ou en Éthiopie. Tous les jours, les gens font la queue pendant des heures dans un couloir de barrières pour se nourrir. Nous avons traité des enfants dont les bras étaient cassés parce qu’ils étaient pressés contre les barreaux. Je ne comprends pas pourquoi ils n’ouvrent pas deux rangées de plus. Tous les matins, je viens voir si les gens ont survécu au froid glacial de la nuit”[64].

La situation en Grèce continentale est également très préoccupante. En février, quelques dizaines de migrants ont quitté le camp de Diavata à Thessalonique pour créer leur propre camp de fortune près de l’ancienne gare où ils vivent dans des conditions difficiles [65]. Le 8 février, le Conseil européen sur les réfugiés et l’exil a publié une déclaration commentant les conditions de vie inhumaines dans les camps du nord autour de Thessalonique.

La fin du programme ESTIA

Le 15 mars, l’aide d’urgence à l’intégration et à l’hébergement (ESTIA) prendra fin. Le programme censé aider les personnes à accéder au logement, aux soins de santé, à l’éducation, aux cours de langue, à l’emploi, aux activités récréatives, à une eau améliorée et à des conditions sanitaires correctes, a été mis en place en novembre 2015 par le Conseil européen et a duré trois ans. Entre novembre 2015 et février 2019, le HCR a aidé 57 145 personnes dans 14 villes grecques et 6 îles et, en février 2019, 26 186 personnes bénéficiaient encore du programme [67] Maintenant qu’il touche à sa fin, le gouvernement grec va demander aux gens de quitter leurs lieux de vie.[68] Les premier.es touché.es sont ceux qui ont obtenu leur statut avant août 2017. Dans un deuxième temps, les personnes qui ont un statut de réfugié ou une protection subsidiaire depuis plus de six mois. seront invitées à quitter leur lieu d’habitation. [69] Les seules exceptions concernent les personnes qui sont si malades que l’expulsion constituerait un risque pour leur vie ou pour les mères peu avant ou après l’accouchement[70] Le HCR a informé les gens de cette procédure. S’ils quittent leur lieux d’habitation avant le 31 mars 2019, l’aide en espèces sera prolongée de trois mois. S’ils refusent de partir, l’aide financière sera immédiatement interrompue.

les post-scriptum

[1] https://uk.reuters.com/article/uk-europe-migrants/eu-illegal-migrant-arrivals-fall-but-stronger-borders-needed-frontex-head-idUKKCN1Q91X4?feedType=RSS&feedName=worldNews

[2] https://theconversation.com/migrants-calling-us-in-distress-from-the-mediterranean-returned-to-libya-by-deadly-refoulement-industry-111219

[3] http://watchthemed.net/index.php/reports/view/1150

https://www.timesofmalta.com/articles/view/20190211/world/new-crisis-looms-as-150-people-drift-at-sea-in-the-central.701736 https://www.lapresse.it/esteri/migranti_barcone_con_150_persone_in_difficolta_al_largo_della_libia-1137150/news/2019-02-11/

[4]  https://twitter.com/fladig/status/1095311506403672064

[5] http://watchthemed.net/index.php/reports/view/1151

[6] https://www.infomigrants.net/en/post/15194/when-commercial-ships-tell-migrants-rescued-at-sea-they-are-going-to-bring-them-to-europe

[7] https://theconversation.com/migrants-calling-us-in-distress-from-the-mediterranean-returned-to-libya-by-deadly-refoulement-industry-111219

[8]https://www.facebook.com/watchthemed.alarmphone/photos/a.1526182797655958/2327047704236126/?type=3&theater

[9] https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/what-we-do/policies/european-agenda-migration/20190306_managing-migration-factsheet-debunking-myths-about-migration_en.pdf

[10] https://www.politico.eu/article/europe-deadly-migration-strategy-leaked-documents/

[11]  https://sea-eye.org/sea-eye-schiff-alan-kurdi-erreicht-die-libysche-rettungszone/

[12] https://twitter.com/fladig/status/1105781162931306497

[13] https://www.aljazeera.com/news/2019/03/refugees-libya-tortured-breaking-detention-centre-190302181557583.html?fbclid=IwAR3-Nx0KUmoeRqeQxzFWfv3YCn54QLRAb7UnXlnHNwDZ9pDFm3vaHS-Z3GY

[14] https://data2.unhcr.org/en/situations/mediterranean/location/5226

[15]https://www.europapress.es/epsocial/migracion/noticia-849-inmigrantes-ilegales-llegaron-espana-febrero-2019-300-menos-mismo-mes-2018-gobierno-20190227202008.html

[16]https://www.jeuneafrique.com/747572/societe/soupconnes-detre-des-passeurs-de-migrants-deux-senegalais-ecroues-en-espagne/

[17] https://www.eldiario.es/desalambre/muertos-naufragio-Alboran-Caminando-Fronteras_0_877713114.html

[18] https://elpais.com/politica/2019/01/29/actualidad/1548793337_525330.html

[19] The FRONTEX Coordination and Control Centre will be integrated in this Coordination Center, as well as representatives of the Armed Forces, the National Intelligence Centre, National Police, the Department of Customs Surveillance, Maritime Captains, SASEMAR, the Red Cross and as of January 23th, a representative of the Secretary of State for Migration was added.

[20] https://elpais.com/politica/2019/02/04/actualidad/1549303380_290582.html

[21] https://www.elsaltodiario.com/refugiados/hacia-el-desmantelamiento-de-salvamento-maritimo

[22] https://elpais.com/politica/2019/02/20/actualidad/1550682280_062643.html; https://elpais.com/politica/2018/10/07/actualidad/1538937107_168009.html

[23] https://www.elmundo.es/andalucia/2019/01/10/5c366492fdddff70698b47a6.html; https://www.eldiario.es/andalucia/enabierto/Politicas-migratorias-frontera-mal-peor_6_872872740.html

[24] https://arainfo.org/pedro-sanchez-anuncia-la-fecha-de-las-elecciones-para-el-28-de-abril/ https://arainfo.org/decenas-de-personas-exigen-en-teruel-el-desbloqueo-de-los-buques-open-arms-y-aita-mari-para-que-puedan-seguir-salvando-vidas-en-el-mediterraneo/

[25] https://elpais.com/politica/2019/02/20/actualidad/1550682280_062643.amp.html

[26] http://fr.le360.ma/politique/emigration-clandestine-le-maroc-refuse-laccostage-de-navires-de-sauvetage-espagnols-184542; https://elforodeceuta.es/marlaska-asegura-que-los-migrantes-rescatados-por-salvamento-maritimo-seran-traidos-a-espana/

[27] https://alarmphone.org/en/2018/03/22/the-struggle-of-women-across-the-sea/

[28] https://www.alianzaporlasolidaridad.org/wp-content/uploads/Informa-Helena-Maleno-2018-Alzando-voces.pdf

[29] The legal framework for the conduct of arrests and deportations are de facto not applied in any documented case. See the report by Gadem: https://www.lacimade.org/wp-content/uploads/2018/10/20180927_GADEM_Couts_et_blessures.pdf; https://www.sueddeutsche.de/politik/fluechtlinge-sichere-herkunftsstaaten-bundesrat-1.4331555

[30] https://www.huffpostmaghreb.com/entry/voici-les-11-accords-de-cooperation-signes-entre-le-maroc-et-lespagne_mg_5c651f4ce4b0bcddd40e65d9

[31] https://www.lamarea.com/2019/02/26/devoluciones-maritimas-y-ataques-a-los-campamentos-el-cerco-a-la-inmigracion-subsahariana/

[32] https://cadenaser.com/ser/2019/03/10/sociedad/1552243803_352891.html

[33] The march was accompanied by a large number of Moroccan minors that live in the city precariously, trying to find a pathway to mainland Spain, by Sub Saharan travellers and activists, by Moroccan Human Rights groups and at least 20 activist groups from Ceuta and mainland Spain.

[34] https://elfarodeceuta.es/prorrogan-plazo-instruccion-causa-6f-otros-18-meses/

[35]https://www.europapress.es/epsocial/migracion/noticia-grande-marlaska-viaja-manana-ceuta-visitar-primera-vez-frontera-doble-vallado-20190222172950.html

[36] https://elpueblodeceuta.es/art/36093/la-ciudad-invertira-17-millones-para-blindar-el-puerto-y-reducir-la-presion-migratoria

[37]http://www.ceutaldia.com/articulo/en-comunidad/nino-migrante-atropellado-puerto-es-joven-15-anos-martil-ilias/20190214190705194485.html

[38]https://elfarodeceuta.es/alternativa-interior-concertinas-ceuta-subir-valla-10-metros/

[39] On 26th of July 2018 more than 600 travellers managed to jump the fences collectively and reached Ceuta.

[40]https://elfarodeceuta.es/fiscalia-ceuta-pide-8-anos-prision-subsaharianos-arrojaron-cal-viva-guardia-civil-perimetro/

[41] https://allafrica.com/stories/201903090108.html; https://www.france24.com/en/video/20190302-algerians-throng-streets-million-man-anti-bouteflika-march

[42] https://ffm-online.org/harragas-und-die-protestwelle-in-algerien/

[43] https://allafrica.com/stories/201903130001.html

[44] https://www.france24.com/en/20190315-algeria-pressure-bouteflika-protests-elections

[45] https://twitter.com/NaaLeaa/status/1106873468279312384

[46] https://www.europe1.fr/politique/marine-le-pen-demande-au-gouvernement-de-suspendre-loctroi-de-visas-aux-algeriens-3872426

[47] https://elfarodeceuta.es/la-policia-portuaria-intercepta-a-52-argelinos-y-15-menores-en-una-redada-de-inmigrantes/

[48] https://elpais.com/elpais/2019/01/07/inenglish/1546852813_001517.html

[49] https://data2.unhcr.org/en/situations/mediterranean/location/5179

[50] https://data2.unhcr.org/en/documents/download/68423

[51] https://www.facebook.com/watchthemed.alarmphone/posts/2313163202291243?__tn__=-R

[52] https://www.nytimes.com/aponline/2019/03/10/world/europe/ap-eu-greece-bodies-recovered.html

[53] https://www.keeptalkinggreece.com/2019/02/19/iraqi-refugee-family-bomb-thessaloniki-racism/

[54] https://www.facebook.com/watchthemed.alarmphone/videos/692473064506054/

[55] https://racistcrimeswatch.wordpress.com/2019/03/15/1-790/

[56] https://dm-aegean.bordermonitoring.eu/2019/02/19/ongoing-criminalization-of-refugee-protests-upcoming-trials-against-migrants-on-lesvos

[57] https://dm-aegean.bordermonitoring.eu/2019/02/19/ongoing-criminalization-of-refugee-protests-upcoming-trials-against-migrants-on-lesvos/

One can show solidarity with the accused by donating. Cost arise for court fees, expense allowance for lawyers, ferry tickets and accommodation for defendants and witnesses. Donations should be sent to:

borderline-europe e.V.

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IBAN paperform: DE11 4306 0967 4005 7941 00

BIC: GENODEM1GLS (Bochum)

[58] https://noborderkitchenlesvos.noblogs.org

[59] https://www.nzz.ch/international/fluechtlinge-in-griechenland-kritik-an-behandlung-in-lagern-ld.1460937

[60] https://www.coe.int/en/web/cpt/-/greece-council-of-europe-anti-torture-committee-calls-for-the-situation-of-psychiatric-patients-to-be-improved-while-criticising-once-again-the-poor-t

[61] Unaccompanied alien minors detained in degrading … – HUDOC https://hudoc.echr.coe.int/…/pdf?…ECHR…%20Greece%20-%20…

[62] https://rsaegean.org/en/situation-on-samos-has-reached-the-edge/; https://www.theguardian.com/global-development/2019/feb/22/greece-races-to-move-refugees-from-island-branded-new-lesbos-samos

[63]  https://www.republik.ch/2019/03/16/das-freiluftgefaengnis

[64] https://www.republik.ch/2019/03/16/sie-sind-nicht-hier-um-zu-bleiben

[65] https://www.keeptalkinggreece.com/2019/02/04/migrants-pakistan-thessaloniki/l; https://greece.greekreporter.com/2019/02/08/european-council-on-refugees-decries-facilities-in-thessaloniki-camp/

[66] https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/what-we-do/policies/european-agenda-migration/20180404-managing-migration-eu-financial-support-to-greece_en.pdf

[67] https://data2.unhcr.org/en/documents/download/68271

[68] https://blog.refugee.info/exit-accommodation-cash/ ;  https://reliefweb.int/report/greece/greece-end-activation-emergency-support-instrument-dg-echo-echo-daily-flash-13

[69] https://blog.refugee.info/exit-accommodation-cash/

[70] https://blog.refugee.info/exit-accommodation-cash/

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