Le 14 décembre 2023, à partir de 17h00 CET, Alarm Phone a reçu plusieurs appels d’un groupe en détresse parti de Zuwarah en Libye à bord d’une embarcation blanche en caoutchouc. La situation à bord de ce bateau surpeuplé était extrêmement dangereuse, notamment en raison de la mer agitée.
Après avoir reçu leur position GPS, N 33°26’57.60 E 012°05’25.80, Alarm Phone a informé les autorités italiennes, maltaises et libyennes ainsi que le navire de sauvetage ONG SEA-EYE 4 par mail à 17h30 CET, et a également tenté de joindre les soi-disant garde-côtes libyens sur leurs innombrables numéros d’urgence pour réclamer une opération de sauvetage immédiate. Cependant, malgré de nombreuses tentatives, ce n’est qu’à 17h55h CET qu’un officier libyen a pu être joint, qui a suggéré dans un premier temps d’envoyer un bateau de patrouille à la recherche des personnes en détresse. Le seul navire disponible de la flotte civile, le SEA-EYE 4, se trouvait à au moins 12 heures de navigation de la scène de détresse.
À 18h00 CET, Alarm Phone a de nouveau été appelé par les personnes en détresse qui ont clairement indiqué avoir peur pour leur vie. Elles ont déclaré : « We are losing our life here ! » (Nous sommes en train de perdre la vie ici !). Nous avons également reçu une position GPS actualisée du bateau. Nous avons transmis les informations reçues à toutes les autorités par mail, mais nous n’avons reçu de réponse que du SEA-EYE 4, qui a déclaré qu’il ne pourrait atteindre la position de détresse que le lendemain matin à 6h00 CET.
Alors qu’elles avaient initialement suggéré d’envoyer un navire de patrouille, les autorités libyennes ont déclaré à 20:44h CET qu’elles n’enverraient pas de moyens de sauvetage en raison des fortes vagues. Alarm Phone sait cependant qu’au moins deux bateaux des soi-disant garde-côtes libyens étaient en mer pendant la journée. Ils ont intercepté au moins 3 embarcations et ont forcé les personnes en mouvement à retourner en Libye.
D’autres navires de la flotte civile, qui auraient pu être en mesure de sauver des personnes, avaient reçu l’ordre de s’éloigner de cette zone maritime mortelle pour débarquer des personnes secourues dans le Nord de l’Italie. Cette stratégie italienne qui impose aux bateaux de sauvetage de débarquer dans des ports éloignés, tout en sachant que des personnes continuent de fuir la Libye, a sciemment aggravé le manque de sauvetage en mer et se révèle, une fois de plus, mortelle.
Vu le manque de moyens disponibles, le Centre de coordination des secours maritimes (MRCC) de Rome a ordonné à 21h40 CET à un navire de ravitaillement pétrolier, le VOS TRITON, de rejoindre l’embarcation en détresse. Dans le passé, le VOS TRITON a régulièrement renvoyé des personnes en Libye contre leur gré. De plus, le navire de ravitaillement n’est pas suffisamment équipé pour effectuer des opérations de sauvetage complexes. Dans la nuit, le VOS TRITON a atteint le bateau en détresse.
À ce stade, nous ne savons pas ce qui s’est passé ensuite. Ce que nous savons, c’est qu’une catastrophe a eu lieu. Seules 25 personnes sur les plus de 80 qui se trouvaient à bord ont pu être sauvées. Les 25 survivant-e-s ont été ramené-e-s de force en Libye. Les autres, environ 61 personnes, se sont noyées.
Nous sommes dévasté-e-s car, une fois de plus, les autorités européennes et libyennes se sont montrées incapables de secourir des personnes en détresse, et qu’une fois de plus, la politique européenne des frontières a tué.
Nous dénonçons la violence permanente aux frontières, la mort permanente aux frontières maritimes et terrestres de l’Europe.
Du fond du cœur, nous adressons nos condoléances aux familles et aux ami-e-s des disparu-e-. Ils et elles ne pourront peut-être jamais savoir ce qui est arrivé à leurs êtres chers.