Introduction
“Je n’ai pas besoin de passer aux infos, j’ai besoin d’être secouru” – ce sont les mots de l’un des voyageur.se.s migrant.es qui nous ont appelé.es de Méditerranée centrale le 20 janvier 2019. Il faisait partie d’un groupe d’une centaine de personnes qui avaient quitté la Libye la veille et avait réussi à atteindre les eaux internationales avant d’être refoulé en Libye par un cargo – un refoulement ordonné par les autorités italiennes, possiblement par le Premier ministre italien Conte lui-même, et exécuté par leurs alliés libyens avec la complicité d’un navire marchand privé[1]. Ces voyageur.se.s avaient risqué leurs vies et avaient presque réussi à échapper aux conditions effroyables qu’ils & elles fuyaient, laissant derrière elles & eux la Libye où beaucoup avaient dû subir des emprisonnements prolongés, de la torture, des violences sexuelles ou des extorsions. La veille de leur départ de Khoms en Libye, un autre navire avait subi une situation de grande détresse – 117 personnes sont mortes dans le naufrage, 3 seulement ont survécu. Les expressions de chagrin très médiatisées qui ont suivi le drame, y compris celle exprimée par le pape, n’ont rien modifié aux réactions face à un nouveau cas de bateau de migrant.es en grande détresse[2]. Bien au contraire : dans le cas du 20 janvier, soutenu par AlarmPhone, l’Italie et Malte se sont déchargées de la responsabilité des secours au profit des autorités libyennes. Pendant le ré-enlèvement des 100 voyageur.se.s évadé.es, au moins six d’entre elles & eux sont décédé.es, comme les survivant.es ont pu en témoigner par la suite. Un garçon qui avait perdu connaissance pendant le voyage est mort après son retour en Libye.
La cruauté de ces pratiques d’enlèvement en haute mer nous a été révélée de première main par des survivant.es d’une autre opération de refoulement, menée par le cargo Lady Sham pour le compte des autorités italiennes et libyennes. Après les avoir secouru.es en mer, l’équipage du Lady Sham a menti aux 144 voyageur.se.s migrants en leur disant qu’ils & elles allaient être amené.es en Europe. Lorsqu’ils & elles nous ont appelé.es du navire, s’étant rendu.es compte qu’iels repartaient en Libye, c’était en état de choc profond, répétant qu’iels préféraient mourir plutôt que d’être renvoyé.es en camp de détention. Pendant la nuit du 21 au 22 janvier, iels ont été violemment expulsé.es du Lady Sham par les autorités libyennes, battu.es et frappé.es à coups de pied. Plus tard, iels nous ont envoyé des images du camp, montrant des marques de torture sur leur corps, une grave surpopulation et des conditions insalubres. Ils & elles ont également fait état d’une répression violente de la part des gardiens de prison après que certain.es d’entre elles & eux aient, à nouveau, tenté de s’évader du camp.
Plus à l’ouest, dans la zone frontalière entre le Maroc et l’Espagne, les mouvements migratoires s’accélèrent, et ce avec un dynamisme sans précédent. En janvier 2019, plus de 4 600 personnes sont entrées en Espagne, principalement par voie maritime, ce qui signifie que le chiffre record des traversées pour l’année 2018 a plus que doublé ce mois de janvier. De fait, plus de personnes ont rejoint l’Espagne en janvier que pendant toute l’année 2014 ! À la lumière de ces expressions de la liberté de circulation, la réponse du gouvernement espagnol est déconcertante. Le Salvamento Maritimo (SM), l’organisation de sauvetage responsable de la majeure partie des sauvetages dans cette région, prend de plus en plus des tournures d’acteur militaire que d’acteur civil. En effet, depuis août 2018, l’autorité du SM a été transférée à la Guardia Civil, la force militaire espagnole. Cela nous préoccupe énormément. Le SM hésite de plus en plus à mener des opérations de recherche et de sauvetage de grande envergure et, depuis décembre 2018, il ne twitte plus sur les opérations de sauvetage qu’il mène – ce qui était pour nous et d’autres une source d’information importante. Nous avons également appris que le gouvernement espagnol avait l’intention de réduire de moitié le nombre de traversés du SM et que pour ce faire, les bateaux espagnols ne patrouilleraient plus de manière proactive dans la zone maritime mais réagiraient seulement lorsqu’ils seraient informés de situations d’urgence. Si cela se réalisait, cela augmenterait considérablement les risques de décès. Ce qui se passe lorsque personne n’assume la responsabilité des sauvetages a été démontré de façon épouvantable à la fin décembre 2018. Un bateau est parti le 22 décembre de Tanger. Nous avons été informé.es de cette situation le lendemain et avons alerté le SM mais ils se sont déchargés de la responsabilité du sauvetage sur les autorités marocaines qui ne se sont pas non plus engagées. Nous étions en contact avec les personnes sur l’embarcation et pouvions fournir des positions GPS indiquant leur position exacte, pourtant pendant 9 heures aucune opération de sauvetage n’a été lancée. Nous avons perdu le contact avec le bateau et à ce jour, les gens sont toujours portés disparus.
À l’est de la Méditerranée, les traversées se poursuivent à peu près au même rythme que l’année précédente. En janvier 2019, le nombre de passages est sensiblement le même qu’en janvier 2018. Sur l’ensemble de l’année passée, plus de 50 000 voyageur.se.s sont arrivé.es en Grèce par les îles de la mer Égée ou par la frontière terrestre turco-grecque. Et beaucoup de celles & ceux qui atteignent les îles par bateau restent coincé.es dans les camps des îles, souffrant pendant des mois dans des conditions inhumaines. Alors que les querelles autour du débarquement des 47 personnes bloquées à bord du Sea-Watch 3 ont atteint les sphères politiques et médiatiques les plus élevées, le fait que 16.000 personnes souffrent dans les cages sur les îles de la mer Egée semble s’être normalisé. Nous nous souvenons tou.te.s des images des tentes enneigées dans la zone de Moria, mais aujourd’hui, lors de ce deuxième hiver après l’accord UE-Turquie, rien n’a changé. A la mi-janvier, une énième manifestation a éclaté sur l’île de Samos contre ces conditions de détention insupportables. En tant qu’AlarmPhone, nous savons que la détresse ne peut être réduite à la situation en mer – elle se poursuit après l’arrivée à terre. En janvier, un Camerounais est décédé dans l’oliveraie de Moria, puis, quelque jours plus tard, un incendie a détruit une partie du secteur fermé des mineur.es non accompagné.es. Les personnes sont secouru.es en mer, mais risquent toujours de mourir dans les hotspots (lieux d’identification des personnes migrantes) européens : de froid, de manque de soins médicaux, de désespoir. Nous ne voyons qu’une solution : liberté de mouvement pour elles & eux et un ferry pour Athènes afin que chacun.e puisse enfin poursuivre son voyage et atteindre sa destination. Des couloirs de solidarité -dont il est principalement question dans le contexte italien- doivent également être inventés pour les îles de la mer Égée.
À la lumière des ravages et de la souffrance dans les trois régions méditerranéennes, il est souvent difficile de garder espoir et de continuer à lutter. Cependant, le fait que des milliers de personnes traversent encore la mer dans ces circonstances très défavorables témoigne d’un désir inébranlable d’inventer de nouveaux itinéraires et de nouvelles méthodes pour atteindre des espaces perçus comme de liberté et de sécurité. Aujourd’hui, les sociétés européennes doivent faire preuve de solidarité, s’opposer aux politiques anti-migratoires de leurs gouvernements et maintenir ouvertes des routes par lesquelles les gens pourront se rendre où ils le souhaitent après avoir atteint les côtes européennes. Nous avons vu cette solidarité à l’œuvre, et notamment en Italie où récemment des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour déclarer leurs ports et leurs cœurs ouverts aux nouveaux.elles européen.ne.s. Des maires se sont joints à ces appels et ont pris des positions conflictuelles vis-à-vis de leur gouvernement central. Notre appel “de la mer à la ville” prend de l’ampleur et devrait s’amplifier dans les mois à venir.
Évolution de la situation en Méditerranée centrale
Au cours des six dernières semaines, période couverte par le présent rapport, la situation en Méditerranée centrale s’est encore aggravée, les autorités européennes rejetant toute responsabilité en matière de sauvetage, les gardes-côtes libyens enlevant des centaines de personnes en fuite et les quelques ONG toujours en mer restant désemparées sans savoir vers qui se tourner pour accoster et débarquer.
Pendant la période de Noël, le navire de sauvetage de Proactiva Open Arms, avec à son bord 313 personnes d’un convoi de bateaux ayant alerté AlarmPhone, tentait de trouver un port sûr. Malte et l’Italie les ayant empêchés de débarquer ils ont dû se rendre jusqu’en Espagne d’où leur navire n’est actuellement plus autorisé à repartir, sur la base d’un argument particulièrement cynique du gouvernement espagnol : tant que l’Italie et Malte garderont leurs ports fermés, Open Arms ne sera plus autorisé à mener des missions de sauvetage en Méditerranée centrale. Les navires de sauvetage de Sea-Watch et de Sea-Eye ont connu un sort similaire à Noël, bloqués pendant des semaines en mer, empêchés de débarquer les 49 personnes à leurs bords. Finalement, un accord a été conclu où plusieurs pays européens ont accepté une répartition des personnes secourues, qui alors seulement ont pu être débarquées à Malte.
Constatant les difficultés rencontrées lors des campagnes de sauvetage et subissant des interceptions sans merci par lesdits gardes-côtes libyens -grands alliés européens – de nombreux.ses voyageur.se.s-migrant.es cherchent actuellement à parcourir de plus longues distances pour atteindre Malte, l’Italie ou au moins les eaux territoriales internationales ou européennes par leurs propres moyens. Plusieurs bateaux ont atteint Lampedusa et Malte au cours des dernières semaines, et AlarmPhone a été alerté plusieurs fois par des bateaux qui avaient l’intention de le faire. Le 30 décembre, un bateau pneumatique transportant 24 personnes dont une femme enceinte, nous a contactés. Leurs coordonnées GPS nous indiquaient qu’ils & elles étaient arrivé.es près de la zone de recherche et sauvetage (SAR) maltaise. Nous avons alerté les gardes-côtes maltais et avons continué à soutenir les personnes à bord pendant plusieurs heures. Nous leur avons également communiqué le numéro de téléphone des autorités maltaises afin qu’elles puissent communiquer directement avec les autorités. A 1 heure du matin, les autorités maltaises ont mené avec succès une opération de sauvetage[3].Des cas comme celui-ci montrent à quel point les personnes doivent s’exposer beaucoup plus longtemps aux dangers de la mer, avec tous les risques que cela augmente de perdre leur orientation, de manquer de carburant ou de nourriture.
Le naufrage le plus meurtrier à ce jour pour cette année s’est produit le vendredi 18 janvier, lorsqu’un bateau parti de Libye a chaviré à quelque 93 kilomètres au nord-est de Tripoli. Pour la plupart des 120 personnes, le sauvetage est arrivé trop tard, 117 d’entre elles se sont noyées[4].
Le lendemain, 19 janvier, AlarmPhone a été contacté par un groupe de 47 personnes qui avaient quitté Zuwarah en bateau[5]. Après un moment, ils & elles nous ont envoyé leur position GPS afin que nous puissions les localiser. Ils & elles nous ont également informé.es que leur moteur s’était arrêté de fonctionner et ont demandé de l’aide d’urgence. Nous avons alerté les autorités de Rome, l’avion civil de reconnaissance Moonbird et Sea-Watch 3, ces deux derniers patrouillant dans les environs. A ce moment-là, Sea-Watch 3 était déjà engagé dans un sauvetage, dont nous avons appris plus tard que c’était le cas des personnes qui nous avaient contacté.es. Après l’opération de sauvetage, Sea-Watch 3 s’est dirigé vers l’Italie, et une fois de plus a été confronté à la situation de ne pas être autorisé à débarquer les personnes sauvées. Affirmant que “nous ne pouvons plus accepter que les pays européens violent collectivement le droit de la mer”, Sea-Watch a engagé une procédure accélérée devant la Cour européenne des droits de l’homme. Le verdict exigeait de l’Italie qu’elle s’occupe des secouru.es à bord de Sea-Watch 3. Il a fallu attendre le 30 janvier pour qu’ils & elles soient libéré.es du navire – ainsi que l’équipage, retenu en otage sur son bateau pendant plus de 10 jours. Et l’on ne peut pas prédire pour l’instant quelles répercussions négatives ce débarquement pourrait avoir sur l’ONG, après que le gouvernement italien a émis plusieurs avertissements à l’encontre de Sea-Watch. Actuellement, Sea-Watch est amarré à Catane pour des raisons “techniques”.
Un jour seulement après le cas des 47, le 20 janvier, AlarmPhone a été contacté depuis un bateau en détresse transportant une centaine de personnes au nord de la Libye. Comme nous l’avons décrit dans l’introduction de ce rapport, nous avons une fois de plus été témoins de la manière dont les autorités européennes se sont déchargées de leur responsabilité et comment elles ont ordonné à leurs alliés libyens d’enlever ces voyageur.se.s en pleine mer. Après de nombreux va-et-vient, au cours desquels même le Premier ministre italien Conte s’est engagé directement dans la coordination de cette opération de refoulement, les migrant.es ont été renvoyé.es à Khoms en Libye. Au cours de leur odyssée, au moins six personnes sont mortes, et un jeune homme est mort à son retour en Libye[6].
Quand le lendemain, le 21 janvier, un autre groupe intercepté par le navire marchand Lady Sham nous a contacté.es, nous avons pu être directement témoins de ce qui se passait pendant ces opérations de refoulement. Les secouru.es ont été trompé.es, on leur a dit qu’ils & elles seraient emmené.es en Europe alors qu’iels retournaient en Lybie. Ils & elles ont été séparé.es en groupes d’hommes et de femmes et enfermé.es. Ils & elles ont été battu.es lorsqu’iels ont refusé de débarquer et iels ont emmené.es hors du bateau par petits groupes jusque dans le port de Misrata, puis transféré.es dans un camp de détention. Du camp, quelques femmes ont envoyé des photos des conditions insalubres, des cellules surpeuplées et des corps marqués par la torture[7]. Il est dévastateur d’être appelé.es depuis la mer puis d’avoir à être les témoins directs de la façon dont la violation des conventions internationales et des droits humains est organisée entre autorités européennes et nord-africaines. Dans ce cas, la seule répercussion un peu positive a été l’écho médiatique important qui a suivi notre travail sur les médias sociaux, où les voix des personnes ont fait la une des journaux partout en Europe, condamnant ces opérations de refoulement. Plus de 50 articles sur cette affaire ont été publiés en Italie, à Malte, en Allemagne, en Suisse, en Autriche, en France et au Royaume-Uni[8].Et pourtant, cela n’offre qu’une bien piètre consolation – les personnes restent détenues et feraient encore très certainement écho à ce que nous avait dit l’une d’elles depuis la mer : “Nous n’avons pas besoin de passer aux infos, nous avons besoin d’être secouru.es.”[6].
Évolution de la situation en Méditerranée occidentale
En 2018, la plupart des personnes fuyant vers l’Europe par la mer ont emprunté la route de la Méditerranée occidentale, principalement du Maroc vers l’Espagne – environ 58 500 personnes au total. C’est un nombre impressionnant, compte tenu de la forte présence militaire et donc du nombre élevé d’interceptions sur cette route. Le 17 janvier, l’Observatoire national des migrations (relié au ministère de l’Intérieur du Maroc) a annoncé que 29 175 voyageur.se.s avaient été intercepté.es en mer par la marine marocaine tout au long de 2018, 229 “réseaux de passeurs” démantelés et 89 000 tentatives de passage irrégulier des frontières contrecarrées par les autorités marocaines[9].La fiabilité de ces chiffres est néanmoins à relativiser tant le Maroc a intérêt à montrer qu’il est engagé dans la prévention de la migration vers l’Europe.
Malgré les efforts de la marine marocaine pour remplir son rôle de chien de garde de l’Europe, la nouvelle année voit se poursuivre les passages réussis des frontières dans cette région. Rien que pour les deux premiers jours de 2019 les autorités espagnoles ont signalé avoir secouru plus de 400 personnes en mer[10]. Selon les données du ministère espagnol de l’Intérieur recueillies par Europa Press, 2 912 voyageur.se.s sont arrivé.es en Espagne sur 63 bateaux au cours des deux premières semaines de 2019, soit une augmentation de 365,9% par rapport à la même période en 2018, où 625 personnes avaient atteint la côte espagnole sur 26 navires[11].
Toujours à la lumière de cette augmentation, le gouvernement espagnol a annoncé son objectif de réduire de 50 % le nombre de passages vers l’Espagne. Les détails du plan du gouvernement ont été discutés lors d’une récente réunion de la Commission déléguée aux affaires migratoires. L’une des principales propositions – en attente d’une approbation finale – est d’empêcher Salvamento Maritimo (SM) de patrouiller de manière proactive dans les eaux de la Méditerranée. SM s’occuperait toujours des situations de détresse, mais seulement après avoir reçu des alertes d’urgence[12]. Si ces mesures étaient adoptées, les traversées maritimes deviendraient beaucoup plus dangereuses et mortelles en Méditerranée occidentale.
AlarmPhone: Récit de shifts & cas frappants
Une fois de plus, AlarmPhone a été témoin, outre les nombreuses traversées maritimes réussies, de tragédies en mer que nous voulons inclure dans ce rapport afin de leur consacrer un espace-temps et de rendre hommage aux personnes qui ont perdu la vie.
Samedi 22 décembre, 11 hommes et 1 femme ont disparu en mer. Ils & elle étaient parti.es de Tanger/Maroc et AlarmPhone a été alerté du cas de ce bateau pneumatique aux premières heures du dimanche 23 décembre. Nous avons informé Salvamento Maritimo (SM) à 4h50 de la situation et leur avons fourni les coordonnées GPS du bateau. SM, cependant, s’est déchargé de la responsabilité du sauvetage et l’a transférée aux autorités marocaines. La marine marocaine n’a pas pour autant lancé d’opération de sauvetage. La situation à bord s’est détériorée devenant de plus en plus dangereuse. Nous avons pu -a minima- rester en contact avec le bateau et recevoir de nouvelles coordonnées GPS que nous n’avons pas cessé de transmettre aux autorités espagnoles et marocaines afin qu’elles puissent lancer une opération de recherche et sauvetage (SAR).
Quand nous avons reçu les dernières coordonnées GPS à 13 h, aucune opération SAR n’avait été lancée. À 14 h 35, SM a envoyé un hélicoptère à la recherche du navire, mais il n’a pas réussi à le localiser. Si cette mesure avait été prise sans délai (et non 9 heures après avoir été alertés par AlarmPhone), les 12 personnes auraient pu être retrouvées. Ces 12 personnes qui se trouvaient quelque part en mer en détresse urgente, avec des vagues de plus d’un mètre de haut et de l’eau qui entrait dans leur bateau comme ils & elle nous l’avaient dit avant que nous ne perdions le contact. A 22h30, les autorités marocaines ainsi que la MRCC Madrid nous ont informé.es -à tort- que le bateau avait atteint le sol espagnol. SM nous a confirmé une heure plus tard que cette information était fausse. Nous avons demandé une fois de plus au MRCC de Madrid de lancer une opération SAR au lieu de demander aux autorités marocaines de le faire, mais le MRCC Madrid n’a pas voulu en prendre la responsabilité.
Comment se fait-il que la vie des gens se joue ainsi, alors que les familles et les ami.es attendent des nouvelles sans que personne ne leur réponde ? Tant les autorités marocaines qu’espagnoles ont transmis de fausses informations qui ont semé la confusion et détourné l’attention des personnes en détresse. La manière dont les services de secours se transforment en autorités de “protection” des frontières contribue à ces jeux avec la vie des gens. Les 12 personnes en détresse sont toujours portées disparus jusqu’à aujourd’hui et ont très probablement perdu la vie en mer[13].
Le 13 janvier, AlarmPhone a été informé du cas d’un bateau transportant 54 voyageur.se.s parti.es d’une plage de l’ouest de Nador la veille au soir. Le dernier contact avec les voyageur.se.s avait eu lieu à 8 heures le matin. Puis la connexion s’est rompue. Nous avons informé les autorités espagnoles et marocaines ainsi que le collectif Caminando Fronteras qui a alerté les autorités, mais le bateau n’a pu être retrouvé. Quelques jours plus tard, nous avons appris que l’embarcation était perdue. Le seul survivant avait été secouru par des pêcheurs puis hospitalisé[14]. Il a rapporté à Caminando Fronteras que le bateau avait chaviré puis coulé alors qu’il flottait dans la mer depuis une journée entière[15]. Les 53 autres passager.es n’ont pu être retrouvé.es et se sont probablement noyé.es en mer[16]. Nous voulons témoigner ici nos plus sincères condoléances aux ami.es et familles des disparu.es.
L’industrie frontalière marocaine – Arrestations, expulsions, refoulements
L’UE, dans le cadre de sa politique de soutien au Maroc pour bloquer les mouvements de migration vers l’Europe, lui a déjà transféré 30 millions d’euros sur les 140 millions promis, selon la Haute Représentante, Federica Mogherini, en visite à Rabat le 17 janvier dernier. Le reste du montant sera mis à disposition dans les mois à venir[17]. Le gouvernement espagnol demande instamment à la Commission européenne de fournir cet argent le plus rapidement possible afin d’aider le Maroc à contrecarrer la migration en Espagne[18].
Si l’on garde à l’esprit le pacte migratoire signé à Marrakech en décembre 2018, aussi douteux qu’il ait pu être, on constate que le Maroc ne respecte pas du tout son contenu et continue à expulser les voyageur.se.s vers le sud du pays pour les y abandonner. Des femmes et des enfants font également partie des déporté.es. Les expulsions sont effectuées au mépris du droit national et international – honteux pour le Maroc, pays hôte et signataire du pacte migratoire mentionné ci-dessus. Presque tous les jours, 300 à 400 Subsaharien.nes sont laissé.es à Tiznit et dans d’autres villes comme Agadir, Marrakech, Casablanca ou Rabat, dans des conditions précaires, dormant dans des camps de fortune à proximité des gares routières, sous les yeux des autorités. Une délégation auto-organisée des déporté.es de Tiznit a demandé à plusieurs reprises à recevoir le soutien de la municipalité, mais les autorités n’ont jamais donné suite. Beaucoup de personnes restent bloquées pour de longues durées dans le sud, car elles n’ont pas les moyens de voyager. En outre, les autorités ont renforcé les mesures de sécurité sur les routes en direction du nord, les bus et les trains étant contrôlés plus fréquemment.
Les expulsions vers les pays d’origine ont également augmentées. Nos nouvelles sources d’information de Dakar ont rapporté le 9 janvier qu’au cours du mois précédent, 100 ressortissant.es sénégalais.es avaient été expulsé.es du Maroc par groupes de 10 à 20 sur des vols réguliers[19]. Depuis le 13 janvier, un groupe de ressortissants guinéens, ivoiriens et sénégalais était détenu au commissariat de Bni Mkada à Tanger. Lorsque nous les avons contactés, ils nous ont dit qu’ils avaient été arrêtés au marché alors qu’ils vendaient des marchandises et que d’autres avaient été arrêtés à leur propre domicile. Selon eux, les conditions de détention sont désastreuses et ils ne disposent d’aucune information sur la durée de leur détention.
Quelques jours plus tard, nous avons réussi à joindre une personne du Sénégal et une autre de Guinée de ce même groupe qui nous ont confirmé que toutes avaient été déportées dans leur pays d’origine. À Nador, les activistes d’AlarmPhone ont rapporté le 28 janvier qu’environ 250 personnes avaient été arrêtées. Ils & elles sont retenu.es dans un bâtiment, ce qui semble signe d’un projet d’expulsion car les déportations vers le sud du Maroc se font généralement beaucoup plus rapidement.
Des militant.es auto-organisé.es basé.es au Maroc ont lancé la page Facebook « Boza – Le cri qui fait tomber les murs » afin de relayer les évolutions sur le terrain. Cette page donnera des informations actualisées sur les expulsions et les arrestations dans le nord du Maroc[20].
Dans les colonies de Ceuta et Melilla : surveillance des frontières
Le 18 janvier dernier, le ministre espagnol de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, a présenté un plan sur 7 ans destiné à améliorer les infrastructures de sécurité de l’État assorti d’un budget de 850 millions d’euros. Ce “plan de modernisation” prévoit, entre autres mesures[21], la suppression partielle des fils barbelés sur les clôtures autour des colonies espagnoles de Ceuta et Melilla, et leur remplacement par de nouvelles technologies pour assurer le blocage des voyageur.se.s[22].Plusieurs mesures sont prévues pour 2019, dont l’installation d’un nouveau système de surveillance en circuit fermé dans le périmètre de Ceuta. Il est également prévu d’améliorer le réseau de fibres optiques et d’étendre le système de surveillance à la frontière entre Melilla et le territoire marocain, ainsi que de moderniser les zones de transit des passagers à El Tarajal (Ceuta) et aux autres postes frontières, où des dispositifs de reconnaissance faciale seront installés[23].
Ironiquement, ces mesures de surveillance renforcée sont affublées d’un récit humanitaire, promouvant, par exemple, la prévention de blessures graves. Grande-Marlaska applaudit le PSOE pour ces mesures sur Twitter – elles démontreraient la “compatibilité de la sécurité et des droits de l’homme” dans l’application des lois frontalières espagnoles. Cette affirmation est bien sûr un oxymore, étant donné que le régime frontalier européen sape et viole régulièrement les droits fondamentaux des êtres humains par sa lutte contre l’autonomie de la migration en fermant notamment des couloirs sûrs, en renvoyant les gens dans des conditions et des pays dangereux lors des “déportations à chaud”, en leur refusant des procédures d’accueil légales et sans danger, ou en encourageant et finançant le Maroc pour mener des campagnes de répression[24]. Alors que ni le gouvernement ni le PSOE n’ont encore fait de déclaration officielle sur les refoulements autorisés par la “loi du silence”, l’exécutif de Pedro Sánchez propose pour la première fois des chiffres sur les expulsions que la Cour européenne des droits de l’homme considère comme illégales : 658 refoulements à Ceuta et Melilla en 2018, 51 de plus qu’en 2017[25].
Le projet espagnol de retirer les fils barbelés concertina se révèle bien ironique à la lumière de la nouvelle de la construction par le Maroc d’une clôture en fil barbelé au sud de Ceuta, sur le territoire marocain, qui a débuté le samedi 19 janvier dernier. Cette nouvelle clôture se trouve à quelques mètres de la clôture frontalière actuelle et constituera donc un obstacle supplémentaire que les voyageur.se.s devront surmonter avant même d’atteindre la frontière espagnole actuelle. Ainsi, le blocage violent des voyageur.se.s est externalisé et le gouvernement espagnol peut continuer à promouvoir ses politiques frontalières “humanitaires”[26]. Le dernier grand “saut” de la barrière de Ceuta a eu lieu en juillet 2018, lors duquel 602 voyageur.se.s ont pu entrer sur le territoire espagnol. Depuis, il n’y a plus eu de tentatives majeures couronnées de succès. Au lieu de cela, les voyageur.se.s sont entré.es à Ceuta par voie maritime – 45 bateaux y sont entrés avec succès en 2018, transportant 457 voyageur.se.s. En 2017, seules 239 personnes y étaient entrées par la mer[27].
Évolution de la situation en Algérie
Si l’Algérie a mis fin aux expulsions et aux déportations de migrant.es vers ses frontières entre 2012 et fin 2016, la situation a radicalement changé en 2018. En effet, les autorités ont mis en place tout un système logistique destiné à “vider” le pays de leur présence, sans relâche et sur presque tout le territoire. Les opérations d’expulsion se déroulent en trois étapes : Un raid de nuit et/ou de jour est effectué par la police et la gendarmerie, suivi du confinement des personnes dans des centres placés sous l’autorité des services de sécurité assistés par des agents du Croissant-Rouge, puis de leur déportation vers les frontières du Niger et/ou du Mali. Sans respect pour la dignité humaine, les voyageur.se.s sont chassé.es. Sans aucune chance de récupérer leurs biens ou d’aller au tribunal, ils & elles sont transporté.es vers le sud et abandonné.es dans le désert où ils & elles doivent parcourir des kilomètres pour survivre, le plus souvent dans des températures très défavorables à la survie.
Selon les rapports de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme, pas moins de 3 000 migrant.es subsaharien.nes ont été emmené.es, avec l’aide du Croissant-Rouge algérien (CRA), depuis décembre 2018 dans un centre de transit à Tamanrasset (sud du pays). Au cours de l’année 2018, de multiples réactions ont dénoncé cette politique d’expulsions collectives, soit de la part d’ONG locales, avec notamment l’appel du 18 mai 2018 “Nous sommes tous des migrants” signé par plus de 85 organisations locales, régionales et internationales[28], le Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH)[29], l’Agence de presse américaine associée (AP)[30], et également le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des migrant.es, Felipe Gonzales Morales. Aucun rapport et aucune forme de pression n’ont jusqu’à présent réussi à amener les autorités algériennes à revoir leur politique[31]. Au contraire, chaque fois qu’une ONG, l’ONU ou la presse internationale réagit, des opérations d’expulsion suivent immédiatement.
Le 25 décembre 2018, 117 personnes, logeant depuis septembre dans un hébergement collectif de Tamanrasset, ont été déportées, à quelque 2 000 kilomètres au sud d’Alger, dans la zone frontalière. Jusqu’à présent, les déportations touchaient principalement les ressortissant.es des pays subsahariens, mais ce groupe comprenait 53 personnes de Palestine, 47 de Syrie et 17 du Yémen[32].Ils & elles ont été laissé.es aux frontières du Niger au point dit “zéro”. C’est la première fois que des voyageur.se.s arabes sont expulsé.es vers les frontières nigériennes et cette affaire a été portée à l’attention du HCR (Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés), certain.es d’entre elles & eux ayant déjà fait l’objet de procédures de protection. Le 31 décembre 2018, la Ligue algérienne LADDH a lancé un appel urgent sur le refoulement du groupe[33]. Même le HCR à Genève a lancé un appel urgent le 3 janvier, dans lequel il s’est déclaré “préoccupé par la sécurité des personnes vulnérables de Syrie, du Yémen et de Palestine qui seraient bloquées à la frontière avec le Niger dans le sud algérien”. Le ministre algérien des Affaires migratoires, Hassan Kacimi, rejette agressivement les appels, affirmant que si les voyageur.se.s migrant.es avaient besoin de protection, ils & elles auraient pu se réfugier dans les pays traversés avant d’arriver en Algérie, une déclaration qui ressemble à la logique européenne du Dublin[34]. Kacimi déguise également les opérations d’expulsion en mesures de sécurité dans le cadre de la lutte contre les “djihadistes et terroristes”. L’Algérie reste proche du régime de Bachar al-Assad et considère donc les migrants syriens comme appartenant à l’armée syrienne libre[35].
Évolution de la situation dans la mer Égée
Déjà en janvier 2019, 1 839 personnes sont arrivées sur les côtes des îles grecques de la mer Egée à bord de 51 bateaux, selon l’Aegean Boat Report. La plupart des arrivées ont été enregistrées sur Lesvos avec 670 personnes arrivées sur l’île à bord de 19 bateaux. 1 937 voyageur.se.s à bord d’une cinquantaine de bateaux ont été intercepté.es et renvoyé.es en Turquie par les gardes-côtes turcs. 596 voyageur.se.s ont officiellement franchi la frontière terrestre entre la Turquie et la Grèce[36]. Au cours de la période de six semaines couverte par le présent rapport, Alarm Phone a été alerté de 12 situations de détresse dans la mer Égée. 4 bateaux sont arrivés sur Farmakonisi, 2 sur Samos, 2 sur Symi, 1 sur Chios, et 1 sur Oinousses. Un bateau a été renvoyé en Turquie. Un bateau a coulé près de Chypre, 7 personnes sont toujours portées disparues.
L’année 2019 commence là où 2018 s’est terminée : beaucoup de personnes tentent encore de fuir en Europe en passant par les îles grecques. En 2018, 32 429 personnes sur 899 bateaux sont arrivées principalement sur les îles de Lesvos, Chios, Samos, Kos et Leros. Environ 1 078 bateaux ont été arrêtés et ramenés par les gardes-côtes turcs. Lesvos et Samos ont connu le plus grand nombre d’arrivées en octobre 2018. Les arrivées à Kos et dans les îles mineures de la mer Égée ont culminé en août[37]. Tout au long de l’année, 18 014 personnes ont franchi officiellement la frontière terrestre entre la Turquie et la Grèce pour rejoindre la région d’Evros[38].
Les pertes de vies humaines continuent
L’année 2018 s’est terminée par une autre triste tragédie en mer. Le 26 décembre, Alarm Phone a été contacté par un bateau qui a chaviré près de Chypre. Il transportait 8 hommes partis du Liban le 25 décembre. Nous n’avons jamais été en mesure d’établir un contact direct avec le bateau ou de recevoir une localisation précise. Le seul survivant a finalement été retrouvé le 27 décembre par un cargo. Il flottait dans la mer au nord-est du cap Greco, à Chypre. Il a été transporté par hélicoptère dans un hôpital de Larnaca. Selon le témoignage de l’homme, le bateau a coulé en raison de très mauvaises conditions météorologiques. 7 personnes sont portées disparues et présumées mortes. Les opérations de sauvetage dans la région n’ont donné aucun résultat[39]. Nous tenons à exprimer notre sympathie aux parents et amis des disparus. Nous espérons qu’au moins leurs corps seront retrouvés[40].
Au cours du premier mois de 2019, des gens ont aussi perdu la vie. Le 15 janvier, une fillette de neuf ans est décédée, comme nous l’ont appris les médias. Selon les survivants, un bateau de 45 personnes se rendant de Kusadasi à Samos a été arrêté par les gardes-côtes grecs. Ils ont encerclé le bateau et les ont repoussés dans les eaux turques. C’était bien entendu un refoulement illégal[41]. L’eau a commencé à s’infiltrer dans le bateau, à cinq milles nautiques de la côte turque. Les gardes-côtes turcs sont partis à leur recherche, mais ils sont arrivés trop tard – la fillette de neuf ans était déjà morte. Le père de la jeune fille a accusé les gardes-côtes grecs d’avoir tenté de tuer intentionnellement les gens sur le bateau : “Il y avait de fortes vagues. On pensait qu’ils venaient nous sauver. Ils nous ont dit de couper le moteur. Ils ont attaché notre bateau au leur avec une corde, puis ils ont commencé à tourner en rond. C’était tellement inhumain. Ils ont essayé de nous tuer”[42].Une vidéo prise par des journalistes au poste de police où les survivants ont été amenés montre des témoignages sur le refoulement[43].
Le 17 janvier, un homme est tombé à l’eau lors du débarquement d’un bateau sur les rives de Farmakonisi qui est une zone militaire restreinte. Les 52 survivant.es, dont certain.es ont été blessé.es, ont dû attendre plusieurs heures les garde-côtes grecs avant d’être transférés à Leros. Ce cas montre le danger de débarquer un bateau dans des conditions précaires. Les gardes-côtes grecs ont ensuite confirmé à Alarm Phone qu’ils avaient retrouvé le corps de l’homme.
Situation dans les camps de Lesbos et Samos
Le 8 janvier, un Camerounais de 24 ans a été emmené du camp de Moria à Lesbos à l’hôpital où il est mort peu après. La cause du décès n’a pas encore été révélée publiquement, même si un médecin légiste de l’administration locale a enquêté sur l’affaire. Renata Rendon, chef de mission d’Oxfam en Grèce, a souligné une fois de plus la catastrophe humanitaire dans le camp de Moria : “Les autorités locales et les groupes humanitaires font des efforts pour améliorer les conditions de vie dans des endroits comme Lesbos. Malheureusement, cela est rendu presque impossible par les politiques soutenues par le gouvernement grec et l’UE qui maintiennent les gens piégés dans les îles pour des périodes indéfinies.”
Le 13 janvier, des militant.es d’Athènes ont rapporté qu’un incendie s’était déclaré au camp de Moria sur Lesbos. L’incident s’est produit dans le secteur des mineur.es parce que les personnes doivent allumer des feux pour se réchauffer un peu et pour préparer la nourriture. On ignore si des personnes ont été blessées[44].
Le 24 janvier, des retenu.es du camp de l’île de Samos se sont rendu.es au port pour protester contre leurs conditions de vie insupportables. Les migrant.es, vêtus de vêtements minces et de pantoufles de bain, ont protesté en chantant, dansant et jouant du tambour, et ont répété le slogan “on ne peut plus continuer !” Luisa, une jeune femme du Congo, a rapporté : “J’avais besoin de 4000 euros pour m’échapper de mon pays natal vers l’Europe. Je suis venu ici pour obtenir la protection internationale du gouvernement grec et des Nations Unies. Voilà pourquoi nous sommes ici.” Les autorités ont empêché d’autres manifestations dans les jours qui ont suivi en interdisant aux gens de quitter le camp. Ils craignent des effets négatifs sur le tourisme local[45].
De nombreux reportages et articles dans les journaux ou magazines, à la télévision ou à la radio ont été publiés en 2018, témoignant de l’incroyable misère dans les camps des îles grecques. Toujours en raison de cette couverture médiatique croissante, le ministre grec de la Santé a promis à plusieurs reprises de transférer la plupart des résident.es du camp sur le continent afin d’améliorer la situation des camps totalement surpeuplés. Et pourtant, presque rien n’a changé. Plusieurs de ces rapports et articles ont également mis en lumière l’effondrement du système d’identification et de protection des personnes les plus vulnérables en raison d’un manque de personnel et de vices de procédure. Les enfants, les mineur.es, les victimes de torture et d’abus sexuels et les mères de nouveau-nés vivent dans des zones non protégées où la violence, les combats et l’extorsion continuent de faire partie de leur vie quotidienne[46].
La criminalisation de la protestation se poursuit
Le 24 janvier, Sohel M. a comparu pour une audience préliminaire après avoir été inculpé d’un incendie à Moria en octobre 2016. Sohel M. est arrivé à Lesbos en juillet 2016, juste après la mise en œuvre de l’accord UE-Turquie. Il a vécu à Moria jusqu’à son arrestation et aujourd’hui, il doit faire face à un procès criminel à Mytilène. Sohel M. est militant politique et défenseur des droits des migrants depuis deux ans. C’est un personnage crucial à Moria, capable d’assurer la médiation entre les différents groupes au sein du camp, mais aussi entre les migrant.es et les populations locales. En raison de la criminalisation des actions politique et humanitaire, il n’est pas surprenant que l’État grec ait décidé d’enquêter sur Sohel M., soupçonné d’avoir été impliqué dans un incendie criminel. Le centre juridique de Lesbos a invité tou.te.s ses ami.es et tou.tes les militant.es à manifester leur solidarité lors de l’audience qui a été fermée au public. “Nous sommes aux côtés de Sohel pour exiger qu’il soit libéré des poursuites pénales, de la détention, de la déportation et de l’île pénitentiaire de Lesbos. #LibertépourSohel”[47].
Frontex – Agence européenne des gardes-frontières et des garde-côtes
Le 23 janvier, Frontex a annoncé son soutien à la flotte des garde-côtes grecs. Le ministère grec de la marine marchande et de la politique insulaire a chargé le chantier naval italien Cantiere Navale de produire et de livrer trois patrouilleurs côtiers de pointe. Frontex rembourse 90% des dépenses. En outre, le ministère grec prévoit la mise en service de plus de patrouilleurs à grande vitesse, pour une valeur de 49 millions d’euros. Ces nouveaux moyens sont destinés à accroître les capacités de surveillance en mer Egée[48].
Situation le long de la rivière Evros
En 2018, un développement remarquable dans la région égéenne a été l’augmentation des arrivées par la frontière terrestre entre la Turquie et la Grèce. Officiellement, 18 014 personnes ont franchi la frontière terrestre en 2018, contre 6 592 en 2017 et 3 784 en 2016[49]. Selon un rapport de Human Rights Watch, les demandeur.se.s d’asile et les migrant.es sont souvent refoulé.es de force en Turquie par les forces de police grecques. Ce rapport fait suite à plusieurs incidents similaires que Alarm Phone a documentés au cours de la dernière année, après avoir été alerté par des voyageur.se.s qui venaient de traverser la frontière terrestre et qui se sont retrouvé.es en Turquie après avoir été refoulé.es. Dans le rapport, des témoignages ont été donnés sur les biens détruits et le recours à la violence à l’encontre des migrant.es : “Les mauvais traitements comprenaient des coups et l’usage de matraques, des coups de pied et, dans un cas, l’utilisation de ce qui semblait être un pistolet électrique (taser). Dans un autre cas, un Marocain a dit qu’un homme masqué l’avait traîné par les cheveux, l’avait forcé à s’agenouiller par terre, lui avait tenu un couteau sous la gorge et l’avait soumis à une fausse exécution. Parmi les autres personnes qui ont été repoussées, il y a une femme enceinte de 19 ans d’Afrine, en Syrie, et une femme d’Afghanistan qui a déclaré que les autorités grecques avaient enlevé les chaussures de ses deux jeunes enfants.” Le rapport est basé sur 26 entretiens avec des demandeur.se.s d’asile en Grèce et en Turquie et a noté 24 incidents de refoulement de la Grèce vers la Turquie[50]. En ce qui concerne l’augmentation rapide des passages frontaliers dans les régions d’Evros, ces incidents sont susceptibles d’augmenter et de rendre plus importantes que jamais une documentation attentive, des campagnes de sensibilisation du public et des actions directes.
RAPPORTS DE CAS
Au cours des 6 dernières semaines, le WatchTheMed AlarmPhone a été mobilisé dans 39 cas de détresse, dont 23 en Méditerranée occidentale, 12 en mer Egée et 4 en Méditerranée centrale. Vous trouverez ci-dessous de courts résumés et des liens vers les rapports spécifiques qui les décrivent.
Méditerranée occidentale
Le mardi 25 décembre 2018, AlarmPhone a été alerté d’un groupe de 27 voyageur.se.s (dont 17 femmes, 7 enfants et 3 bébés) qui étaient arrivé.es sur une île espagnole près de Peñón de Vélez de la Gomera / Badis. Finalement, les voyageur.se.s ont été renvoyé.es au Maroc par la Marine Royale (voir : http://watchthemed.net/index.php/reports/view/1113).
Jeudi 27 décembre, nous avons été alertés par un bateau transportant 13 personnes (dont 1 femme) qui était parti d’Achakar. Ils & elle ont été secouru.es en Espagne, voir : http://watchthemed.net/reports/view/1114).
Le vendredi 28 décembre, AlarmPhone a été alerté de la présence de 5 bateaux en détresse : Un bateau transportant 45 personnes en provenance de Nador, qui a ensuite été secouru par l’organisation espagnole de recherche et de sauvetage Salvamento Maritimo (SM) et 4 autres bateaux quittant la région de Tanger. Parmi les 4 bateaux partant de Tanger se trouvait un bateau en détresse transportant 8 personnes (dont 1 femme enceinte et 1 enfant) qui a été secouru par Marine Royale mais après la mort d’une personne, et deux autres bateaux transportant 9 et 13 personnes. L’une a été prise par Marine Royale, et l’autre est retournée au Maroc par elle-même. Un autre bateau de Tanger transportant 6 personnes (dont 4 femmes) qui était parti d’Achakar a ensuite été secouru par SM (voir : http://watchthemed.net/reports/view/1115).
Le dimanche 6 janvier 2019, AlarmPhone a été contacté par deux bateaux partis de Cap Spartel au Maroc en direction de l’Espagne. Les deux bateaux, l’un transportant 12 passagers (1 femme), l’autre 10 personnes, ont finalement été secourus en Espagne (voir : http://www.watchthemed.net/reports/view/1119).
Le mardi 8 janvier 2018, AlarmPhone a été alerté de la présence de deux bateaux en détresse au large des côtes marocaines. Le premier bateau transportait 45 personnes et risquait fort de couler. Ils ont été retrouvés et secourus par la marine marocaine et sont retournés au Maroc. Le deuxième bateau transportait 10 personnes et a finalement été secouru en Espagne (voir : http://watchthemed.net/reports/view/1122).
Le mercredi 9 janvier 2019, AlarmPhone a été alerté par une personne de contact peu après minuit d’un bateau transportant 12 personnes qui avait embarqué depuis Achakar quelques heures auparavant. Vers 1h du matin, nous avons reçu leur position GPS, montrant que le bateau se trouvait près de la côte marocaine. Comme le canot pneumatique perdait de l’air, nous avons informé la MRCC Rabat ainsi que l’organisation espagnole de recherche et sauvetage Salvamento Maritimo (SM) de la situation. Vers 2h02 du matin, nous avons reçu la confirmation de notre personne de contact que le bateau avait été retrouvé et les personnes secourues. Ils & elles ont été renvoyé.es au Maroc (voir : http://watchthemed.net/reports/view/1123).
Le dimanche 13 janvier 2019, AlarmPhone a été alerté à 10h38 CET d’un bateau par une personne de contact qui transportait 54 personnes, dont 4 femmes. … Le 17 janvier, nous avons appris via Helena Maleno qu’une personne de ce bateau avait été retrouvée vivante, sauvée par un pêcheur et ramenée au Maroc. Les 53 autres personnes ont disparu et on craint qu’elles se soient noyées (pour le rapport complet, voir : http://watchthemed.net/reports/view/1124).
Mardi 15 janvier, l’équipe d’AlarmPhone a été alertée de la présence de trois bateaux dans la Méditerranée Occidentale. Un bateau était parti de Tanger, un de Nador et un autre d’Algérie. Finalement, nous avons pu obtenir la confirmation que les trois bateaux avaient été secourus par l’organisation espagnole de recherche et de sauvetage Salvamento Maritimo (SM) et avaient été amenés en Espagne (voir : http://www.watchthemed.net/reports/view/1125).
Samedi 19 janvier à 9h25, AlarmPhone a été alerté par une personne contact d’un bateau de 11 voyageur.se.s, dont deux femmes, en Méditerranée occidentale, parti de Tanger à 3h30 du matin. Nous avons réussi à contacter les voyageur.se.s, mais à cause d’une mauvaise connexion, la communication était très difficile. A 9h35, nous avons appelé l’organisation espagnole de recherche et de sauvetage Salvamento Maritimo (SM) et lui avons transmis les informations que nous avions. Une demi-heure plus tard, ils ont confirmé qu’ils cherchaient les voyageur.se.s avec des bateaux et un hélicoptère, qui venait de repérer un bateau en caoutchouc en détresse. Dans un autre appel aux voyageur.se.s, ils & elles nous ont confirmé qu’iels avaient vu l’hélicoptère et, à 10 h 43, iels ont confirmé qu’iels avaient été secouru.es et étaient conduit.es à Algeciras (voir : http://www.watchthemed.net/reports/view/1126).
Le 26 janvier 2019, l’équipe de quart d’AlarmPhone a été alertée de la présence de trois bateaux en détresse. Deux d’entre eux, cependant, ont été interceptés par la marine marocaine avant que nous ayons eu le temps de nous impliquer davantage. Le troisième bateau a été secouru par Salvamento Maritimo et amené en Espagne (voir : http://www.watchthemed.net/reports/view/1136).
Le 27 janvier 2019, AlarmPhone a été alerté de trois cas de détresse. Un bateau a été secouru et amené en Algérie, un autre a été secouru par Salvamento Maritimo et amené en Espagne, et dans le troisième cas nous n’avons pas eu le temps de nous impliquer avant d’être informé.es que les voyageur.se.s avaient été intercepté.es par la marine marocaine (voir : http://www.watchthemed.net/reports/view/1137).
Mer Egée
Lundi 24 décembre, l’équipe d’AlarmPhone a été alertée d’un groupe de 14 voyageur.se.s (dont 8 femmes et 1 enfant) bloqué.es sur la petite île de Oinousses. Ils & elles ont ensuite été secouru.es à Chios (voir : http://watchthemed.net/index.php/reports/view/1116).
Mercredi 26 décembre 2018, AlarmPhone a été informé d’un bateau transportant 8 Syriens qui avait quitté le Liban la veille. Le bateau a coulé et un seul homme a été secouru par un cargo américain, les autres sont portés disparus, présumés morts (voir : http://watchthemed.net/index.php/reports/view/1117).
Le samedi 29 décembre 2018, AlarmPhone a été prévenu de deux groupes bloqués dans la mer Egée. Le premier était un groupe de 20 voyageur.se.s (dont 7 femmes et 7 enfants) bloqué sur l’île de Symi. Ils & elles ont été secouru.es par les gardes-côtes grecs. Le deuxième groupe de 18 voyageur.se.s (dont 8 femmes et 6 enfants) a été pris en charge par les garde-côtes turcs (voir : http://watchthemed.net/index.php/reports/view/1118).
Lundi 31 décembre, à 5h30 CET, notre équipe AlarmPhone a été informée qu’un bateau avec 40 voyageur.se.s s’était échoué sur l’île de Farmakonisi. A 5h40 du matin, nous avons alerté les gardes-côtes grecs. À 9h47, la Garde côtière a confirmé le sauvetage des voyageur.se.s et d’un deuxième groupe sur l’île (75 personnes au total) (voir le rapport complet ici : http://www.watchthemed.net/reports/view/1120).
Jeudi 17 janvier, AlarmPhone a été alerté par un parent d’un.e des voyageur.se.s d’un bateau en mer Egée. Le bateau se dirigeait vers Samos et transportait 54 personnes, parmi elles 13 enfants et 18 femmes, dont quatre étaient enceintes. Nous avons pu entrer en contact direct avec les voyageur.se.s et, à 9h30, ils & elles nous ont informé.es que cinq personnes étaient très malades et qu’iels n’avaient plus de carburant. A 9h45, nous avons appelé les garde-côtes grecs et leur avons transmis les informations dont nous disposions. A 11h20, les gardes-côtes grecs nous ont confirmé qu’ils avaient secouru le bateau et amenaient le groupe à Samos (voir : http://www.watchthemed.net/reports/view/1127).
Vendredi 18 janvier à 4 heures du matin CET, notre équipe AlarmPhone a été informée qu’un groupe d’environ 53 voyageur.se.s, dont 7 femmes et 10 enfants, venait d’arriver sur l’île grecque de Farmakonisi. Plusieurs personnes étaient blessées et une personne était tombée à la mer peu avant que le bateau n’arrive sur l’île. A 4h07 du matin, nous avons alerté les autorités grecques et leur avons communiqué l’emplacement du groupe. A 4h32 du matin, l’autorité portuaire de Leros a confirmé qu’elle y amènerait tou.te.s les voyageur.se.s. Les garde-côtes grecs ont lancé une opération de recherche et sauvetage pour retrouver la personne disparue en mer. Malheureusement, à 14 heures, ils ont confirmé avoir trouvé le corps d’un homme mort (voir : http://www.watchthemed.net/reports/view/1128).
Samedi 19 décembre à 2h15 CET, notre équipe de quart d’AlarmPhone a été alertée par une personne qu’un groupe de 25 voyageur.se.s, dont neuf femmes et cinq enfants, était en route pour Farmakonisi. La personne-ressource nous a transmis le numéro de téléphone et la position des voyageur.se.s. Nous avons réussi à entrer en contact avec les voyageur.se.s, qui étaient en détresse urgente et nous avons appris que de l’eau entrait dans le bateau. A 2h30 du matin, nous avons alerté les gardes-côtes grecs de la situation en leur communiquant la position des voyageur.se.s, et une heure plus tard, les voyageur.se.s nous ont confirmé qu’ils & elles avaient été secouru.es et étaient emmené.es en Grèce (voir : http://www.watchthemed.net/reports/view/1129).
Le 21 janvier au petit matin, AlarmPhone a été alerté à deux reprises de ce qui semblait être deux cas différents de bateaux d’environ 40 à 50 personnes chacun. Nous avons prévenu les garde-côtes grecs et tenté de rester en contact avec les voyageur.se.s. Finalement, nous sommes arrivé.es à la conclusion qu’il n’y avait qu’un seul bateau avec des personnes différentes appelant à l’aide. Nous avons en effet reçu la confirmation que tou.tes les passager.es avec lesquel.le.s nous avions été en contact étaient bien arrivé.es à terre, alors qu’un seul bateau était arrivé sur Samos (voir : http://www.watchthemed.net/reports/view/1130).
Le 27 janvier à 4h18 CET, l’équipe de quart d’AlarmPhone a été alertée d’un bateau en détresse d’environ 40 voyageur.se.s (dont environ 10 femmes et 10 enfants). Nous n’avons pas été en mesure d’établir un contact direct avec le bateau. A 4h35 CET, nous avons informé les garde-côtes grecs de l’existence du bateau. A 5h45 du matin, nous avons été informé.es que les voyageur.se.s avaient réussi à arriver par leurs propres moyens sur l’île de Farmakonisi. Nous en avons de nouveau informé les gardes-côte. A 10h18 CET, Nous avons reçu confirmation que les voyageur.se.s avaient été pris.es en charge et emmené.es sur une autre île (probablement Leros) (voir : http://www.watchthemed.net/reports/view/1131).
Le 28 janvier, l’équipe de quart d’AlarmPhone a été informée d’un bateau de 28 voyageur.se.s (dont 10 enfants) en route pour Chios. Nous avons eu du mal à entrer en contact avec le bateau car la connexion était mauvaise, mais y sommes finalement parvenu. Nous avons alors contacté les garde-côtes grecs. A 2h41 CET, ils nous ont informé du sauvetage de ce groupe et, seulement 30 minutes plus tard, les voyageur.se.s nous l’ont eux & elles-mêmes confirmé par message vocal (voir : http://www.watchthemed.net/reports/view/1138).
Le 2 février, à 4h24 CET, l’équipe d’AlarmPhone a été alertée d’un groupe d’environ 30 voyageur.se.s, dont plusieurs enfants handicapés. Après avoir parlé directement avec les voyageur.se.s, nous avons compris qu’ils & elles s’étaient échoués sur l’île de Symi, sur des rochers à l’extrémité sud de la baie de Nanou, vers 3 heures CET. Nous avons appelé la police portuaire de Symi qui nous a demandé d’appeler les gardes-côtes. Nous avons ensuite transmis toutes les informations aux gardes-côtes. A 6h30 CET, les voyageur.se.s ont indiqué qu’ils & elles voyaient un bateau des gardes-côtes se diriger vers leur plage, puis iels ont confirmé 15 minutes plus tard qu’iels avaient bien été secouru.es (voir : http://www.watchthemed.net/reports/view/1139).
Méditerranée centrale
Le vendredi 28 décembre 2018, l’équipe de quart d’AlarmPhone a été contactée par un bateau pneumatique en détresse transportant 28 personnes, qui avait quitté la Libye. A 17h10 HEC, nous avons informé les garde-côtes maltais, le bateau étant déjà proche de la zone de recherche et sauvetage maltaise. Nous leur avons transmis la position GPS et le numéro de téléphone Thuraya des personnes à bord du bateau. Au bout d’un moment, les voyageur.se.s ont commencé à paniquer car de l’eau entrait dans leur bateau. Pendant plusieurs heures, nous sommes resté.es en contact constant avec elles & eux, rechargeant leur crédit téléphonique Thuraya et essayant de les rassurer. Les garde-côtes maltais nous ont confirmé samedi 29 décembre à 1h05 du matin qu’une opération de sauvetage était en cours. Peu de temps après, nous avons reçu la confirmation d’un bateau de sauvetage voisin qu’ils & elles avaient été secouru.es par les garde-côtes maltais (pour le rapport complet, voir : http://watchthemed.net/reports/view/1134).
Le samedi 19 janvier, AlarmPhone a été alerté d’un bateau en détresse au large des côtes libyennes. Les voyageur.se.s qui nous ont contacté.es étaient 47 à bord, ils & elles étaient parti.es de Zuwarah. Après un certain temps, iels ont pu nous envoyer leur position GPS pour que nous puissions les localiser. Ils & elles nous ont également informé.es que leur moteur s’était arrêté et demandaient une assistance urgente. Nous avons donc immédiatement alerté le Centre de coordination du sauvetage maritime à Rome. Nous avons également informé l’avion de reconnaissance civil Moonbird et le Sea-Watch 3, ce dernier patrouillant dans les environs. À ce moment-là, Sea-Watch 3 était déjà engagé dans une opération de sauvetage, dont ils avaient été informés par leur avion Moonbird. Nous avons appris plus tard qu’il s’agissait du bateau qui nous avait contacté (voir : http://www.watchthemed.net/reports/view/1132).
Le dimanche 20 janvier à 10h49 CET, AlarmPhone a reçu un appel direct d’un bateau en détresse en Méditerranée centrale, transportant 100 voyageur.se.s, dont 12 enfants et 20 femmes, dont une enceinte. Ils & elles étaient parti.es d’Al Khums, en Libye, à bord d’un bateau pneumatique vers 21 heures, heure libyenne, la veille au soir. A 12h58, nous avons alerté les garde-côtes italiens, qui nous ont dit de transmettre également l’information à Malte, ce que nous avons fait immédiatement. À 13h58, les voyageur.se.s nous ont dit ne plus être en mesure de continuer. 20 minutes plus tard, les garde-côtes italiens nous ont informé.es qu’ils avaient transmis l’opération aux garde-côtes libyens. Nous avons essayé à de nombreuses reprises de contacter les garde-côtes libyens pour obtenir des informations sur l’opération, mais nous n’avons jamais réussi à les joindre. Entre-temps, nous avons continué à transmettre les positions mises à jour que nous recevions du bateau aux garde-côtes italiens et maltais. En parlant avec les voyageur.se.s, nous avons appris que la situation sur le bateau s’aggravait à mesure que l’eau entrait dans le bateau. A 22h46, les garde-côtes italiens ont confirmé le sauvetage, et nous ont affirmé que les voyageur.se.s seraient ramené.es en Libye. Selon MSF qui a soigné les survivant.es et les témoignages directs des voyageur.se.s, au moins six personnes sont mortes pendant le voyage. Après leur retour en Libye, un garçon du groupe est mort (voir : http://www.watchthemed.net/reports/view/1133).
Le 21 janvier 2019, à 14h51 CET, AlarmPhone a été contacté par des voyageur.se.s à bord du navire marchand Lady Sham, qui les avait secouru.es alors qu’ils & elles étaient en détresse. Iels étaient en train d’être refoulé.es en Libye. Les personnes au téléphone criaient en demandant de l’aide pour ne pas être renvoyées en Libye, disant qu’elles préféraient se tuer plutôt que d’y retourner. L’équipe de quart a eu plusieurs conversations téléphoniques avec des personnes à bord du Lady Sham, pour tenter de déterminer combien il y avait de voyageur.se.s, de quel sexe ils & elles étaient, et où le bateau retournait en Libye. L’équipe de quart a relayé toutes les informations aux médias et à MSF basée en Libye. Le lendemain matin, AlarmPhone a été informé que les voyageur.se.s avaient été violemment débarqué.es au cours de la nuit (voir : http://www.watchthemed.net/reports/view/1135).
Notes
[3] https://twitter.com/alarm_phone/status/1079694824100556800
[8] A small selection of news reports:
https://www.thedailybeast.com/sending-human-skeletons-out-to-sea-to-die
https://www.sueddeutsche.de/news/politik/migration-neue-schiffsungluecke-im-mittelmeer—hunderte-in-seenot-dpa.urn-newsml-dpa-com-20090101-190120-99-639386
https://www.repubblica.it/cronaca/2019/01/20/news/migranti_casellati_salvini-217012013/
https://www.tagesanzeiger.ch/ausland/europa/dieser-zynismus-vor-den-toren-europas/story/17284963
[9] https://www.ecoactu.ma/migration-lobservatoire-national-dresse-le-bilan-2018/
https://fr.sputniknews.com/international/201901181039686636-maroc-lutte-immigration-clandestine/
[12] https://elpais.com/politica/2019/01/29/actualidad/1548793337_525330.html
[14] http://watchthemed.net/reports/view/1124
[15] https://www.eldiario.es/desalambre/ONG-Caminando-Fronteras-desaparicion-naufragio_0_858464270.html
https://twitter.com/walkingborders/status/1086187275543896067/photo/1
[17] https://fr.sputniknews.com/international/201901181039686636-maroc-lutte-immigration-clandestine/
[20] https://www.facebook.com/Sndioufsa2.sd/
[21] i.e. the refurbishment of police stations, Guardia Civil barracks and Penitentiary Institutions, as well as procedural changes in the ‘Centers for the Internment of Foreigners’ (CIE), the reception facilities for travellers who managed to reach Spain.
[22] https://elpais.com/politica/2019/01/18/actualidad/1547802229_440038.html
[24] https://twitter.com/PSOE/status/1086245509805867010
[25] https://www.eldiario.es/andalucia/devoluciones-caliente_0_854964586.html
https://euromedrights.org/fr/publication/algerie-nous-sommes-tou-t-e-s-des-personnes-migrantes/
[29] https://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=23114&LangID=F
[30] https://apnews.com/9ca5592217aa4acd836b9ee091ebfc20
[32] https://derstandard.at/2000095611637/Algeriens-umstrittene-Abschiebungen-in-die-Wueste
[35] https://www.tsa-algerie.com/refoulement-de-migrants-arabes-cest-une-question-de-securite-nationale/
[36] https://data2.unhcr.org/en/situations/mediterranean/location/5179
[37] https://www.facebook.com/AegeanBoatReport/photos/pcb.505197260003383/505197183336724/?type=3&theater
[38] https://data2.unhcr.org/en/situations/mediterranean/location/5179
[39] https://www.facebook.com/AegeanBoatReport/posts/498906687299107
[41] https://www.aa.com.tr/en/turkey/greek-officers-tried-to-kill-us-migrant-in-turkey/1365190
http://www.milliyet.com.tr/sahil-guvenlik-ekipleri-40-kisiyi-gundem-2811592/
http://www.hurriyetdailynews.com/
[43] https://www.aa.com.tr/tr/turkiye/yunan-askerleri-bizi-olume-terk-etti/1366055
[44] https://www.youtube.com/watch?v=dxWzyUuXzLA&feature=youtu.be
[45] https://www.tagesschau.de/ausland/samos-fluechtlinge-protest-101.html
https://d1tn3vj7xz9fdh.cloudfront.net/s3fs-public/file_attachments/2019-01_greece_media_briefing_final.pdf https://www.zdf.de/nachrichten/heute/fluechtlinge-in-griechenland-oxfam-kritisiert-migrantenlager-100.html
[49] https://data2.unhcr.org/en/situations/mediterranean/location/5179
[50] https://www.hrw.org/news/2018/12/18/greece-violent-pushbacks-turkey-border