Depuis la fin du mois de novembre 2016, la guerre contre les migrant.e.s subsahariens s’intensifie au Maroc et en Algérie. L’Alarme Phone au Maroc suit de près la situation, afin de mettre en lumière des faits tragiques causés par la répression des migrant.e.s : opérations de ratissage, arrestations et déportations massives.
Partout, le constat est le même : violations des droits fondamentaux et abus en tout genre : vol d’effets personnels (téléphones, sacs, etc.), destruction de campements et de matériel, privation d’eau et d’alimentation, harcèlement. Ces violences provoquent des déplacements forcés et entretiennent une insécurité permanente chez les migrants subsahariens.
Les opérations de déportation des migrants subsahariens se multiplient. En Algérie les déportations se font vers le sud saharien, aux frontières avec le Niger et le Mali. Ces déportations se déroulent dans des conditions inhumaines, les migrant.e.s étant laissés sans le minimum pour leur survie (nourriture, eau…). À Ziralda (Alger), plus 1500 migrants subsahariens ont été arrêtés.
Au Maroc, les déportations se font en direction de la frontière avec l’Algérie (région d’Oujda) et vers le sud et l’intérieur du pays. Parmi les personnes contactées après la rafle, plusieurs ont témoigné de violences subies, ce qui a été confirmé par les organisations algériennes de défense des droits de l’homme qui ont enregistré l’incident.
Entre novembre 2016 et février 2017, il y a eu des rafles dans les villes frontalières aussi bien que dans les villes de l’intérieur du pays, pendant lesquelles des effets personnels ont été volés (téléphones, argent, bagages, etc.). Il y a des personnes bloquées à la frontière dans des « zones tampons », dont un groupe de 47 personnes (hommes et femmes). Un autre groupe de 5 personnes comprenant une femme, a tenté de rejoindre le territoire marocain mais a été arrêté par les autorités marocaines. Ces migrant.e.s ont subi toute sorte d’abus et de torture physiques et psychologiques.
Grâce à eux, l’ Alarme Phone a pu obtenir plusieurs témoignages de violence de la part des autorités entre février et mars 2017:
- Mouhamadou, 24 ans, Ivoirien : battu et fouetté, lui faisant un handicap au niveau des doigts de la main gauche
- Esseline, 26 ans, Camerounaise : poursuivie par les gardes-frontières algériens alors qu’elle était enceinte, elle a fait une fausse couche.
- Cédric, 16 ans, Camerounais : est resté 3 jours à la frontière dans une caserne militaire algérienne et a été dépouillé de ses bagages.
Rafles et expulsions forcées : les drames se poursuivent à la frontière Algéro-marocaine
La militarisation de la frontière entre l’Algérie et le Maroc augmente les risques pour les migrants – le long de la frontière, les autorités algériennes ont creusé des fosses (de 3 mètres de long de 3 à 4 mètres de profondeur), et de son côté de la frontière, le Maroc a construit un mur-clôture. L’Alarme Phone a enregistré 3 décès entre la fin 2016 et le début de l’année 2017 et plusieurs blessés (fractures…) suite à des chutes dans ces fosses anti-migrants. Par ailleurs, les gardes-frontières ont pris l’habitude de tirer en l’air pour effrayer les gens, pour les forcer à fuir, ce qui peut entraîner des conséquences graves – certains des migrants qui pu rejoindre le territoire marocain se trouvaient dans un mauvais état de santé physique et psychologique.
Suite aux tentatives de passage de la barrière à Ceuta, les opérations de ratissage ont été menées par les autorités marocaines dans les régions de Mesnana, de Tanger, et Castellejo. Ces opérations ont conduit à l’arrestation puis à la déportation de nombreux migrant.e.s. Certains d’entre eux ont été déportés vers la frontière algéro-marocaine, d’autres vers l’intérieur du pays, du côté de Fès, Tiznit et Kenitra. Ces déportations ont été effectuées dans des conditions inhumaines, Alarme Phone a reçu des témoignages des violences et des mesures d’intimidation qu’ils et elles ont subi. Plus de 20 organisations nationales et internationales, parmi lesquelles figure Alarm Phone, ont dénoncé publiquement ces agissements.
L’Alarme Phone a suivi la situation d’un groupe de 47 personnes déportées, et d’un autre groupe de 5 personnes. Certains sont titulaires de cartes de séjour en règle. Certains sont mineurs – 2 d’entre eux étaient au Centre de protection à Oujda au cours des déportations récentes. Parmi ceux qui ont été expulsés en Algérie, quelques-uns ont réussi à revenir en territoire marocain. Un groupe de 5 personnes comptant une femme handicapée se sont retrouvé.e.s dans la zone-tampon à la frontière pendant plus de 10 jours sans eau ni nourriture. Alarm phone a pu confirmer cette information, vidéos et photos à l’appui.
Tanger-Tétouan au nord du Maroc: arrestations massives et les procès
Grace à l’échange d’informations et aux renseignements obtenus nous avons appris que plus de 100 migrants arrêtés aux grillages de Ceuta sont actuellement en prison à Tétouan.
Lors de la tentative de passage des barrières de Ceuta par plusieurs centaines de migrant.e.s, à la mi-février 2017, les forces de l’ordre marocaines ont traqué et arrêté des migrants parmi lesquels se trouvaient des blessés. Depuis plus d’un mois, ils sont détenus à la prison de Tétouan. L’Alarme Phone a réussi à entrer en contact téléphonique avec certains d’entre eux. Ces derniers ont indiqué que plus de 100 migrants sont enfermés et qu’ils ont été traduits en justice à Tétouan. Mais il est probable que leur nombre réel soit supérieur au nombre mentionné. Leur procès s’est déroulé dans un temps record : ceux qui ont été arrêtés les 19, 20 et 21 février ont été condamnés à des peines de prison d’une durée de 3 à 6 mois. Ces procès expéditifs n’ont pas été équitables. Les détenus n’ont pas eu les moyens de se défendre. Certains n’ont pas pu avoir accès à leur procès-verbal. Les traductions des dossiers en arabe n’ont pas été effectuées. Le traitement qui leur a été réservé est inadmissible. Les détenus dénoncent le régime discriminatoire de leur détention (négation du droit de visite, impossibilité de rencontrer des organisations de défense des droits de l’homme, etc.).
Par conséquent, l’Alarme Phone Méditerranée Occidentale :
- déclare son soutien aux victimes de cette injustice et exige la libération de tout*e*s les migrant*e*s accusé*e*s de tentatives de traversées illégales des frontières
- dénonce ces procès équitables et la négation des droits des détenus
- demande aux autorités marocaines de respecter les droits de l’homme, de garantir de meilleures conditions médicales et d’accorder le droit de visite aux ami.e.s des détenus, en l’absence de leurs parents et familles
- revendique le respect pour les droits humains à la frontière algérienne-marocaine, et à la frontière marocaine-espagnole
- souligne que cette situation a été provoquée par la politique européenne qui est basée sur une approche uniquement sécuritaire
- lance un appel à toute initiative, association et personne à soutenir ces détenus politiques en dénonçant le régime meurtrier des frontières européennes et le manque de respect pour les droits humains des deux côtés de la Méditerrannée.